L’auteur, agrégé d’histoire, a été député du Doubs, mais surtout collaborateur pendant des décennies de Jean Minjoz, maire de Besançon de 1953 à 1977. Il retrace avec empathie une carrière remarquable. (a/s de Joseph Pinard, Louis et Jean Minjoz : 70 ans d’action politique à Besançon, Besançon, Cetre, 2022, 236p, 23€)
C’est toute la vie du PS de Franche-Comté de la seconde moitié du XXe siècle qui est passée en revue avec aussi un clin d’œil au père de Jean Minjoz, Louis, disparu durant la guerre de 1914 alors que son fils avait onze ans.
Jean, travailleur acharné, obtient une double licence, droit et lettres, qui lui permet de devenir avocat à 20 ans, avant même sa majorité. Joseph Pinard retrace d’abord les difficultés de la SFIO avant la guerre avant d’en venir à la Résistance. Il insiste modérément sur cette période car Jean Minjoz, qui avait été nommé par Vichy maire adjoint de Besançon en 1941, paraît n’y avoir eu qu’une activité assez tardive dans le cadre de « Libération nord ».
À la Libération l’intéressé milite sans succès pour un rapprochement du PS avec le PC. Il est élu de justesse maire de Besançon en 1953 mais ses réélections seront plus faciles en reconnaissance par l’électorat d’une gestion efficace.
L’affaire Lip
Minjoz affrontera toutefois avec difficulté l’affaire Lip, tentative d’autogestion, constitution d’un trésor de guerre à l’aide du stock de montres récupérées dans l’usine. Le maire n’appréciait pas les gauchistes, par exemple les trotskistes lambertistes, au sein desquels militait un certain… Mélenchon !
La mort de Pompidou, le 2 avril 1974, et l’élection présidentielle qui s’ensuit détourne l’attention de ce conflit local qui ne se conclura qu’en 1976 par un accord avec la ville permettant l’implantation d’activités nouvelles après la fermeture définitive de l’usine.
Parmi les actions dont fut à l’origine Minjoz on citera, en 1967, la création d’un ancêtre du RMI (revenu minimum d’insertion) qui inspira Rocard en 1988.François Mitterrand se rendit plusieurs fois à Besançon, avant et après son élection. Il déclara que son maire était le député le plus travailleur qu’il ait connu à l’Assemblée nationale.
L’ouvrage décrit de façon détaillée l’action municipale pour les transports, la presse, l’église, l’enseignement, l’emploi, le sport, et, plus généralement, l’économie.
Minjoz eut la sagesse de se retirer en 1977, à 72 ans, frayant la place à Robert Schwint, qui lui succéda.
Un chapitre intéressant est consacré à la rivalité entre Besançon et Dijon, la première ville luttant malaisément contre le développement croissant de la seconde.
On notera, au sujet des référendums, le non de Besançon à celui de 1962 instituant l’élection du président de la République au suffrage universel mais, à l’inverse, le oui à celui de 1969 sur la décentralisation, contrairement au rejet par une majorité de Français qui entraîna le départ de De Gaulle.
L’ouvrage est utile pour aider à la connaissance d’une région, la Franche-Comté, d’une ville, Besançon, et d’un maire emblématique, Jean Minjoz. Aux souvenirs personnels de l’auteur s’ajoute une recherche approfondie d’archives et de la presse régionale.
Raymond Krakovitch