mardi 3 juin 2025
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Avant-première Avignon 2025, par André Robert

Si le Sisyphe contemporain n’était pas le héros d’un monde d’où a été chassé “un dieu qui y était entré avec l’insatisfaction et le goût des douleurs inutiles”, “d’un univers soudain rendu à son silence”, on pourrait dire que Pierre Martot, adaptateur et interprète, est le messager puissamment inspiré de quelque Dionysos, également dieu du théâtre, qui lui-même aurait parlé par la bouche de Camus. Théâtraliser un texte de nature essentiellement philosophique est la gageure que le comédien réussit pleinement. Un de ses multiples mérites est au passage de nous rappeler que le texte camusien, nécessairement réduit mais dit à la lettre, consacre une place importante à la comédie et à l’acteur dans sa réflexion sur l’absurde : ” L’acteur a trois heures pour être Iago ou Alceste, Phèdre ou Glocester. Dans ce court passage, il les fait naître et mourir sur 50 mètres carrés de planches. Jamais l’absurde n’a été si bien ni si longtemps illustré “.

Martot est littéralement possédé par le verbe de Camus qu’il restitue au plus près par la profération, l’invite à la réflexion profonde, et – tel qu’ on ne l’aurait pas spontanément imaginé en restant prisonnier de notre tradition philosophique occidentale – le corps. Il est en cela totalement fidèle au message de l’écrivain, qui fut auteur de théâtre et metteur en scène : ” Le corps est roi … L’acteur … lève le sortilège de cette âme enchaînée et les passions se ruent sur scène “. C’est exactement ce qui se passe dans l’espace restreint du plateau, sous la direction artistique et les belles lumières de Jean-Claude Fall. L’homme absurde, qu’incarne Pierre Martot, prenant tour à tour les figures de l’acteur, de l’homme engagé, du créateur, est sans cesse en mouvement physique mais, parallèlement, dans le mouvement permanent d’une pensée en quête de sens et donc de révolte face à l’absence totale de réponse des dieux (de Dieu). Au terme de la magnifique réflexion jamais ennuyeuse qui nous est adressée par les moyens du théâtre, il s’écrie, comme on n’aurait jamais cru ainsi l’entendre : “Il faut imaginer Sisyphe heureux! “

Durée : 1 h 15.

Alors que la reconstitution par l’IA du visage de Toutânkhamon, fils d’Akhenaton, et celle d’une femme de l’entourage de ce dernier (peut-être Nefertiti) suscitent à la fois l’intérêt et parfois la polémique, Alexandre Delimoges n’a pas besoin du secours de ladite IA pour faire revivre le pharaon ‘maudit’. Comme un chercheur, il a étudié l’égyptologie et particulièrement ce personnage, se rendant de nombreuses fois sur place pour s’imprégner de la somptueuse civilisation vieille de plus de 3000 ans.

Le résultat est ce spectacle très ‘vivant’ rigoureusement mis en scène par Robert Kiener, et remarquablement ‘habillé’ par Jef Castaing, costumier historique. Littéralement dans la peau d’Akhenaton, le comédien fait ressentir tous les états psychologiques par lesquels passe le pharaon abandonné, menacé par ses plus proches, tourmenté en profondeur par les prémices d’une religion monothéiste qu’il fonde autour d’un dieu solaire unique, Aton ; en cela, Alexandre Delimoges administre une très belle leçon de jeu théâtral et de subtile incarnation. Un des derniers mots prononcés par Akhenaton est celui de ‘Moïse’, assurant en quelque sorte la transmission d’une civilisation à une autre en train de naître, ce qui ne laissera pas indifférents les spectateurs épris d’histoire et de réflexion véritablement habitée. Durée : 1 h 10

Philippe Person, directeur de l’école de théâtre du Lucernaire (ancien directeur du théâtre lui-même), et Florence Le Corre, professeure dans la même école, mettent en scène leurs élèves (9e promotion) dans ce classique de Feydeau. Sur le rythme endiablé qu’ils savent excellemment créer à la mesure de la mécanique comique propre à l’auteur, ils tirent de ceux-ci tout le meilleur de leur jeunesse. Dans des rôles qui ont été marqués antérieurement par de forts tempéraments d’acteurs, on voit ici se dessiner de belles nouvelles personnalités adaptées aux personnages foutraques de Feydeau et l’on passe – avec ces jeunes professionnels désormais engagés dans la carrière – le moment de qualité, empli de rire et de détente, que l’on attend. Pour tous publics, une jolie manière d’entrer dans l’été parisien en toute alacrité.

Durée : 1 h 40. Du mercredi au samedi à 20 h, le dimanche à 17 h., du 28 mai au 27 juillet 2025.

Rappel : 35e édition de Parade(s), festival des arts de rue, entièrement gratuit, dans la ville de Nanterre les 6, 7, 8 juin 2025.

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