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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Bergounioux, Une étrange critique du socialisme
Une étrange critique du socialisme
par ALAIN BERGOUNIOUX

Gérard Desportes et Laurent Mauduit
L’Adieu au socialisme
Grasset 2002 359 p 19,50 e

Voici un livre plutôt étrange. Son argument principal tient dans un réquisitoire abondant (sinon toujours rigoureux) contre la politique menée par les socialistes, au premier rang desquels Lionel Jospin, et par les communistes (sur un mode mineur). Ils auraient « trahi » tout ce qui a fait la grandeur du mouvement ouvrier. Ce seraient des libéraux qui n’osent s’avouer comme tels. Tout y passe et rien ne trouve grâce aux yeux de nos procureurs dans les cinq dernières années. Au point que la création de centaines de milliers d’emplois et la baisse importante du chômage ne sont même pas mentionnées ! Or, c’était là le principal engagement de 1997. Chaque thème évoqué dans l’ouvrage mériterait une discussion précise.

Analyse ou auto-analyse ?
Mais, un autre fil parcourt également tout le livre. C’est celui de la nostalgie de deux anciens militants d’extrême gauche qui jugent toute « l’histoire des autres » à travers le prisme de leurs engagements passés. Tout se passe comme si leur échec politique leur rendait intolérable l’action des autres, c’est-à-dire de ces sociaux-démocrates dont ils espèrent avec tant de force la faillite. Pensez si, dès lors, le 21 avril est une formidable opportunité – « une divine surprise » aurait dit quelqu’un… Lionel Jospin devient la figure emblématique de cette faillite, réduit à l’impuissance même par le poids longtemps nié de son appartenance à la même organisation trotskiste que nos auteurs. Le livre vire alors à un essai d’auto-analyse qui sert à justifier les engagements de Gérard Desportes et Laurent Mauduit. Certes, ils reconnaissent que la notion de « trotskisme culturel » est un peu courte, et ne veut pas dire grand-chose de positif aujourd’hui, que les mouvements antimondialisation ont peu de propositions vraiment concrètes à faire. Peut-être faut-il revenir tout simplement à Marx – comme le concluent les auteurs. Mais, ils ajoutent immédiatement : « Si Marx revient, ce sera peut-être pour repartir tout de suite ! »
D’où le pessimisme noir qui traverse toutes ces pages et qui les rend plutôt déprimantes.
Il y a évidement des critiques émises au fil des chapitres, dont il faut tenir compte. La campagne présidentielle n’a pas été bonne. Des concessions inutiles ont été faites au libéralisme dominant – la législation sur les stock-options notamment. Une timidité à reposer la question des contre-pouvoirs dans l’entreprise. Une défiance vis-à-vis du mouvement social. L’absence de propositions face à l’offensive du Medef pour imposer sa conception de la « refondation sociale ». Un éloignement des préoccupations concrètes des catégories populaires… Tout cela appelle une réflexion critique et des réponses pour demain.

Les succès du socialisme démocratique
Mais, nous ne sommes pas pour autant obligés de partager la vision historique de nos auteurs. Elle repose, en effet, sur une incompréhension volontaire de ce qu’a été la dynamique politique du socialisme démocratique. Elle ne commence pas, comme le pensent nos auteurs, en 1959 avec le programme de Bad-Godesberg de la social-démocratie allemande ! Dès les années 1930, les partis sociaux-démocrates nordiques ont montré qu’il était possible de lutter contre l’irrationalité et les injustices du capitalisme sans nationaliser les moyens de production et d’échange. Or, il n’y a pas de pays dans le monde qui ont connu des progrès sociaux comparables à ceux des pays où le socialisme démocratique a eu des responsabilités durables. À travers les épreuves du siècle, a été établie une synthèse politique faite d’efficacité économique, de solidarité sociale, de démocratie politique. Les effets de la mondialisation libérale et d’une économie de l’information l’ont placée incontestablement sur la défensive depuis une vingtaine d’années. Cela explique actuellement les fluctuations électorales, les débats programmatiques, les incertitudes stratégiques.
Personne, certes, ne peut garantir l’avenir. Et, les problèmes actuels pour les socialistes français sont sérieux. Mais, ce que ne voient pas Gérard Desportes et Laurent Mauduit, c’est que les partis socialistes demeurent vivants, car ils sont toujours au centre des contradictions principales de nos sociétés, entre les logiques de l’économie de marché et les exigences de la démocratie. Ils sont donc toujours les partis de l’alternance. Peut-être, répondraient nos auteurs, mais ils ne sont plus une alternative. Voire. Une alternative à l’hyper-libéralisme, aux différentes sortes de totalitarismes, aux intégrismes, ils le demeurent certainement. À l’économie de marché, non pas simplement, car ils admettent ses effets positifs et veulent (hier avec succès) maîtriser ses effets négatifs. C’est un travers trop partagé dans notre pays de chercher le « radicalement nouveau » en ne retenant que les difficultés et en oubliant les progrès. Mais, une politique qui veut unir l’efficacité, la solidarité et la démocratie mérite mieux que le discrédit facile ou le ressentiment.
Alain Bergounioux
 

 
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