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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Congrès socialiste 5
Frédéric Sawicki : On peut tenter d’expliquer pourquoi certains congrès sont particulièrement critiques et ont marqué l’histoire du PS, en fonction des différente dimensions que l’on a définies.
D’abord, ceux qui furent le théâtre de luttes pour le pouvoir dans le Parti. En 1979, à Metz, par exemple, le débat sur le programme et sur la ligne n’est pas absent mais s’il n’y avait pas eu la perspective de l’élection présidentielle de 1981 et, en arrière-fond, la rupture de l’union de la gauche et la défaite de 1978, il est évident que l’on n’aurait pas assisté à un congrès aussi dramatisé, avec autant de mobilisation à l’intérieur du Parti.
Pour le congrès de Rennes, le contexte est à la fois similaire et différent. Se pose la question de la succession de François Mitterrand, avec en ligne de mire, les élection présidentielles de 1995. Dans cette optique, contrôler le PS c’est pour les dirigeants de l’époque se mettre en situation d’être candidat, à un moment où Michel Rocard est Premier ministre, Laurent Fabius, président de l’Assemblée nationale et Lionel Jospin, numéro deux du gouvernement comme ministre de l’Éducation nationale.
Alors, comment l’ensemble du parti se mobilise-t-il pour en faire un congrès de crise ou d’affrontements ? Dans le cas de Metz, le congrès vient également après un succès aux municipales et l’arrivée de nombreux nouveaux responsables, pour lesquels la question des alliances locales avec le PC est très importante, ce qui les rend très sensibles à la question de la stratégie électorale. Il ne faut pas non plus oublier le contexte fortement idéologique autour notamment de la question des nationalisations qui prêtent en effet à construire des oppositions très lisibles pour tous.
A Rennes, on a un effet de la professionnalisation du PS. Les années 80 ont été une période faste pour ce parti. Grâce aux mairies, au contrôle de nombreux conseils généraux et de quelques conseils régionaux, grâce à la présence au gouvernement et à de nombreux et généreux « donateurs » en tous genres, le PS et ses élus ont beaucoup embauché de permanents et de collaborateurs : beaucoup de militants sont ainsi devenus professionnellement dépendants du Parti sous une forme ou une autre. Leur sort est ainsi devenu directement dépendant du maintien en poste de leur « patron ». La personnalité de celui qui allait contrôler le Parti était donc une question non négligeable pour nombre d’acteurs des congrès, car d’elle dépendait la certitude ou non de préserver leur position. Cela explique la logique très clanique qui préside alors à la formation des courants. Sans négliger les dimensions symboliques liées aux personnalités tranchées des responsables - les histoires politiques, sociales de Rocard, Fabius et Jospin sont très marquées, chacun disposant de réseaux particuliers -, et les effets passionnels découlant de la dynamique propre du congrès lui-même, on peut dire que le congrès de Rennes est un congrès où tout est enjeu de pouvoir.
La comparaison de Metz et de Rennes montre qu’il y a des explications propres à chaque congrès critique et qu’il faut en analyser les causes au niveau des « éléphants » mais aussi au niveau de la savane. Mais il est difficile d’aller plus loin dans une typologie. Est-on dans une nouvelle phase avec l’adoption des nouvelles règles dont nous avons abondamment parlé ? L’avenir le dira.

Pierre Serne : Ce que je trouve frappant dans ce qui s’est déroulé au cours des trente dernières années, c’est que, finalement, les congrès qui restent comme des moments marquants ne sont pas nombreux : Epinay, Metz, et Rennes, trois congrès. De plus, ce ne sont pas des congrès où s’est joué un nouveau programme, ou un changement important dans la ligne, mais des moments où a été posée la question du pouvoir sur le parti.
Dans la préparation du congrès de Rennes, ce qui me paraissait important, c’était le changement de Déclaration de principes, avec la suppression de toute référence au caractère révolutionnaire du PS. Sur le moment, dans les sections, presque personne n’en parlait. Ce qui aurait pu apparaître comme un événement majeur de l’histoire du PS en cette fin de 20e siècle n’était pas appréhendé de la sorte par les militants. De même que le congrès de l’Arche, qui a pourtant adopté le projet du PS, est assez oublié. Pourtant, ce projet engage encore le PS mais cela n’en fait pas un congrès de référence pour les militants.
De même, l’attention de la presse porte essentiellement sur la question des équilibres internes du PS et moins sur les différences de programme. J’ai étudié très précisément le congrès d’Épinay de 1970 qui a adopté le Plan d’action socialiste du Parti d’Alain Savary. La seule chose qui intéresse les médias, c’est le jeu des équilibres entre le CERES, les mauroystes, defferristes, savarystes et molletistes. Il n’y a quasiment aucune place accordée dans les médias au programme lui-même.

Alain Bergounioux : On ne peut pas faire de vraie typologie, le contexte prime. On peut cependant dégager deux types extrêmes. Les congrès critiques, qui sont de grands congrès, en positif ou négatif. Celui de Metz, par exemple, est un congrès critique qui a été vécu positivement par l’opinion française qui y a vu aussi un vrai débat, riche, un affrontement de ligne politique et d’idées. Ce congrès n’a pas nui à la victoire de 1981, même s’il a eu des conséquences sur la vie interne du PS. Le congrès de Rennes est un congrès critique qui a eu un impact négatif, car les Français voyaient la rivalité entre les hommes mais pas le projet.
A l’autre extrême, le congrès de ratification, qui n’a pas à débattre en sous la pression d’échéances immédiates, comme à Brest. On a donc toute une gamme. Ainsi, Toulouse, en 1985, est un premier bilan des évolutions survenues depuis 1982-83, de rééquilibrage interne, c’est un congrès qui a du sens, et il n’est pas passé inaperçu.
Ce qui a vraiment changé, depuis 1981, parce que le PS est devenu un parti de gouvernement, c’est l’aspect de « communication externe » des congrès. Et en politique, on l’a vu en de nombreuses occasions, tout n’est pas toujours maîtrisable. A Rennes, la maîtrise a échappé aux acteurs, au premier secrétaire, au président de la République, au Premier ministre, aux militants eux-mêmes qui étaient pris dans une atmosphère générale passionnelle. On peut donc pas faire de typologie a priori, le contexte pesant fortement, mais on peut classer et trouver des points communs, des régularités et pointer comme on l’a fait des évolutions.

Les enjeux de Grenoble
Alain Bergounioux : L’enjeu du congrès de Grenoble n’est pas le leadership sur le Parti pour 2002 puisque les signataires des deux motions qui s’opposent à celle du premier secrétaire ont déjà indiqué qu’ils ne présenteraient pas de candidat contre lui - ce qui repose la question du mode d’élection. Ce n’est pas non plus un congrès qui remettra en cause le Premier ministre. En même temps, il y a un deuxième enjeu qui n’est pas programmatique mais d’orientation.
Malgré tout, la lecture des trois motions présentées est éclairante. Il y a à la fois un jugement à porter sur la politique gouvernementale, un bilan de ce qui a été fait depuis 1997 - ce qui était impossible à faire Brest, le congrès arrivant quelques mois après la victoire aux législatives -, et la nécessité de définir les éléments qui fourniront le terreau culturel du futur programme qui sera élaboré après dans la perspective de 2002.
On suivra aussi avec intérêt les résultats obtenus par chaque motion, les mouvements internes, les rééquilibrages dans la perspective de l’après 2002. Au sein de la majorité actuelle mais aussi à la gauche du parti, dans la concurrence entre la gauche socialiste et Henri Emmanuelli.

Frédéric Sawicki : Pour l’observateur que je suis, la question, s’agissant de l’évolution des équilibres internes entre les courants au PS, est de savoir qui a le leadership sur la gauche du parti. Depuis le départ de Jean-Pierre Chevènement en 1993 et le décès de Jean Poperen, on constate une lente et difficile émergence de la Gauche socialiste. Il y a clairement un espace à occuper, à structurer car il reste au sein du PS un « courant » d’adhérents qui est marqué par une culture anticapitaliste très forte et qui ne se retrouve pas nécessairement dans le politique du gouvernement Jospin. Ce courant a été alimenté par l’arrivée de militants issus des franges du trotskisme, voire du PC. Henri Emmanuelli, compte tenu de ses positions, essaye de structurer cette mouvance pour pouvoir infléchir la ligne du Parti et jouer un plus grand rôle au niveau de sa direction. Cet enjeu n’est pas propre à ce congrès-là, cette question se posant au PS depuis six ou sept ans, avec des scores parfois surprenants et élevé pour la Gauche socialiste. Cela nous ramène également au mode de fonctionnement du PS qui, proportionnelle oblige, laisse toujours la possibilité aux courants minoritaires de se compter et de peser.
A quelques mois des élections municipales, et dans le contexte de ces derniers mois, ce congrès offrira évidemment aussi l’occasion de resserrer les troupes, de réafficher une belle unité pour aller vers les combats futurs. Les dimensions symboliques traditionnelles d’un congrès vont donc être particulièrement soignées. A cet égard, le choix de Grenoble, qui répond sans doute à d’autres critères - alternance des lieux depuis Épinay, tour de France des fédérations, capacité d’accueil,… - est aussi symbolique, puisqu’à cette ville reste associé le nom de Mendes France, qu’elle évoque l’ancien « laboratoire municipal » de Dubedout, l’avant-garde du socialisme moderne ; et, enfin, ce choix montre aussi la force du PS puisque la mairie de Grenoble a été reconquise par la gauche aux dernière municipales. La ville de Montpellier était également candidate à l’organisation du congrès - comme en 1997 - , mais la personnalité moins consensuelle de son maire a peut-être incité le PS à trancher en faveur de la fédération de l’Isère.

Pierre Serne : J’ajouterai à ce qui a été dit une dernière dimension, liée au contexte actuel et à l’équilibre au sein de la gauche plurielle. Cet équilibre est mouvant, et le congrès de Grenoble sera observé avec une grande attention par les partenaires des socialistes. Si le PS doit donner des signes clairs sur ce qu’il est et ce qu’il veut à ses militants, à l’opinion publique, il doit s’adresser à ses partenaires, pour les municipales et les législatives.

Alain Bergounioux : Le sommet de la gauche plurielle se déroulera juste avant le congrès de Grenoble, début novembre, et ce calendrier ne doit bien évidemment rien au hasard. Cette rencontre sera également un temps fort de la réflexion et de la communication du PS.

(débat animé par Frédéric Cépède)
 

 
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