mardi 23 avril 2024
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Violence, de quoi parle-t-on ?, par ROBERT CHAPUIS

Il y a déjà quatre siècles l’Anglais Thomas Hobbes justifiait la nécessaire autorité de l’État pour éviter la guerre de tous contre tous. La RPP s’est reposée la question à notre époque où la violence est constamment à l’ordre du jour. Une trentaine de contributeurs parmi lesquels Bernard Cazeneuve, Yves Jadot, Bernard Thibault, José Bové au milieu de nombre d’universitaires, ont accepté de participer au débat. (a/s de « La guerre de tous contre tous », Revue politique et parlementaire, n°1100, juillet-septembre 2021, 252 p, 25€)

En appelant à passer « de la violence à la vertu républicaine », Bernard Cazeneuve apparait comme une référence : dans un monde de démesure, il faut retrouver la raison. Néanmoins toutes les opinions se font entendre, de l’extrême droite (J.-P. Garraud) à l’anarchisme révolutionnaire (le black bloc fort bien analysé par Sylvain Boulouque). Les mots font débat : s’agit-il de la même violence quand on parle du terrorisme sur un fondement religieux, des violences collectives, qu’elles soient d’ordre politique, économique ou idéologique, effectives ou symboliques, des violences interpersonnelles contre les femmes ou les enfants, dans le sport ou à l’université. Tous ces domaines sont abordés, sachant qu’ils peuvent se confondre, comme on le voit quand des élus sont attaqués personnellement pour leurs positions politiques ou des policiers en raison de leur fonction. Les violences policières sont également évoquées : s’agit-il d’obéir aux ordres ou de régler des comptes ? Les responsabilités sont-elles personnelles ou collectives ? 

Les points de vue diffèrent, mais ils s’accordent pour souligner le rôle joué par les réseaux sociaux qui amplifient les relations et globalisent des faits qu’il faudrait relativiser. Les chaînes d’infor­mation en continu s’ajoutent aux GAFA pour créer un sentiment d’insécurité et confondre des « colères » d’origine bien différente. Pour Laurent Mucchielli, « l’idée d’une violence envahissante semble faire partie d’une représentation décadentiste du présent ».

Le refus de l’autre

L’idée même de violence dépend de l’image que l’on se fait de l’homme et de la société. Pour Mgr de Romanet, évêque aux armées, « la violence est inhérente à la condition humaine », pour d’autres « l’être humain n’est pas violent en soi et en toutes circonstances ». Si l’on se réfère à l’histoire, on voit que la violence se définit surtout par le refus de l’Autre qui provoque la peur et le repli sur soi. L’autre, c’est le barbare ou l’infidèle ou simplement le bouc émissaire au sens de René Girard. On en déduit l’impor­tance de l’éducation. L’exemple des cités grecques nous montre les différentes façons de créer un ordre social capable de maîtriser la violence interne ou externe. La Révolution française montre aussi la diversité des réponses : pour les uns la Terreur doit être maîtrisée en l’instituant au niveau de l’État, pour d’autres c’est le pouvoir d’État qu’il faut limiter. Se pose alors la question de la violence légitime, notamment celle des forces de l’ordre qui agissent au nom de l’État et du droit. Là aussi les opinions diffèrent. En s’en prenant au « wokisme » ambiant, David Lisnard, devenu entre temps président de l’Association des maires de France, manifeste une volonté d’épuration assez inquiétante. La dernière contribution qui parle du Brésil montre comment on peut se couvrir de la légitimité pour instaurer la dictature.

En posant la question qui constitue le thème central de ce numéro, la RPP fait œuvre utile. On voit bien la tentation d’instru­men­­taliser les différentes sortes de violence pour justifier l’usage réactionnaire du pouvoir d’État. A l’aube de la campagne présidentielle, il est bon d’y réfléchir.

Robert Chapuis

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