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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Dupont/Courtois 323
Le Livre noir noir
par CLAUDE DUPONT

a/s de Stéphane Courtois
Du passé faisons table rase !
Histoire et mémoire du communisme en France

Robert Laffont 2002 576 p 22,95 €

Stéphane Courtois nous avertit dès l’avant-propos : l’ouvrage se présente comme une suite du Livre noir du communisme, consacré essentiellement à l’Europe de l’Est. Il est vrai que Le Livre noir était cantonné aux gros modules du « modèle » communiste : l’URSS, la Chine et le Cambodge. Mais il donne aussi l’occasion de revenir sur l’étonnant accueil qu’il a reçu en France, où nombre de journalistes et d’historiens occultèrent le débat de fond, en focalisant leurs critiques sur la comparaison sacrilège que Stéphane Courtois avait osé établir entre le nazisme et le communisme et sur le décompte approximatif qu’il avait avancé, concernant les morts provoqués par les régimes communistes. On ne lira pas sans intérêt la réponse de Courtois, même si la partie du livre traitant le sujet – et comportant deux autres contributions – est un peu longuette, parfois redondante.

Les deux totalitarismes
Cessons de jouer sur les mots et de nous cacher derrière de piteuses querelles. Hannah Arendt a magistralement démontré que nazisme et communisme auront été les deux grands totalitarismes du XXe siècle et Stéphane Courtois a raison de citer, sur ce point, Bernard-Henri Lévy : « Si comparer veut dire penser ensemble, s’il s’agit de poser un genre – le totalitarisme – qui aurait eu deux espèces distinctes – nazisme et communisme – deux grands totalitarismes à la fois spécifiques et cousins, alors oui, la démarche est légitime… »
On retiendra aussi en réponse à ceux qui lui ont reproché de faire le jeu de l’extrême droite, la très pertinente analyse de Courtois sur le fameux « devoir de mémoire » que l’on ne cesse d’évoquer et qu’on ne saurait exiger d’un historien. D’un historien, en effet, on attend qu’il transmette des connaissances au terme d’une démarche scientifique, alors que la mémoire est porteuse de la vie d’un individu ou d’un groupe. À l’histoire, « le pacte de vérité ». À la mémoire, le « vœu de fidélité ». Sans reprendre les arguments développés, dont plusieurs étaient déjà évoqués par François Furet, on retiendra la remarque qu’avec le système soviétique, on n’a jamais considéré qu’on avait affaire à une société, mais à un régime « idéocratique » : les intellectuels n’ont guère cherché à juger l’arbre à ses fruits, c’est-à-dire aux conditions de vie du peuple, mais ont été le plus souvent attentifs à l’orientation affichée par ses dirigeants dans leurs déclarations et dans leurs réformes structurelles proclamées.
Sans doute, aussi, n’est-il pas inutile de noter l’attrait qu’aura exercé le trotskisme sur la gauche française. Le trotskisme, c’est l’idéal sans l’impureté, le socialisme sans la tyrannie, la révolution sans le despotisme. Qu’importe si la terreur était déjà en germe du vivant de Lénine. Qu’importe si Trotski fut tout de même l’un des premiers à sacraliser le Parti, l’absolvant par avance de tous les crimes : « En dernière analyse, c’est toujours le Parti qui a raison, parce qu’il est l’unique instrument historique dont la classe ouvrière dispose pour régler ses problèmes fondamentaux. » Dérive inévitable dès que les repères ultimes qui fondent la démocratie sont récusés en bloc comme des paramètres inhérents à l’idéologie bourgeoise et que la morale se retrouve étroitement assujettie aux exigences de la lutte des classes.

La gauche et les communistes
Il n’en reste pas moins que dans la perception ambiguë que les Français ont du communisme, il ne faudrait pas oublier que, dans l’histoire sociale de la France, les grandes heures de la gauche ont toujours été vécues dans l’unité, c’est-à-dire dans le coude à coude des militants, où les communistes sont perçus bien davantage comme des compagnons de lutte que comme des agents actifs d’une dictature implacable. Voilà qui explique la gêne que nous pouvons éprouver à confondre toutes les catégories du totalitarisme – ce qui l’explique beaucoup mieux en tout cas que les subtilités contestables selon lesquelles le communisme serait une doctrine noble en soi, qui aurait malencontreusement connu une distorsion entre l’idéal et le réel, alors que le nazisme est un système en soi monstrueux dont la praxis aurait été parfaitement conforme à la terreur idéologique…
Pour le reste, on lit l’ouvrage avec intérêt et accablement. On retrouvera, dans les démocraties populaires, les pratiques qui fleurissaient en Union soviétique – avec une mention spéciale pour la Roumanie, où l’horreur concentrationnaire atteignit des sommets. Quant à l’ancien pasteur Erhart Neubert, il nous livre sur le régime de l’ex-RDA une des meilleures études qu’on ait lues.
Constatons notamment, comme on l’avait souligné pour l’URSS, que c’était toujours lorsque toute opposition était anéantie que la répression se déclarait avec le plus de cruauté. Comme si le communisme ne pouvait s’ancrer dans un pays sans déclarer la guerre à son propre peuple. C’est en voulant imposer la vision d’un homme nouveau, prétendant éradiquer au plus vite les données venant de son passé, de son environnement et de ses traditions que l’on instaure le règne de l’inhumain. Rien n’est plus barbare que l’incarnation de l’Utopie.
Claude Dupont
 

 
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