mardi 19 mars 2024
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Les résistances de Tillon, par Denis Lefebvre

« Résistance »… c’est le mot qui définit Charles Tillon, décédé en janvier 1993. Son petit-fils lui consacre une biographie, qui n’entend pas être une hagiographie, malgré son admiration et son attachement filial. (à propos de Fabien Tillon, Charles Tillon. Le chef des FTP trahi par les siens, Don Quichotte / Seuil, 2021, 301p, 22€)

Pour rédiger son livre, qui bénéficie d’une préface d’Edgar Morin, l’auteur a fait appel à une bibliographie conséquente : les livres de Charles Tillon lui-même, et il y en a eu, et ceux écrits sur la longue période qu’il a traversée, puisqu’il est mort presque centenaire. Il s’est aussi plongé dans les documents conservés aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, ceux du PCF donc, et dans les archives personnelles de son grand-père, notamment des carnets qu’il a tenus de 1945 à 1987. Enfin, il a fait appel à ses propres souvenirs, pour faire revivre un homme dans son intimité familiale.

Fabien Tillon déroule une vie de combat, d’engagements dans les eaux houleuses, voire démontées, du XXe siècle…

Sur tous les fronts
De la mutinerie du Guichen en 1919 à l’entrée au gouvernement à la Libération, de l’entrée à la Chambre des députés en 1936 à son exclusion de sa cellule communiste en 1970, rien ne manque ici pour faire vivre cet homme qui a été sur tous les fronts. La Résistance est une donnée essentielle… dès juin 40 pour lui, alors qu’au même moment Duclos fait négocier la reparution de L’Humanité. Il sera ensuite l’âme et le chef des FTP, Francs tireurs partisans. Dans les chapitres qu’il consacre à cette période, Laurent Tillon ne se contente pas de décrire l’action de son grand-père : il consacre des développements, disons engagés, sur les travaux actuels de certains historiens des années sombres. Ces derniers y trouveront peut-être à redire, il y aura matière à débat, et c’est une bonne chose.

Les décennies qui suivent la guerre sont-elles plus calmes ? Pas vraiment, c’est le moins qu’on puisse dire. Stalinisme, vie du PCF, mise en accusation de Tillon, son « procès » avec Marty en 1952, puis son « départ » du parti communiste en 1970, Georges Marchais regnante : toutes ces années sont intenses, et même tragiques. Tout est décrit dans cette biographie, au prisme de Charles bien sûr, mais le contexte de chaque époque est bien mis en scène, et on note de nombreux portraits de ses contemporains. On regrette parfois l’absence de certains documents. Ainsi, pour la crise de 1952, l’auteur aurait dû, disons pu, reproduire la « confession » de Tillon, la réponse de Jacques Duclos, et les autres échanges qui ont suivi.

Le temps de l’écriture
Dès 1952, pour s’en sortir y compris moralement, retrouver un peu de calme et de joie de vivre, Tillon part dans le Lubéron, un « exil » pour son petit-fils. Suivra le temps de l’écriture, puis Mai 1968, la Tchécoslovaquie et la cassure de 1970, le retour en Bretagne, d’autres livres encore, dont On chantait rouge, ses Mémoires parus en 1977. Jusqu’à sa mort, il reste à gauche, et salue en 1981 la victoire de François Mitterrand et le succès aux législatives qui suivent : « Le PS bénéficie, écrit-il, de ce qu’on appelle un raz-de-marée, mais la victoire se complète de la défaite totale du parti communiste de Marchais. C’est le plus beau jour de ma vie depuis 1952… » Tillon avait encore la dent dure ! À partir du début des années 1990, il s’enfonce tout doucement.

Que penser, au final, de cette biographie ? Elle n’est pas une hagiographie, c’est un fait. Un livre engagé, certes, conforme à ce qu’était Tillon : un résistant, un militant, c’est une évidence, un hérétique, sans doute, mais jamais un renégat.

Denis Lefebvre

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