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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
L'OURS hors série Recherche socialiste 66 67
L’OURS hors série Recherche socialiste 66-67
Janvier-juin 2014
192 pages 14 €


Alain Bergounioux, Avant-propos

L’EVENEMENT : LE TRAVAIL EN RELATIONS
p. 5 : Florent Le Bot, S’approprier le travail

p. : 9 La démocratie sociale en débat, entretien avec Jean-Marc Germain responsable de la commission des affaires sociales du Parti socialiste

p. 19 : Guy Groux, La démocratie sociale, le « politique » et l’entreprise. Un long processus

p. 37 : Fanny Gallot, Marie-Gisèle Chevalier : une carrière de syndicaliste à l’épreuve du genre (1968-2011)

p. 57 : Alain Pichon, Quelle régulation du rapport social ? Le cas des cadres
cheminots à la SNCF


p. 73 : Arnaud Mias, Fenêtres fragiles sur le travail. Les CHSCT, travail de représentation et représentations du travail

Notes critiques
p. 91 : Cédric Perrin, Familles rurales au travail (à propos de Fabrice Boudjaaba (dir.), Le travail et la famille en milieu rural XVIe-XXIe siècle, Rennes, PUR, 2014)

p. 99 : Florent Le Bot, Le travail dans la peau (à propos de Ann Pann, Frédérique Garlaschi, Paroles ouvrières. Le cuir à Graulhet (Tarn), 1942-2010, Les Éditions libertaires, 2014)

p. 105 : Jean-Louis Coy, Sandra, le prix du travail (à propos de Deux jours, une nuit, de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Belgique France 2014)

DOCUMENT
p. 111 : « Les effets de la Loi de huit heures sur la production selon Jean Lebas » Présentation Florent Le Bot

HISTOIRES SOCIALISTES
p. 117 : Emmanuel Jousse, La construction intellectuelle du socialisme réformiste en France de la Commune à la Grande Guerre

p. 129 : Alain Bergounioux, Les socialistes et l’État dans la crise des années trente

p. 149 : Thibaut Rioufreyt, Une histoire des relations entre le New Labour et les socialistes français (1997-2002)

FIGURE
p. 167 : Denis Lefebvre, Félix Éboué, de la Guyane au Panthéon

In memoriam
p. 187 : Marc Blondel, Maurice Dinet, Maurice Faure, René Teulade

RECHERCHE SOCIALISTE
n°66-67 janvier-juin 2014
Avant-Propos ALAIN BERGOUNIOUX

Ce dossier piloté par Florent Le Bot, chercheur en histoire économique, enseignant à l’université d'Evry-Val d'Essonne et à l’École normale supérieure de Cachan, dans sa double approche historique et très contemporaine, apporte de nombreux enseignements sur l’évolution de la place du travail dans nos sociétés.

Florent Le Bot revient dans sa présentation sur les différents enseignements que l’on peut tirer de ces études, de ces notes de lecture et critiques émanant d’historiens (Fanny Gallot, Cédric Perrin), de sociologues (Guy Groux, Alain Pichon, Arnaux Mias) et de responsable politique (Jean-Marc Germain) et de cinéphile (Jean-Louis Coy), aussi n’est-il pas la peine d’y revenir ici. Si ce n’est pour répéter que cette question du travail est centrale et que nous continuerons à en explorer les évolutions dans nos publications. Ce numéro s’inscrit dans une série sur la question du travail. Un premier dossier avait paru dans le numéro 60-61 en 2012.

Dans la partie « Histoires socialistes », Emmanuel Jousse nous fait partager les résultats de la thèse d’histoire qu’il vient de soutenir sur les origines du réformisme. Longtemps les travaux de recherche sur le socialisme d’avant 1914 ont privilégié l’étude de ses courants révolutionnaires, et réduit le mouvement réformiste à la figure de Jaurès ou d’intellectuels autour d’Albert Thomas. En étudiant avec de nouvelles sources et de nouveaux questionnements l’histoire du mouvement socialiste depuis la Commune, ce jeune historien montre l’importance de ce courant réformiste, ses ramifications internationales, et comment il innerve les débats entre socialistes par sa presse, ses revues, des ouvrages. Dans le débat entre réforme et révolution, les frontières entre socialistes ne sont pas si étanches, comme dans la participation au pouvoir, local et national. Emmanuel Jousse met en lumière une chronologie fine qui permet de mesurer les succès et ses échecs du réformisme dans la conquête de la France socialiste. Nos lecteurs ne s’étonneront pas que je me réjouisse personnellement de ce travail qui enrichit singulièrement nos connaissances sur la question des relations des socialistes avec le pouvoir.

En regard, l’article de Thibaut Rioufreyft qui vient également de soutenir une thèse de sciences politique sur la gauche socialiste française face à la Troisième voie « blairiste », conduit à s’interroger sur l’évolution des débats doctrinaux au sein de la gauche européenne dans les années 1997-2002. Querelles doctrinales ou enjeux tactiques, débats internationaux ou seulement nationaux ? Ce regard sur cet épisode récent est aussi important pour comprendre les difficultés des socialistes européens à apporter des réponses communes aux défis économiques notamment, mais aussi sociétaux de ce temps. Il montre que le débat n’est pas clos et que les socialistes n’en font et n’en feront pas l’économie.

L’étude que je publie ici a été présentée en 2014 lors d’un séminaire de recherche organisé à Sciences Po par Marc Lazar sur « Les gauches et l’État en Europe au XXe siècle ». Elle fait aussi d’une certaine manière le lien entre ces deux travaux de jeunes chercheurs, en montrant le poids des traditions et l’importance de la confrontation avec la réalité.

Enfin, dans la partie « Figure », Denis Lefebvre évoque, à l’occasion du 70e anniversaire de son décès, le parcours de Félix Éboué, premier noir gouverneur d’une colonie française, socialiste, franc-maçon qui rallia le Tchad à la France libre dès août 1940.

Connaître son passé, l’étudier, le comprendre, le discuter, n’est jamais vain. C’est même une des conditions pour préparer l’avenir. François Mitterrand disait : « Il n’y a pas d’imagination sans mémoire ! » Bonne lecture, et bonnes vacances.

Alain Bergounioux


S’approprier son travail,
par FLORENT LE BOT


Dans la suite du dossier « Monde(s) du travail » publié au second semestre 2012, nous poursuivons la réflexion sur le travail autour des relations professionnelles et des rapports sociaux. La question de la démocratie sociale au cœur des préoccupations du député membre de la commission des Affaires sociales, des sociologues et des historiens ici réunis, nous semble renvoyer à deux vastes interrogations : À qui appartient le travail ? Comment s’approprier son travail ?

À qui appartient le travail ? Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Jean-Marc Germain éclaire les enjeux du débat socioéconomique actuel. La modernisation de l’appareil productif est selon lui la clé de la préservation du modèle social français, plutôt que la question du coût du travail. Ceux qui évoquent d’une manière lancinante ce thème du « coût du travail » plaident, dans une marge mesure, pour une répartition des fruits du travail au profit le plus large du capital. Le document présenté au terme du dossier, « les effets de la Loi de huit heures sur la production selon le député socialiste Jean Lebas », nous rappelle qu’avancées sociales et gains de productivités vont souvent de pairs tandis que les critiques éminemment « stables » de ces avancées se déploient dans le dogme plutôt qu’en prise avec la réalité.

Revivifier la démocratie sociale
Confronté à l’internationalisation du capitalisme et à la globalisation des échanges, la responsabilité des politiques à mettre en œuvre doit être, selon Jean-Marc Germain, indexée sur la capacité d’intervention des acteurs sur cette modernisation. Il s’agit de donner aux salariés la possibilité de se former au long de leur vie professionnelle. Syndicats et organisations patronales devraient être associés à la définition d’un grand compromis social mobilisateur. Enfin, le président de la République ayant fixé le cap, le gouvernement établissant l’ordre du jour, c’est au Parlement que revient la mise en œuvre des réformes. L’équilibre obtenu lors de la cohabitation de 1997-2002 reste pour Jean-Marc Germain une référence en la matière. Cette échelle des responsabilités doit pouvoir s’appuyer sur une démocratie active et vivante. Ainsi, ne peut-il que déplorer la faiblesse de la représentativité patronale non fondée sur un mode électif. Il plaide par ailleurs pour un renouvellement des liens entre partis de gauche et syndicalisme.

Cette démocratie sociale revivifiée est au cœur de l’analyse proposée par Guy Groux. La loi, rappelle-t-il, offre aux partenaires sociaux la possibilité de signer des accords collectifs en vue d’initier de nouveaux droits, de modifier certains textes existants ou de définir de grandes réformes juridiques et sociales. Ainsi, le Parlement, entre 2008 et 2014, a-t-il entériné plusieurs accords nationaux interprofessionnels instituant notamment le recours au suffrage direct des travailleurs pour définir la représentativité des syndicats, ou encore la reconnaissance d’accords fondés sur la compétitivité des entreprises et la flexibilité des salaires et du temps de travail. Guy Groux rejoint ainsi Jean-Marc Germain pour affirmer que démocratie sociale et démocratie parlementaire sont nécessairement complémentaires, tandis qu’il ne s’agit plus de se partager les fruits de la croissance, mais de définir les conditions même de cette croissance. Il n’en reste pas moins que la capacité des salariés et de leurs représentants syndicaux à s’emparer de sujets complexes est fortement dépendante des informations disponibles et de leur lisibilité. De ce point de vue, les pouvoirs publics ne peuvent s’en remettre à la « bonne volonté » du capitalisme, au risque de s’accommoder « d’une démocratie profondément inégalitaire ».

S’approprier son travail
Comment s’approprier son travail ? L’article de Fanny Gallot souligne à propos combien le syndicalisme est une école de formation autant qu’une école de vie. En 1968, Marie-Gisèle Chevalier se fait embaucher comme OS chez Moulinex à Argentan, après ses parents et ses sœurs. Plus de trente ans après, restée OS chez Moulinex mais travaillant désormais à Bayeux, elle évoque sa passion pour son « métier » de syndicaliste. Sa carrière revêt sa part d’originalité dans la mesure où l’ouvrière a obtenu des responsabilités syndicales tandis que les discriminations de genre sont à l’œuvre au sein de l’entreprise. L’analyse genrée, plutôt qu’une improbable « théorie du genre » qui mobilise les immobiles, offre sous la plume de Fanny Gallot tout son intérêt. La carrière de Marie-Gisèle Chevalier est également comparable à celle de toute une génération d’ouvrières syndicalistes qui ont lutté contre les conditions de travail dans les années 1968, contre les Troubles musculo-squelettiques dans les années 1980 et qui se sont trouvées confrontées aux bouleversements de l’organisation du travail ayant accompagné la montée du néolibéralisme.

Le néolibéralisme en action fournit le cadre d’observation de la contribution suivante. Alain Pichon se penche sur la culture professionnelle et l’horizon d’attentes des cadres de la SNCF. Qu’attendent-ils de leur entreprise ? Quelle représentation en ont-ils ? Comment, surtout, perçoivent-ils les changements en cours, tandis que l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire européen est plus que jamais d’actualité ? Les réponses apportées soulignent la disjonction entre des cadres cheminots engagés pour une orientation « économie et sociale » du chemin de fer et les dirigeants de l’entreprise mobilisés pour sa structuration libérale. La possibilité d’un dialogue social qui ne soit pas un « dialogue de sourds » est véritablement en jeu.

Enfin, Arnaud Mias ouvre une fenêtre sur l’une des instances de représentation du personnel, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). L’observation des modes de fonctionnement des CHSCT donne à voir des façons variées de représenter le travail, de l’isolement des « spécialistes » à la lutte collective qui fédère les énergies d’un ensemble hétérogène d’acteurs internes et externes à l’entreprise, en passant par diverses formes d’instrumentalisation managériale. La valorisation de la connaissance du travail réel n’est pas un gage d’autonomie de l’instance, même si elle représente l’horizon vers lequel doit tendre l’instance pour fonder sa légitimité et son efficacité. C’est en faisant face aux exigences de connaissance du travail de représentation des travailleurs, nous dit Arnaud Mias, que les élus du CHSCT seront en mesure d’explorer plus avant les pratiques démocratiques en entreprise.

Ce dossier se termine par la présentation d’œuvres collectives que nous vous recommandons s’agissant du travail : le livre dirigé par Fabrice Boudjaaba, Le travail et la famille en milieu rural XVIe-XXIe siècle ; les témoignages recueillis par Ann Pann, Frédérique Garlaschi et Éric Bruguière dans Paroles ouvrières. Le cuir à Graulhet (Tarn), 1942-2010 ; le film Deux jours, une nuit de Jean-Pierre et Luc Dardenne.

Florent Le Bot
 

 
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