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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
La reconstruction du Parti socialiste 1940-1944
1) LA RECONSTRUCTION DU PARTI SOCIALISTE
Malgré le désastre, malgré l’arrestation des principaux chefs socialistes qui suivit de peu l’installation du gouvernement voulu par Hitler (et, en particulier, l’incarcération de Léon Blum), malgré les efforts faits par les nouveaux maîtres de la France pour discréditer le Parti socialiste et lui faire porter la responsabilité infamante des malheurs du pays, le Parti réussit non seulement à déjouer les attaques de ses adversaires, mais à se reconstituer, et, réussite encore plus grande, à imposer sa doctrine, qui devint la doctrine dominante de la Résistance. Finalement, il inspira les réformes que réclamera le Conseil National de la Résistance (1943-1944) et qui furent en grande partie appliquées par le Gouvernement provisoire de la République présidé par le général de Gaulle, aussitôt après la Libération.
Comment cette « résurrection » a-t-elle pu se faire ?

L’ACTION DE BLUM
Elle est due, en grande partie, et dès le début de l’occupation, à l’attitude de Léon Blum. Il est en prison, mais a une énorme influence non seulement sur ses amis et, par ses amis, sur l’ensemble de leurs partisans, mais à cause du procès que lui fait Vichy, sur la France tout entière. Il reste en rapport avec ses amis, par l’intermédiaire de sa belle-fille, Renée Blum (son fils est prisonnier) et de sa future femme qui peuvent le voir régulièrement en prison et qui rapportent ses propos, ses directives. Quelques-uns de ceux-ci finissent par obtenir l’autorisation d’aller le visiter : Daniel et Cletta Mayer dès décembre 1940, Jules Moch en mars 1941, Pierre Bloch en février 1941, le Conseiller d’Etat Grunebaum-Ballin, etc.
Dans son livre Mes jours heureux (Edition Le bateau ivre, 1946), Pierre Bloch a longuement raconté son entretien avec Léon Blum. Nous en avons extrait sa conclusion :

« La visite à cet étrange prisonnier m’avait calmé ; j’éprouvai une étrange sensation d’équilibre et de réconfort, Jamais je n’avais vu à Léon Blum un visage plus apaisé, plus clair qu’à la prison de Bourrassol. Et cet homme avait 70 ans ! Cet homme qui, au fond de sa petite chambre glacée, nous donnait des forces et une leçon de noblesse, d’énergie, d’amour, puisqu’il continuait, sans se soucier des accusations pesant sur lui, du procès imminent, puisqu’il continuait à ne se soucier que de la France » (p. 159).

Tous ceux qui rencontrent Blum sont émerveillés par son courage, sa lucidité d’esprit, sa bonne humeur, même. Il garde confiance dans l’avenir, réconforte ses amis, prépare sa défense.
Très vite, Léon Blum comprend l’importance du geste du général de Gaulle le 18 juin, et de sa position à Londres. Il était fibre, dans un pays libre. Il avait l’appui de Churchill. Il fallait se rallier à lui, rassembler autour de lui tous Ses Résistants, Cette prise de position de Blum en faveur du général de Gaulle eut une grande influence sur tous les socialistes dont quelques-uns hésitaient à faire confiance à un militaire qui semblait fort autoritaire et dont certains murmuraient même qu’il avait été maurrassien ! Mais comment ne pas se fier à l’opinion et au jugement si sûr de Blum ? Son procès, d’ailleurs, accrut l’admiration qu’on avait pour lui. Sa défense fut magistrale : il se défendit certes, mais défendit également son gouvernement, la France tout entière ! « D’accusé, il devint accusateur ». Il représentait, lui aussi, la France. Il laissa pantelant le Gouvernement de Vichy, qui termina hâtivement le procès (avril 1942). Toute la France applaudit. Et quand il fut déporté, il bénéficia, en outre, du prestige qu’ont toujours les martyrs. Et le Parti socialiste bénéficia, à son tour, du prestige de son chef.
Les socialistes suivirent donc les avis que leur donnait Léon Blum. Il n’était pas hostile à la reconstruction du Parti. Mais il recommandait aux socialistes d’entrer dans tous les Mouvements qui se créaient çà et là, grâce à des initiatives individuelles, ce qui leur permettrait, en outre, d’y répandre les idées démocratiques et socialistes, et qui serait donc un excellent moyen de propagande, puisqu’elle ne pouvait, dans l’actuelle situation, se faire que clandestinement. Cela ne les empêcherait pas, naturellement, de s’efforcer de rassembler tous les anciens membres du Parti. C’est ce qu’ils firent. Beaucoup appartinrent à la fois à leur Parti reconstitué sous le nom de Comité d’action socialiste, CAS, et à un autre Mouvement.
En même temps Blum agit auprès du général de Gaulle. Il comprit qu’il fallait l’éclairer sur l’opinion des Français, sur les nécessités politiques, puisque le général allait aussi, par la force des choses, devenir un chef politique. Or, les premiers discours du général à la radio de Londres, avaient surtout tonné contre Vichy, naturellement, mais aussi contre la IIIe République et contre les Partis, il fallait donc lui faire comprendre que s’il voulait – rôle qui lui reviendrait – devenir le chef du pays, le seul régime que les Français pourraient accepter serait un régime républicain, démocratique, c’est-à-dire un régime parlementaire fonctionnant avec des partis. Il réussit à lui faire parvenir plusieurs lettres où il lui disait son admiration pour son geste et sa détermination de lutter contre l’occupation et par suite son ralliement à sa personne et à la « France Libre », en même temps qu’il invitait ses amis socialistes à suivre son exemple. Il était, en effet, d’accord avec de Gaulle pour penser qu’une défaite militaire n’est pas définitive, que le sort peut se renverser, si le peuple reste sain, volontaire, courageux, décidé à lutter malgré les difficultés de toutes sortes qu’il fallait prévoir et s’il ne reniait ni son passé, ni les nobles idées qui avaient fait sa grandeur.
« Dans une France assommée, hébétée par un désastre incompréhensible, étouffée par une double oppression, c’est lui (de Gaulle), écrivait Blum, qui a ramené peu à peu l’honneur national, l’amour de la liberté, la conscience patriotique et lu conscience civique... sans lui, rien n’eut été possible. Il a rallumé et entretenu la flamme, insufflé l’esprit… Seul, donc, il peut incarner dans ses sentiments communs, dans sa volonté commune, la France de demain... »

Dans sa dernière lettre, datée de Bourrassol, le 15 mars 1943 (donc peu de temps avant sa déportation), Blum écrivit au général :
« Je constate que vous avez apporté au principe démocratique une adhésion sans réserve (1), et je tiens pour constant qu’un Etat démocratique [...] ne peut pas vivre et ne peut pas être conçu raisonnablement sans l’existence des partis politiques. La négation pure et simple des partis politiques équivaut à la négation de la démocratie, de même, d’ailleurs, que la condamnation absolue de tout régime parlementaire équivaut à la condamnation du système démocratique.
« C’est dans les régimes dictatoriaux que les partis disparaissent et qu’un parti unique se confond avec l’Etat totalitaire [...].
« Rendez-vous compte, je vous en conjure, que les organisations de résistance qui sont sorties du sol français à votre voix, ne pourront à aucun degré se substituer à eux (aux partis). Lorsque la France aura recouvré sa souveraineté et trouvera sa stabilité, le rôle de ces organisations sera épuisé. Ce rôle aura été d’une importance capitale, non seulement pour la participation décisive de l’œuvre de libération, mais pour la formation spontanée d’une élite jeune et toute fraîche. Cependant, les hommes qui composent cette élite seront nécessairement amenés, dans la France nouvelle, à se redistribuer dans des partis différents, qu’ils rajeuniront, qu’ils contribueront à imprégner, dans leur diversité, d’une solidarité foncière, d’un véritable esprit d’unité française [...]».


Plus loin, Blum expliquait à de Gaulle l’intérêt qu’il y aurait à organiser, dès maintenant, une sorte de « Fédération » des mouvements de Résistance.
« A défaut d’unité des organismes de Résistance, mes amis ont essayé de provoquer une fédération embrassant, en même temps que ces organismes, les partis politiques qui, comme le nôtre, et comme le parti communiste, agissent sur le plan de la Résistance. On aurait ainsi une sorte de « Centrale exécutive » qui, le moment venu, aurait tenu tout en mains, et qui, d’ici là, aurait accru le rendement d’efforts aujourd’hui dispersés (2) (...).

En faisant cette proposition au général, Blum rejoignait un projet qui tenait à cœur à celui-ci, et pour lequel il avait déjà envoyé en France deux missions, celle de Moulin et celle de Passy et de Brossolette. Elles devaient aboutir à la création du Conseil National de la Résistance (3).

(1) En 1942, de Gaulle avait donné à Christian Pineau un « Manifeste » qui lui publié dans les journaux clandestins. Ce manifeste a été publié par Christian Pineau dans son livre La simple vérité, Annexes 2 et 3 (Julliard, 1960).
(2) Lettre citée dans le livre de Daniel Mayer, Les socialistes dans la Résistance, Annexe XIII.
(3) Il se réunit pour la première fois le 21 mai 1943. Il comprenait non seulement des représentants des Mouvements de Résistance et des Partis « résistants » (PS et PC), mais de TOUS les partis de la IIIe République, même s’ils ne s’étaient pas manifestés pendant la Résistance, ce qui était le cas de tous les partis de droite.

LES PREMIERS GROUPES SOCIALISTES
Quand Blum écrivait cette lettre à de Gaulle, la reconstruction du Parti était à peu près terminée. Elle s’était faite d’abord lentement, gênée par la dispersion des anciens membres du Parti et par l’obstacle de la ligne de démarcation qui coupait la France en deux, et qu’il était dangereux de franchir sans les fameux « ausweis » que les Allemands ne donnaient qu’à ceux qui travaillaient pour eux. On apprit cependant à passer la « ligne » à travers forêts ou rivières, et grâce à des complicités... qui n’étaient pas toujours gratuites…
Aussi, y eut-il, d’abord, un groupe de zone Nord et un groupe de zone Sud. En zone Sud, les socialistes se groupèrent autour d’André Blumel, ancien chef de cabinet de Blum, de Marx Dormoy et Vincent Auriol, anciens ministres, d’Henri Ribière, fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, des députés Le Troquer (avocat de Blum à Riom), André Philip, Lucien Hussel, Edouard Froment, Félix Gouin, et aussi Pierre Lambert, et Suzanne Buisson, ardente socialiste, ardente patriote, et qui devait payer son action de sa vie.
Les socialistes de zone Sud peuvent assez facilement, comme je l’ai déjà dit, rester en rapports avec Blum grâce à Renée Blum. Ceux qui peuvent obtenir des autorisations d’aller le voir racontent à leurs camarades tout ce que Blum leur a conseillé : lutter contre l’occupant, se rallier au général de Gaulle, entrer dans tous les Mouvements de Résistance déjà formés, pour y faire entendre la voix de la démocratie et du socialisme, dans les milieux où on la connaît mal ou pas du tout. Le courage de Blum enthousiasme tout le monde, et ses conseils sont scrupuleusement suivis.
En Zone Nord, on est sous l’autorité directe des Allemands et la situation est plus périlleuse. Mais la haine est aussi plus vive et les initiatives se manifestent dès l’été 1940.
Dès le mois de juillet, grâce à la bonne volonté d’un ami imprimeur, Jean Texcier, un sincère socialiste, fait paraître ses fameux « Conseils à l’occupé » qui exprimaient si bien et avec esprit, les sentiments et l’attitude des patriotes :
I>« Tu ne sais pas leur langue ou tu l’as oubliée. Si l’un d’eux t’adresse la parole, fais un signe d’impuissance, et, sans remords, poursuis ton chemin »,
« S’ils croient utile [...] d’offrir des concerts sur les places publiques, tu n’es pas obligé d’y assister. Reste chez toi ou va à la campagne écouter les oiseaux »,
« Tu grognes parce qu’ils t’obligent à être rentré chez toi à 23 heures, innocent, tu n’as pas compris que c’est pour te permettre d’écouter la radio anglaise ?
« Inutile d’envoyer tes amis acheter ces conseils chez le libraire. Fais-en des copies que tes amis recopieront à leur tour. Bonne occupation pour des occupés » (…).
Etc.

Peu à peu, en zone Nord, comme en zone Sud, des groupes se forment autour de gens connus, souvent des députés et des sénateurs, ou encore des journalistes, des universitaires, des fonctionnaires, tels Henri Ribière, Jean Texcier, Jean Biondi, Elie Bloncourt, Amédée Dunois, Charles Dumas, Robert Verdier, auxquels se joignent des étudiants comme Gérard Jaquet et Léon Boutbien.
Dans le Nord, où les socialistes sont nombreux, surtout dans la classe ouvrière, ils se groupent, dès 1940, autour de Jean Lebas, qui fait paraître un des premiers journaux de la Résistance : L’Homme libre, où il est aidé par Van Wolput et par un industriel, Gilbert Bostsarron. Après l’arrestation de Lebas, c’est autour d’Augustin Laurent que se grouperont les socialistes.

En même temps qu’ils discutent entre eux les socialistes des deux zones entrent en rapport avec les « Mouvements » issus d’initiatives individuelles. En zone Nord, ils ont tout de suite des contacts avec un Mouvement créé dès la fin de 1940, par Christian Pineau et ses amis syndicalistes et socialistes, et qui s’appelle Libération comme le journal qu’il publie. On l’appellera, plus tard, Libération-Nord pour le distinguer du journal du même nom qui se publie en zone Sud. Autour de Christian Pineau se regroupent les socialistes, Jean Texcier, Lacoste, Gazier et des syndicalistes, Bothereau, Neumeyer, Tessier, Charles Laurent, etc.

Les socialistes collaborent aussi à Pantagruel, qui sera malheureusement vite détruit par les Allemands, et à Voix du Nord, qui a succédé à L’Homme Libre, avec, toujours, Van Wolput et Bostsarron.

En zone Sud, ils sont surtout en rapport avec « Libération-Sud », mouvement et journal fondés par Emmanuel d’Astier de La Vigerie, qui n’est pas socialiste (1), mais qui est en relation avec Léon Jouhaux, et où sont entrés beaucoup de socialistes et de syndicalistes, puis avec « Franc-Tireur » fondé par des gens de gauche (où milite Henri Noguères, fils du député socialiste), radicaux et socialistes, et même avec Combat, où dominent, au moins parmi les dirigeants, les Démocrates-Chrétiens.

(1) Royaliste dans sa jeunesse, il se rapprochera de la gauche, pendant l’occupation, vit plusieurs fois Jouhaux, et, après la guerre fut député « compagnon de route » du PC.

L’UNIFICATION
Tout en collaborant avec ces différents mouvements, les socialistes s’efforcent d’unifier leur action. Ils organisent plusieurs réunions importantes, l’une à Nîmes dès mars 1941, une autre à Toulouse en juin de la même année, plus nombreuse que la première. À ces réunions assistent des membres très connus du Parti : Félix Gouin, Edouard Froment, Lucien Hussel, Nordman, Pierre Lambert, Daniel et Cletta Mayer, Suzanne Buisson, et naturellement beaucoup de Toulousains (Méric, Auban, etc.) ainsi que des militants du sud-ouest, dont Audeguil (qui fut maire de Bordeaux à la Libération). L’important groupe de la région de Toulouse est placé sous la direction de Raymond Naves, professeur à la Faculté des Lettres (qui mourra en déportation), du pharmacien Berthoumieux, et de l’actif instituteur Léon Archiary. On décide aussi de regrouper tous les petits groupes de la zone Sud en une sorte de « Comité » dont la direction fut confiée à quatre militants : Suzanne Buisson, Félix Gouin, Lucien Hussel et Daniel Mayer, qui en fut le secrétaire, et qui parcourra toute la France pour contacter le plus grand nombre possible d’anciens membres du Parti, faisant des milliers de kilomètres dans des trains bondés et dans des conditions d’inconfort indescriptibles…
Chacune des six régions de la zone Sud eut son responsable, et leur propagande eut d’excellents résultats.

De même, en zone Nord, les socialistes se regroupent en une sorte de « comité » comprenant outre Henri Ribière, Garnier-Tenon, Edouard Depreux, Andrée Marty-Capgras, Roger Priou (alias Valjean), Robert Verdier, Tanguy-Prigent, Dupont, Maubert, René Hug, Bonissel, Belvaux, Boucheny, René Menuet, Bastianaggi, pour la région parisienne, et, pour la région du Nord, Victor Provo, maire de Roubaix, Augustin Laurent, Jean Piat, Florimond Lecomte, Just Evrard et sa femme, André Pantigny (mort en déportation), Van Wolput, Bostsarron (fusillé en janvier 1944), etc.
En outre, les socialistes du Nord entrent en relation avec leurs camarades belges.
Ils sont, comme les socialistes du Sud, et comme le recommandait Blum, en rapport avec les mouvements de zone Nord, non seulement avec « Libération-Nord », mouvement frère, mais aussi avec un mouvement plus « bourgeois », plus à droite l’Organisation Civile et Militaire (OCM) où militent plusieurs socialistes très actifs. Le Mouvement du Musée de l’Homme qui était, lui aussi, de tendance socialiste, avait été détruit dès la fin de l’année 1941 (et ses chefs fusillés en février 1942).

LE POPULAIRE
Pour avoir plus d’influence sur l’opinion et pour diffuser leur doctrine qui, espéraient-ils, pourrait inspirer la vie politique après la Libération, les socialistes décidèrent de ressusciter leur journal d’avant-guerre, Le Populaire. Il commença à paraître en zone Sud en novembre 1942. Il publia un « Manifeste » où il exposait son programme, un programme démocratique analogue à celui qui avait inspiré le Front populaire, dans lequel il appelait à l’union de tous les Français dans la lutte contre l’occupant. En proclamant la nécessité pour tous les Résistants de rester « unis », les socialistes se conformaient au souhait de Blum...
Le Populaire de zone Sud, qui portait en sous-titre, l’indication : « Organe central du Parti socialiste SFIO », parut jusqu’à la Libération, sous le format habituel des journaux clandestins (300 x 210), sur deux pages. Ses directeurs furent : Daniel et Cletta Mayer, Gouin, jusqu’à son départ pour Londres, Manicacci, Edouard Froment, et Raymond Gernez y collaborèrent activement. Il fut imprimé à Lyon et à Saint-Claude et tiré, à la fin de l’occupation, à 95 000 exemplaires.

En zone Nord, Le Populaire parut un peu plus tard. Le premier numéro est daté du 1er février 1943. Mais il succédait à un journal socialiste Socialisme et Liberté qui avait eu 15 numéros. Comme ses rédacteurs étaient les mêmes, ce premier numéro du Populaire porte le numéro 16 et il parut aussi jusqu’à la Libération, Ses directeurs furent : Robert Verdier, Raoul Evrard, Elie Bloncourt, Parmi ses rédacteurs on peut citer : Amédée Dunois (sous le pseudo de Nicolas Moreau), Charles Dumas (alias Spes), Suzanne Buisson, Gérard Jaquet, Paul-Emile Dizard, Daniel Mayer. En 1944, son tirage monta à 11 500 exemplaires (1).

Les groupes locaux firent aussi paraître des journaux, dont la vie fut plus ou moins longue, dans le Nord : L’Homme Libre, La IVe République, Libertés (dont les directeurs étaient Marcel Fourrier, Pierre Rimbert et Léon Boutbien), ainsi que dans le Sud : L’Insurgé et Libérer et Fédérer, tous deux de tendance d’extrême gauche. Il faut y ajouter Libération-Nord, fondé par Christian Pineau, dirigé après son arrestation par un autre socialiste, Henri Ribière aidé par les socialistes. Le principal rédacteur de son journal fut Jean Texcier. Il fera l’objet d’une étude particulière. N’oublions pas La Libération des campagnes édité en Bretagne par Tanguy-Prigent.

(1) Ce sont les chiffres donnés par le catalogue de la Bibliothèque Nationale, Marc Sadoun donne des chiffres un peu plus élevés « Le PS de Munich à la Libération » (Thèse).

LE CNR
En 1943, au moment où les socialistes avaient à peu près opéré leur regroupement, la grande question qui agita tous les Mouvements fut la création du Conseil national de la Résistance (CNR), Tous les Résistants désiraient que soit faite l’unité de la Résistance, pour intensifier les efforts à une époque où la victoire apparaissait non pas comme proche, mais comme presque certaine. Mais tous n’avaient pas sur « l’Exécutif » de la Résistance la même opinion. Les « Mouvements » généralement politisés, créés par des hommes « neufs », qui n’avaient pas – ou peu – participé à la vie publique avant la guerre, considéraient que seuls les « Mouvements » représentaient la Résistance, et, par conséquent, seuls, ils devaient faire partie du CNR. Les anciens Partis (il s’agissait du Parti radical, et de deux partis de « droite », l’Alliance démocratique, la Fédération républicaine…) qui n’avaient pas participé à la lutte contre l’occupant, n’y avaient aucun droit. Ils faisaient exception, bien entendu, pour les deux partis qui s’étaient organisés et avaient lutté à leur côté : le Parti socialiste et le Parti communiste. Mais le général de Gaulle, ainsi d’ailleurs que les deux partis résistants (et aussi Libé-Nord, qui était politisé) étaient d’avis contraire. Les hommes que de Gaulle avait envoyés en France pour défendre sa position, Moulin, Brossolette, Passy, durent livrer de rudes batailles contre les représentants des « Mouvements » et, en particulier contre le chef de Combat, Henri Frenay. Finalement, l’opinion du général prévalut : il avait tout intérêt à ce que tous les partis français soient présents pour prouver aux alliés qu’il avait bien TOUTE la France derrière lui, donc que son autorité était LEGITIME, Tous les partis ainsi que les PRINCIPAUX Mouvements furent représentés (ce qui mécontenta vivement les « petits » mouvements, comme Défense de la France, Résistance, Voix du Nord, Lorraine, etc.). La première séance du CNR eut lieu le 21 mai 1943, sous la présidence de Jean Moulin, représentant du général de Gaulle. Un mois après le 21 juin, Moulin était arrêté, et il mourut peu de temps après, sans avoir rien dévoilé de ce qu’il savait.

Qui allait le remplacer ? De Gaulle envoya, pour le représenter en France, Claude Serreulles. Celui-ci arriva, après bien des conversations, à la conviction que celui qui avait le plus de chance d’obtenir l’unanimité (ou presque) était Georges Bidault : il représentait, au CNR, le parti démocrate-chrétien, mais il était aussi membre du Mouvement Combat et du Front national (où Moulin lui avait conseillé d’adhérer), ce qui devait, par suite, lui assurer les voix des communistes (PO et FN). il obtint, en effet, 12 voix (dont celle de Daniel Mayer, qui représentait le PS) contre une voix contre et trois abstentions. Il assura la Présidence jusqu’à la Libération.

DANIEL MAYER A LONDRES
Ce fut au milieu des âpres discussions qui devaient aboutir à la création du CNR, que Daniel Mayer décida d’aller à Londres. Les socialistes s’étaient loyalement ralliés à de Gaulle, mais ils désiraient connaître, avec plus de précision, en lui parlant à lui-même, cet homme assez mystérieux, sur lequel ils recueillaient des avis contradictoires. Grâce à Jean Moulin avec lequel il entretenait de bonnes relations, Daniel Mayer put partir assez facilement, le 13 avril 1943, dans un petit avion qui pouvait se poser dans un simple pré, ce qui lui permettait d’échapper à la chasse allemande. Sa mission avait un triple but : voir le général, voir les Français de Londres, et essayer de concilier leurs points de vue contradictoires sur de Gaulle et, enfin, contacter les membres du Labour Party et de la IIe Internationale.

La première entrevue que Daniel Mayer eut avec le Général fut très décevante : le général ne lui parla nullement de la Résistance française, mais de ses démêlés avec les Anglais qui venaient de s’installer à Madagascar (que l’on craignait de voir tomber aux mains de l’Axe) et refusaient de laisser – au moins pendant la guerre – l’île aux Français. Lors de la seconde entrevue, de Gaulle se plaignit des Américains. Mais Daniel Mayer qui voulait, avant de retourner en France, parler au général de la Résistance française, l’interrompit et lui dit ce qu’il avait à lui dire de la part de son Parti, et, en particulier, au sujet du CNR, dont on discutait à l’époque. Comme sur ce sujet, les opinions du PS et du Général sont identiques, l’entretien est assez satisfaisant. Daniel Mayer obtient même du Général un court message qui sera diffusé dans le Populaire. Il est assez anodin !
« Je suis heureux et fier de remercier et de féliciter Le Populaire de son action,
« Tous les Français, quelle que soit leur classe sociale, quelle que soit leur opinion politique, sont unis dans la résistance, ils ont écouté la leçon de patriotisme, de cohésion et d’ardeur rénovatrice qu’impose la lutte contre l’invasion.
« Notre accord est la condition du salut du pays. Continuons de travailler pour que la France libérée soit plus forte, plus rayonnante, plus fraternelle ».
Ch. de Gaulle. »


Daniel Mayer fut très bien reçu par le Labour Party, ainsi que par la IIe Internationale, mais il ne réussit qu’à demi à concilier les positions gaullistes et antigaullistes des Français de Londres, (Voir plus loin).
Il revint en France le 19 mai 1943, juste deux jours avant la première réunion du CNR, où le CAS avait délégué Le Troquer (et lui-même comme délégué adjoint). En fait, comme Le Troquer ne tarda pas à rejoindre Londres, c’est Daniel Mayer qui siégea au CNR. Trop nombreux, le CNR se réunit rarement au complet pour des raisons de sécurité. Bidault, devenu son président, constitua un « Bureau » restreint qui fit l’essentiel du travail et, en particulier, élabora le fameux « Programme », fort démocratique, car les démocrates étaient en majorité dans le CNR (PS, PC, CGT, alors socialiste, représentée par Louis Saillant, Libération-Nord, Libération-Sud, FN). En outre les représentants de «Mouvements», comme Franc-Tireur ou Combat (représenté par Claude Bourdet) étaient démocrates.

L’ORGANISATION DU CAS
Il ne restait plus, après la création du CNR, qu’à donner au Parti Socialiste reconstitué une organisation précise. Ce fut fait lors d’une réunion qui eut lieu le 17 juin 1943, chez Paul-Emile Dizard, rue des Mathurins. Ce Parti socialiste de la Résistance prit le nom de « Comité d’action socialiste », CAS. Il était dirigé par un comité exécutif de 16 membres (8 pour chaque zone), et d’un secrétariat également de 16 membres. En tout, 32 membres du Parti en étaient les responsables. Au-dessus, fut nommé un Exécutif de 8 membres (Henri Ribière, Raoul Evrard, Charles Dumas, Amédée Dunois, pour la zone Nord, Suzanne Buisson, Augustin Laurent, Edouard Froment, Daniel Mayer, pour la zone Sud). On désigna, en outre, une sorte de Président, qui fut Le Troquer. La propagande était confiée à Henri Ribière pour la zone Nord, à Froment pour la zone Sud, les « relations avec les communistes » à Suzanne. Buisson. Elle n’avait pas le poste le plus agréable, car, pendant toute l’occupation, les relations entre les deux partis furent très difficiles, de même que les relations du PS avec le FN, émanation camouflée du PC, dont les socialistes, plus avertis en politique que les mouvements peu politisés, n’avaient pas tardé à se méfier.
A la fin de l’occupation, c’est Robert Verdier qui devint secrétaire général adjoint, tandis qu’Augustin Laurent était secrétaire général, et Gérard Jaquet devint trésorier, après la mort de Raoul Evrard.

ACTION DU CAS PENDANT L’OCCUPATION
Outre l’action habituelle à tous les Mouvements de la Résistance : propagande orale et écrite, renseignements, action militaire à la fin de l’occupation, le CAS eut à régler quelques cas spéciaux : que devait-on faire des députés qui avaient voté pour Pétain en 1940 ? On fut sévère. A part ceux qui « se repentirent » tout de suite, on leur refusa leur réintégration au Parti. Par contre, on accueillait avec joie tous les jeunes qui demandaient leur inscription au PS.
La propagande dans Le Populaire fut toujours axée sur la lutte contre les régimes totalitaires, sous quelque forme que ce soit. Mais, s’inspirant des généreuses idées de Blum, le journal déclara qu’il ne fallait pas rendre responsable le peuple allemand dans son ensemble des atrocités hitlériennes pas plus que le peuple italien des crimes de Mussolini.
Les rapports du CAS avec le PC et le FN furent, comme nous l’avons vu, mauvais, surtout avec Pierre Villon, représentant du FN, au CNR et au COMAC (Comité militaire du CNR). Le seul communiste avec lequel les socialistes eurent des relations cordiales fut Georges Marrane (alias Vercingétorix), ancien maire d’Ivry, qui fut un patriote et un résistant sincère et loyal, partisan de l’union.

Les socialistes furent toujours très inquiets des mauvaises relations existant entre de Gaulle et le Président Roosevelt. De même, ils prirent immédiatement parti pour de Gaulle contre le général Giraud, qu’ils considéraient (avec raison) comme réactionnaire.

LES RESEAUX
Le Parti socialiste participa aussi activement à la lutte contre l’occupant. Nombreux sont les socialistes qui s’engagèrent dans les FFI ou combattirent dans les maquis en 1944, en particulier dans les maquis des Alpes et des Pyrénées.
Les socialistes créèrent aussi des réseaux de renseignements importants, comme le Réseau Brutus, dans la zone Sud. Il eut pour premier chef Boyer, un avocat de Marseille, d’une grande valeur morale et intellectuelle. Déporté (et mort en déportation), il fut remplacé par Gaston Defferre, également avocat, qui le dirigea jusqu’à la Libération, avec comme collaborateurs : Achiary, Malafosse, Ermann, Barthélémy. Il fut en rapport avec Lacoste, à Thonon, avec Gros, beau-frère de Vincent Auriol, et avec des réseaux anglais, comme celui d’André Maoch, qui fut tué en combat, dans les Alpes.

Le réseau Veni fut également dirigé par des socialistes, le colonel Veni et ses collaborateurs, Archidice, Arrès-Lapoque, Jean-Noël Conte, et qui fut souvent en liaison avec Defferre.
D’autres réseaux à direction socialiste existèrent, mais, organisés dans le cadre de Libération-Nord, ils seront étudiés avec ce Mouvement.

LA LIBERATION DE PARIS
Elle est déclenchée spontanément, sans l’ordre des chefs de la Résistance, par la Police de Paris le samedi 19 août. Les Alliés sont encore loin. Les FFI manquent d’armes. Les chefs de la Résistance sont inquiets. Mais l’enthousiasme est grand chez les combattants. Une trêve est négociée par le Consul de Suède Nordling, Elle est mal accueillie par les FFI. Le lundi 21, une réunion est décidée à laquelle assisteront les membres du CNR et les trois membres du COMAC. Elle a lieu avenue du Parc de Montsouris. Après une discussion passionnée, après les interventions ardentes de Villon et de Jean de Vogue, membres du COMAC, on renonça à la trêve, et les combats reprirent le mardi. Ils n’avaient, d’ailleurs, jamais complètement cessé. Daniel Mayer, représentant du PS au CNR, effrayé par la disproportion des forces, avait voté pour la trêve : il craignait aussi que la bataille ne détruise la ville.

Il alla, avec le CNR, s’installer à l’Hôtel de Ville de Paris qui avait, dès la matinée du dimanche 20, été « pris » par une délégation de la Résistance, composée de Léo Hamon, vice-Président du CPL (Comité Parisien Libération), Roland Pré, membre de la délégation du général de Gaulle à Paris, Henri Ribière, chef de Libération-Nord, Albert Bayet, membre du MLN et de Franc-Tireur, suivis d’un certain nombre de résistants (dont Roger Stéphane). Le CPL, lui aussi, vint un peu plus tard siéger à l’Hôtel de Ville. Tout au long de la semaine, ils restent en liaison avec les combattants. Le soir du 25 août, ils attendent avec impatience la venue du général de Gaulle, Il n’arrive que tard dans la soirée. Dans cet édifice, symbole de la République, de la Liberté, Bidault, président du CNR, demande au Général de crier : « Vive la République ». Mais le Général crie «Vive la France », et rien d’autre… Les résistants, si heureux pourtant, sont déçus... Mais une autre phase de notre histoire commence.

FINANCEMENT DU CAS ET DES RESEAUX SOCIALISTES
Ils furent d’abord soutenus uniquement par des dons individuels. Mais ces dons devinrent très insuffisants lorsque, à cause de la répression allemande, le nombre des clandestins augmenta, lorsque se créèrent des réseaux et des maquis, lorsque des journaux tirèrent un nombre de plus en plus important d’exemplaires. Il fut alors nécessaire d’avoir recours à l’aide de la « France Libre ». Ce fut grâce surtout à l’intervention d’un syndicaliste chrétien qui alla très tôt à Londres et fit plusieurs voyages entre Londres et la France, chargé de missions importantes, Morandat, que le CAS reçut ses premiers subsides, 200 000 francs en 1942. Peu à peu, les subsides augmentèrent, et en 1944, le budget atteignit 700 000 francs.

LES « TENDANCES » AU SEIN DU PARTI SOCIALISTE A LA FIN DE L’OCCUPATION
Tout en participant largement à « l’action », pendant la guerre, les socialistes pensaient aussi à l’avenir. Ils discutaient entre eux de la manière dont ils pourraient appliquer leur doctrine pour la réorganisation de la France après le départ de l’ennemi, vichystes et nazis. Le courant pacifiste de Paul Faure avait disparu, trop discrédité par les événements... Le courant le plus important était le courant « humaniste », dans la ligne de Jaurès et de Léon Blum, largement fondé sur les idées de justice et de liberté, que partageaient la plupart des Résistants.

« L’Humanisme, pensait Blum, n’est pas exclusif du marxisme. Il en est plutôt l’accomplissement parfait, l’indispensable prolongement. Par la transformation révolutionnaire de la structure sociale, le socialisme aboutira à la libération de l’homme. » C’est ce sentiment qui fit la fortune des doctrines socialistes pendant l’occupation. Elles furent répandues dans tous les mouvements, même ceux qui étaient peu politisés, grâce aux militants socialistes qui en faisaient partie. Les idées sociales imprégnèrent profondément toute la résistance. Seuls les journaux à direction vraiment politique, comme Le Populaire ou Libé-Nord, publièrent des articles nettement politiques où étaient exposés les doctrines, les projets du Parti, mais dans les tracts, dans les articles, dans les Manifestes des autres mouvements, on sent l’importance que tient la question « sociale ». Cela est sensible, par exemple, dans le projet de « constitution » qu’élaborèrent, dans le cadre de Défense de la France deux étudiants (il est vrai socialistes) Robert Salmon et Jean-Daniel Jurgensen. Même dans les Manifestes écrits par Jean de Vogue (qui n’était pas socialiste) dans le cadre du Mouvement (« apolitique ») Ceux de la Résistance, il déclare indispensables de profondes réformes sociales. C’est pourquoi, a-t-on pu dire à la Libération, « tout le monde est socialiste » ! (1) « De fait, écrit Marc Sadoun, la SFIO bénéficie, à la Libération, de tous les attributs du parti de gouvernement. Au plan idéologique, elle attire tous les résistants qui voient dans le socialisme le prolongement moral, la justification théorique de leur combat clandestin. Au plan du pouvoir, elle parvint à concurrencer le PC, y compris dans les instances locales issues de la Résistance, les COL (Comités de Libération) où les socialistes sont nombreux et parfois majoritaires ».

C’est pour cela qu’un certain nombre de socialistes pensèrent « élargir » le Parti, à en faire un vaste rassemblement de caractère « humaniste » – auquel ils auraient donné le nom de Parti travailliste, où auraient pu entrer tous les hommes épris de justice et de liberté, de cet idéal qui avait animé tous les Résistants. L’ancien député socialiste Georges Izard, de l’OCM et son camarade de résistance, l’avocat P.-H. Simon, ainsi que Henri Frenay, fondateur du plus grand Mouvement de zone Sud, Combat, militèrent activement en faveur de ce Parti travailliste (2). Ils en parlèrent à Blum à son retour de déportation. Blum n’y fut pas hostile, car ce très large parti aurait pu obtenir une très grosse majorité au Parlement et permettre facilement de grandes réformes. Mais il pensa qu’il fallait y convertir de Gaulle. Mais de Gaulle – sans faire de critiques – déclara « qu’il était au-dessus des partis ». D’autre part, nombreux étaient des socialistes très attachés à la vieille structure SFIO et qui combattirent ce projet, parmi eux Daniel Mayer. Ce fut peut-être une erreur, car un très grand parti socialiste aurait empêché le développement étonnant que connut après la guerre le Parti communiste... Ce fut d’ailleurs à une très faible majorité qu’en 1945 le comité directeur du parti vota contre la création de ce Parti travailliste.

(1) Remarque qui a été faite à moi-même par Louis Marin, député d’extrême droite !
(1) Frenay, « Le Travaillisme, enfant mort-né de la Résistance », Preuves, mars 1957. Georges Izard, « Le testament socialiste de Léon Blum », La Nef, juin-juillet 1950. Georges Izard, « Et maintenant? », La Nef, octobre 1958.

LES VICTIMES
Il y en eut beaucoup, comme dans tous les mouvements. Ils furent arrêtés, torturés, déportés, tués, tant par la Gestapo que par la Milice de Vichy, soit comme membres du CAS, soit comme membres des autres Mouvements ou réseaux auxquels ils avaient adhéré. On ne peut les citer tous. Parmi les plus connus, citons : Marx Dormoy, ancien ministre du Front populaire, Victor Basch, président de la Ligue des Droits de l’homme et sa femme, les députés Biondi, Lebas, Grasset, Malroux, les universitaires Raymond Naves, de l’université de Toulouse, René Gosse, ancien doyen de la faculté des Sciences de Grenoble et adjoint socialiste du maire de Grenoble, Martin, ainsi que son fils Jean, un jeune avocat, le journaliste du Populaire Amédée Dunois, et aussi Bonnet, Boyer, Pantigny, Gilbert Bostsarron, Kleinpeter, Pierre Kahan, Louis Siret, Jean Gouthier, Cesaire Levillain...

LES SOCIALISTES « COLLABORATEURS »
Il y en eut peu, mais, malheureusement, ces quelques égarés étaient assez connus. Paul Faure, pacifiste de toujours, s’était abstenu (ou plutôt n’avait pas pris part au vote) le 10 juillet. Il resta muet pendant toute l’occupation, il semble que Vichy et les Allemands lui firent des offres alléchantes, mais qu’il ne les accepta pas. Au moins n’agit-il jamais officiellement. Par contre, plusieurs journaux parurent ouvertement, donc avec l’approbation de Vichy en zone Sud et des Allemands en zone Nord. Ce furent : La France socialiste de René Château en zone Nord et un hebdomadaire Le rouge et le bleu en zone Sud, de Spinasse qui participa aussi à L’Effort. Notons deux journaux moins importants, Germinal et L’Atelier.
Le plus célèbre des journaux collaborateurs fut L’Œuvre de Déat. Mais Déat n’était plus membre du Parti socialiste en 1940. Depuis 1933, il avait fait scission et avait créé un nouveau parti, le Parti « Néo », qui avait peu d’influence.
Ces journaux ne tiraient pas à un très grand nombre d’exemplaires. Mais les Français étaient bien obligés d’acheter un journal puisque c’étaient les journaux qui publiaient toutes les semaines les tickets de consommation qui étaient « honorés ».
Les collaborateurs ne furent pas assez nombreux pour déshonorer le Parti (dont, d’ailleurs, ils avaient été exclus).
On peut, en guise de conclusion, remarquer – et c’est un espoir pour l’avenir et la preuve de la solidité du Parti et de sa doctrine – que le Parti socialiste, que la défaite avait si profondément marqué et désorganisé, se releva magnifiquement et que ses idées furent presque universellement adoptées à la fin de l’occupation, qu’elles inspirèrent le programme du CNR, et que ce fut ce programme qui fut presque entièrement appliqué par le général de Gaulle à la Libération.

BIBLIOGRAPHIE
Daniel Mayer, Les Socialistes dans la Résistance, PUF. Signalons dans ce livre des « Annexes » très intéressantes : lettres de Blum, Brossolette, Gouin. Articles du Populaire clandestin, etc.
Marc Sadoun, « Le Parti Socialiste des accords de Munich à la Libération » (Thèse). Une synthèse en a récemment été publiée à la Fondation nationale des Sciences politiques.
Léon Blum, Œuvres, Albin Michel.
Général de Gaulle, Mémoires de guerre, Plon.
Jules Moch, Mes rencontres avec Léon Blum, Plon.
Jean-Pierre Bloch, De Gaulle ou le temps des méprisés, Table Ronde.
Robert Verdier, La vie clandestine du Parti Socialiste, Editions de la Liberté.
Charles Dumas, De la capitulation à la trahison, Gallimard.
Henri Michel, Les courants de pensée de la Résistance, PUF.
Hostache, Le CNR, PUF.
Henri Noguères, Histoire de la Résistance, Robert Laffont, 5 volumes.
Marie Granet, « Jean Texcier résistant », article de La Revue Socialiste, octobre 1966.
Jean Texcier, Un homme libre, Albin Michel.
 

 
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