jeudi 25 avril 2024
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En taule et en cases, par Sylvain Boulouque

Si le poème explique que “l’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans”, ces bandes dessinées évoquent la dureté de la condition carcérale à cet âge.

A propos de : Isabelle Dautresme et Bast, 17 piges. Récit d’une année en prison, Futuropolis 2022 122 p. 17 € et Bast, En chienneté, tentative d’évasion artistique en milieu carcéral, Boîte à Bulles 2022 96 p. 18 €

Ces BD, ton pastel avec du noir et du marron pour l’une, et avec des traits faussement naïfs pour l’autre, sont chacune complétée par un dossier documentaire consacré à la justice des moins de 18 ans et la question de l’aide aux détenus.

La première est le récit terrible de l’emprisonnement d’un mineur. Il retrace de manière fictionnelle la vie de Ben, jeune lycéen, élève de première, arrêté dans l’enceinte de son établissement. Ses débuts dans ce nouvel environnement sont marqués par son incompréhension, puisqu’il n’arrive pas à comprendre ce que la justice lui reproche. Mis en détention après sa garde à vue, l’histoire de Ben fait franchir toutes les étapes de l’enfermement : fouille, première nuit en prison dans le quartier réservé, cours pour les élèves empêchés, relations avec les parents au parloir. Il évoque aussi la question des surveillants, l’humanité des uns, le ras-le bol des autres, le sadisme de certains. L’histoire ne cache rien de la prison : les petits trafics et les plus grands, l’emprise des islamistes, la violence entre détenus, la dépression qui conduit certain jusqu’à la mort volontaire, les éducateurs déprimés. Ben subit la prison espérant un hypothétique libération. Reste une interrogation, et non des moindres, la question de la victime, ou des victimes, comme le laisse entendre cette remarquable bande dessinée.

La seconde rappelle la difficulté pour les intervenants extérieurs d’aider les détenus. Bast a animé pendant plusieurs années des ateliers sur la bande dessinée auprès de jeunes mineurs à la maison d’arrêt à Gradignan. Comme tous les enseignants pour “personnes empêchées”, il a été confronté aux multiples refus des prisonniers qui après avoir accepté de participer à des ateliers, refusent de s’investir. Il doit alors user de multiples stratagèmes pour leur suggérer de reprendre le crayon. Croquant des scènes des différentes rencontres, il rend compte de cette réalité du quotidien partagé, entre les envies de se mettre à dessiner et les pesanteurs du milieu carcéral. L’objectif initial de l’atelier était de participer à un concours ; mais après de nombreuses séances, le bédéiste a fini par se retrouver seul, l’administration ayant oublié de lui signaler les départs des différents protagonistes. Un témoignage instructif sur cet univers.

Sylvain Boulouque

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