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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Masson/1905
En Bretagne : Souvenirs d’avant unité
par HIPPOLYTE MASSON, sénateur du Finistère, vice-doyen du Conseil de la République

Notre sympathique président me demande un article sur la réalisation de l’unité en Bretagne. Se rendant à son invitation, c’est donc un des derniers survivants d’une époque déjà bien lointaine qui va s’efforcer de rassembler ses souvenirs tout en saluant avec émotion la mémoire de tous ces vieux camarades qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes à la propagande socialiste dans une période où elle était si difficile, et qui, à part quelques-uns, n’ont pu, hélas, et je souhaite me tromper, résister au dur assaut du temps.
La fédération socialiste de Bretagne qui précéda l’unité, vit sa naissance dans la Loire-Inférieure, département en grande partie sous le joug de puissants hobereaux. Charles Brunellière, fondateur du Parti ouvrier nantais, créé en 1888, fut en même temps son animateur ainsi que quelques autres dont Henri Gautier qui, chassé de tous les ateliers, se réfugia à la Maison du Peuple dont il fut le meilleur des gérants et des propagandistes.
Ce fut au congrès socialiste régional de Nantes, tenu en 1900, que la fédération de Bretagne se forma en réunissant dès le début dix-huit groupes et soixante-dix organisations coopératives ou syndicales. Les groupes de Morlaix, de Carhaix, de Rennes et de Lorient furent des premiers à envoyer leur adhésion.
Le deuxième congrès annuel se tint à Morlaix ; le troisième, à Rennes ; le quatrième, à Lorient ; le cinquième, à Saint-Brieuc ; le sixième, à Brest, et, enfin, les septième, en 1907, à Saint-Brieuc.
La fédération bretonne adhéra au Parti socialiste français sans rompre ses relations avec les autres organisations régionales. Elle se déclarait autonome, disait-elle, pour aboutir plus rapidement à l’unité de toutes les forces socialistes françaises, ce qui ne l’empêche pas d’ailleurs, comme on le verra plus tard, de bouder cette unité, quand elle se réalisa, en 1905.
Dans le Finistère, c’est de Brest, que, après plusieurs tentatives sporadiques, partit le mouvement socialiste entraîné par un petit noyau de militants d’une commune voisine, Lambézellec, qui déjà en 1884, avaient fait élire un des deux au Conseil municipal.
En 1904, l’élection dans la grande cité maritime de la liste républicaine socialiste, qui passa tout entière, eut un retentissement considérable. Présidée par un artisan horloger, Aubert, la municipalité se trouva immédiatement en lutte très âpre et sans ménagement avec les autorités civiles et maritimes. Parmi les sections qui se formèrent après ce succès, citons : Concarneau, Le Huelgoat, Landerneau, Pont-l’Abbé, Le Relecq-Kerhuon, Guilvinec, Lanmeur, Quimper, Quimperlé et Saint-Pol de Léon, en pleine " terre des prêtres ". D’autres comme Carhaix et Morlaix, villes de coopérateurs, existaient déjà depuis longtemps.
Notons également que ce fut au Finistère que revint l’honneur d’envoyer plus tard – en 1910 – à la Chambre le premier député socialiste de Bretagne : Émile Goude, organisateur de grande valeur.
Le Morbihan, de son côté, n’était pas resté inactif.
Les premiers groupes se formaient Lanester, à Lorient. D’autres se créèrent par la suite à Cleguerce-Locminé, Caudan, Hennebont, Pontivy et Vannes. Mais, si malgré tout le dévouement de ses militants, le mouvement fut plus lent dans ce département cela est dû à la puissance cléricale dont l’emprise était particulièrement forte sur les travailleurs de la terre et de la mer de cette région encore fortement attachés à ce moment à leur noblesse et à l’Église.
Parmi les propagandistes qui firent montre de la plus inlassable activité, Le Halpert, ancien maire de Laneter, Swob, directeur du moulin coopératif ne sont plus. Seuls restent encore sur la brèche Jean Baco et Louis Cren, tous deux adjoints au maire de Lorient dans la municipalité Le Coutaller.
Dans l’Ille-et-Vilaine, les militants de Rennes adhéraient dès 1891 au Parti ouvrier socialiste révolutionnaire d’Allemane et formaient un groupe d’études. À Fougères, ville ouvrière, leur propagande avait fait naître " l’Avant -Garde ". D’autres groupes prirent naissance par la suite à Redon, Vitré, Siffré et Saint-Jean-du-Cormier, mais, ce n’est que plus tard, après avoir trouvé de nouvelles et solides recrues au sein de l’Université que le mouvement prit un grand essor. Parmi ceux qui y contribuèrent le plus, citons quelques belles figures aujourd’hui dispa-rues comme Bougot, ouvrier ; Quessot, ajusteur à la SNCF, qui fut conseiller de la République, et Albert Aubry, instituteur, " Albert ", comme nous l’appelions familièrement, dont l’action fut particulièrement efficace, et qui, plus tard, en 1919, fut élu pour la première fois au Parlement.
Enfin, pour terminer, les Côtes-du-Nord, d’origine moins ancienne, dont les premiers socialistes furent représentés, en 1900, au congrès de Wagram par le Dr Boyer – qui nous quitta plus tard – délégué (le seul groupement existant à ce moment-là : celui de Saint-Brieuc).
Quelques années après, vers 1905, se constituaient deux autres mouvements à Lannion-Tréguier et à Dinan, entraînés par des militants avertis comme Roulier et Hippolyte Pasquiou, l’organisateur du Syndicat des instituteurs. Augustin Hamon, écrivain et philosophe, fut également un des meilleurs animateurs de la Fédération.
Telle était donc la situation en Bretagne avant l’unité.
Au moment où elle se réalisa, en 1905, au congrès du Globe, où, en compagnie de quelques camarades, j’assistai en " observateur ", la fédération bretonne, jalouse de son autonomie, tint à la conserver.
Ce ne fut que deux ans plus tard, en juillet 1907, à son congrès de Saint-Brieuc, qu’après de longs débats, comprenant qu’il était de son devoir de rejoindre la grande famille socialiste, elle décida de se dissoudre, en engageant les cinq fédérations bretonnes qui avaient repris toute leur indépendance, à donner leur adhésion au Parti unifié, ce qu’elles firent immédiatement.
Depuis ce moment, le socialisme a fait du chemin en pays d’Armor.
Dans cette région où naguère la propagande était si difficile ; dans ce milieu très souvent sous l’emprise d’un clergé belliqueux, très souvent dominé par une féodalité terrienne farouchement conservatrice, où il fallait parfois parler en plein air devant une population hostile, l’Idée s’est imposée peu à peu.
Aujourd’hui, on nous écoute, on commence à nous comprendre ; demain, espérons-le, on sera avec nous.
Ainsi donc les Anciens ont défriché ; ils ont été, ces vétérans, les pionniers qui ont semé le blé rouge. Ceux qui les ont remplacés et qui, comme l’ont été leurs aînés, sont les vaillants soldats du Socialisme libérateur, feront demain la moisson. Puisse-t-elle être féconde.
(article publié dans la partie " documents " de Recherche socialiste 29 décembre 2004)
 

 
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