vendredi 26 avril 2024
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L’enfance du meurtrier de l’impératrice Sisi, par Sylvain Boulouque

Publiée une première fois il y a plus de vingt ans, la réédition en poche de la première partie des mémoires de Luigi Lucheni est heureuse. (A propos de Luigi Lucheni, L’anarchiste qui tua Sissi. Mémoires, Inculte, 2021, 176 p., 6,9 €)

Né le 22 avril 1873, Luigi Lucheni est un enfant de l’assistance, sa mère d’origine italienne ne pouvant l’élever l’a laissé à l’orphelinat. Expulsé vers l’Italie, Luigi se rend en Suisse pour trouver du travail vers les années 1894-1895. La propagande par le fait bat alors son plein. Les attentats succèdent aux attaques symboliques. Le jeune homme décide alors de passer à l’acte. Muni d’une lime, il assassine Sissi, l’impératrice autrichienne le 10 septembre 1898. Arrêté et emprisonné à vie, il rédige des mémoires entre 1907 et 1909 plus ou moins à la demande de l’administration pénitentiaire suisse.
Luigi Lucheni est autodidacte. Il a appris à lire et à écrire en prison. Les cinq cahiers qu’il a rempli lui sont volés par les gardiens, entraînant son insubordination. Il est alors condamné au cachot de la prison de l’Évêché de Genève. Y ayant déjà séjourné vers 1900, il ne supporte pas l’isolement total dans une pièce sans lumière et met fin à ses jours le 19 octobre 1910.
Seul le premier de ses cinq cahiers, appelé Histoire d’un enfant abandonné à la fin du XXe siècle raconté par lui-même, a été retrouvé. L’écriture est percutante. L’auteur s’adresse directement à son lecteur, lui expliquant ce qu’est la misère, justifiant sa révolte contre l’ordre établi.  Son action a été guidée par la préoccupation de la Justice, enjoignant le lecteur de considérer qu’elle a été sa condition et de regarder la vie de ces enfants abandonnés. Avant d’expliquer les premières années de sa vie, dont les premiers souvenirs remontent à ses six ans. Il raconte avoir été balloté de famille en famille, tombant tantôt sur des ivrognes ou des esclavagistes, ou tantôt étant reconduit à l’orphelinat où il subit la violence institutionnelle, celle des gardiens ou de l’absurdité réglementaire. Il livre le témoignage amer et acide d’une enfance volée…

Sylvain Boulouque

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