jeudi 25 avril 2024
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Le sens d’un combat, par ARTHUR DELAPORTE

La bataille des retraites bat son plein à l’Assemblée nationale. Certains, comme François Ruffin, l’avaient anticipé éditorialement. Le député de la Somme a publié un opuscule qui permet de repositionner cette réforme dans un contexte plus large. (À propos de François Ruffin, Le temps d’apprendre à vivre : La bataille des retraites, Les liens qui libèrent, 2022, 60p, 5,90€)

Au-delà de la question des retraites, François Ruffin cherche à réinterroger notre rapport au travail et au temps. La retraite est, finalement, un acquis social récent. Mis en place en France aux lendemains de la seconde guerre mondiale, cet acquis social majeur – « la retraite ne [devait] plus être l’antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie » pour Ambroise Croizat – elle trouve son aboutissement avec l’arrivée des socialistes au pouvoir et la retraite à 60 ans. Pour Pierre Mauroy, « l’abaissement à 60 ans de l’âge de la retraite est une aspiration sociale ancienne qui n’a pas reçu jusqu’à présent une réforme satisfaisante ». Il s’agit d’une « étape significative » avant des abaissements à venir. Mais, depuis lors, le mouvement s’inverse. Individualisation, privatisation, recul de l’âge de départ, allongement de la durée de cotisation et du temps de travail couplés à une intensification de ce dernier, baisse du niveau des pensions… les réformes se succèdent. Le cru 2023 n’est finalement que la poursuite de cette logique. Pour Emmanuel Macron, cette nouvelle réforme est l’illustration de son « ambition réformatrice ».

Supercheries
L’ouvrage, concis est percutant – où les retraites sont un moyen d’analyser à grands traits les mutations du travail et le renforcement des inégalités qui pèsent sur les vies et les corps des classes laborieuses –, n’est néanmoins pas une analyse précise de la réforme des retraites actuelle et de ses injustices concrètes puisqu’il a été publié en amont. Il n’est donc pas une démonstration des supercheries de communication du gouvernement qui n’a eu cesse, ces dernières semaines, de vanter par exemple une retraite à 1200 € pour les bas salaires comme maigre compensation de ces années supplémentaires au travail prises sur la vie. Le gouvernement oublie ainsi de préciser que ce dispositif ne s’applique qu’aux carrières complètes, et qu’une proportion infime seulement des retraités visés par la mesure atteindra ce seuil. Alors même que l’évolution de l’espérance de vie stagne et que celle en bonne santé recule, cette réforme brutale des retraites n’est par ailleurs pas nécessaire socialement ni budgétairement, d’autres sources de financement sont possibles pour composer un déficit temporaire qui restera soutenable comme le souligne le Conseil d’orientation des retraites. D’autres mesures de justice aussi, pour les femmes, les carrières longues ou la pénibilité sont également possibles.

Les débats des semaines qui viennent promettent donc d’être tendus mais riches, François Ruffin – comme les socialistes – y prendront une part certaine pour faire vivre un discours alternatif et leurs ambitions pour une vie longue, large et en bonne santé.

Arthur Delaporte, député du Calvados
Article paru dans L’OURS 525, février 2023

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