AccueilActualitéMeissex, souvenirs d’un fils de mineur, par MARION FONTAINE

Meissex, souvenirs d’un fils de mineur, par MARION FONTAINE

Toutes les mines ne sont pas celles du Nord… C’est l’une des premières remarques qui vient à l’esprit à la lecture du petit ouvrage autobiographique de Jean Battut (Messeix, souvenirs d’un fils de mineur, Éditeur Lulu.com, 2019, 204p, 12€)

Article paru dans L’OURS 493, dĂ©cembre 2019.

L’homme, nĂ© en 1933, a eu plusieurs vies. Il fut d’abord un militant syndicaliste majeur au sein du monde enseignant et l’une des figures du SNI des annĂ©es 1970 ; socialiste, proche de François Mitterrand, il contribua Ă©galement Ă  la rĂ©flexion sur les questions scolaires au sein du PS. Il a aussi Ă©tĂ© un militant associatif très actif, et a mĂªme entamĂ©, dans une curiositĂ© inlassable, des Ă©tudes d’histoire qui l’ont menĂ© jusqu’à un doctorat soutenu en 2009.

Tout une partie de ces facettes rejaillissent dans cet ouvrage oĂ¹ Jean Battut revient sur le parcours de sa famille, sur ses souvenirs d’enfance et de jeunesse dans la rĂ©gion minière de Messeix, en Auvergne. Assorti de très nombreux documents (cartes postales, plans, etc.), le livre, qui parcourt les annĂ©es 1940-1950, est riche de rĂ©flexions. Ă€ travers l’itinĂ©raire de l’auteur, fils de de mineur devenu instituteur, il atteste les formes de sortie de la mine par l’école et l’efflorescence d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration de militants qui irriguèrent le socialisme auvergnat, comme ailleurs par exemple le socialisme nordiste, ainsi que l’a montrĂ© il y a quelques annĂ©es FrĂ©dĂ©ric Sawicki (Les rĂ©seaux du Parti socialiste, Belin, 1997). Le livre contient de belles pages, entre fidĂ©litĂ© et nostalgie, sur le rapport de l’auteur Ă  la fois Ă  son monde social d’origine et Ă  l’institution scolaire qui l’a portĂ© jusqu’à l’École normale d’Auxerre.

L’expérience minière en Auvergne
Il prĂ©sente aussi un autre intĂ©rĂªt, que l’on Ă©voquait au dĂ©part, celui de donner un coup de projecteur sur une rĂ©gion minière ancienne (l’exploitation du charbon dĂ©marre Ă  la fin du XVIIIe siècle et ne s’achève qu’en 1988, au puits Saint-Louis de Messeix), et diffĂ©rente des bassins mieux connus et jugĂ©s plus emblĂ©matiques du Nord et de la Lorraine. L’ouvrage incite dans ces conditions Ă  pointer ce qui ressemble et fait la similitude entre les expĂ©riences minières, quelle que soit la rĂ©gion : la prĂ©sence des migrants, les caractĂ©ristiques des relations au fond ; l’auteur Ă©voque joliment cette fraternitĂ© « celle que les mineurs (qui) vivaient au fond… transmettaient en Ă©mergeant au jour ». Il revient aussi, autre point commun, sur l’impact de la nationalisation et le trauma des grèves de 1947-1948, qui contribuèrent Ă  durcir particulièrement les relations entre socialistes et communistes. Mais, en sens inverse, les souvenirs Ă©voquĂ©s par Jean Battut permettent aussi d’apprĂ©hender ce qui singularise l’expĂ©rience minière dans le contexte auvergnat. Le point le plus frappant est l’extrĂªme imbrication entre monde ouvrier et monde rural, imbrication perceptible tant du point de vue des pratiques et des sociabilitĂ©s familiales (les vacances dans la ferme des grands-parents), que des modes de consommation ou encore de l’habitat. Le livre dĂ©peint ces mineurs, mi-ouvriers, mi-paysans, que la modernisation industrielle des Trente Glorieuses finit par faire disparaĂ®tre. Ce furent pourtant des figures importantes et attachantes, et il faut savoir grĂ© Ă  Jean Battut de les avoir fait revivre.
Marion Fontaine

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