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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Lavergne/Finistère351
1905-2005 : SOCIALISTES, TONNERRE DE BREST !

En cette année du centenaire de la naissance du Parti socialiste, à côté des initiatives nationales – un album, Des poings et des roses, un colloque, une manifestation – quelques fédérations socialistes ont décidé de se pencher sur leur histoire. Ces initiatives ont donné lieu comme dans le Nord, le Morbihan, la Saône-et-Loire… à des expositions et à l’édition de plaquettes et brochures. En attendant le livre de la fédération de Paris, dans le Finistère, universitaires et élus socialistes ont travaillé ensemble pour sortir un ouvrage étudiant un siècle d’histoire socialiste dans le département.

Christian Bougeard, Gilbert Gramoullé, Maurice Lucas et Jean-Jacques Urvoas
Les Socialistes dans le Finistère (1905-2005)
Rennes Éditions Apogée 2005 251 p 19 e

Cet ouvrage à plusieurs mains adopte un découpage chronologique en six chapitres un peu surprenant. Le premier, sous la plume de Gilbert Gramoullé explore « la naissance difficile » du mouvement socialiste dans le département, des origines jusqu’à 1919. Il s’appuie notamment sur les archives départementales et les rapports de surveillance des mouvements politiques ; les larges extraits qui sont reproduits plongent dans l’ambiance des luttes ouvrières autour de l’arsenal de Brest, révèlent le regard porté par les autorités sur ces foules mouvantes des manifestations et des meetings et sur leurs leaders, des excités, « ignorants et égarés ». Il démonte surtout le cliché trop répandu d’un département « clérical et réactionnaire », alors qu’au contraire autour de Brest, Concarneau, Douarnenez et du monde maritime c’est un univers largement ouvert aux idées républicaines puis socialistes qui apparaît. Après des débuts lents et des luttes entre groupes et personnalités, comme partout en France, c’est au congrès socialiste régional de Nantes, en 1900, qu’une fédération de Bretagne se forme en réunissant dès le début dix-huit groupes et soixante-dix organisations coopératives ou syndicales. À Brest, dès 1904, les électeurs envoient à la mairie une majorité de socialistes, conduits par les ouvriers Émile Goude, lequel est en 1910 le premier député de Bretagne, et Hypollite Masson, futur maire en 1912 de la cité du Ponant, et secrétaire de la fédération. Ce n’est qu’en 1907 que la fédération de Bretagne adhère à la SFIO et qu’est créée la fédération du Finistère. Avec 850 adhérents en 1913 lorsque Brest accueille le congrès national, c’est une fédération jeune et en devenir. La guerre brise l’élan.

Le poids des peronnalités locales
Le second chapitre, « les années 1920 », dû à Maurice Lucas, également préfacier du livre, revient en fait sur la question de l’antimilitarisme et sur les débats suscités par l’attitude des socialistes durant la guerre et face à la révolution russe : si, au plan électoral, le Finistère conserve ses deux députés en 1919 (Goude et Masson), les nouveaux militants socialistes radicalisent leurs discours (la motion Blum n’a pas de défenseur) et se rallient dans leur grande majorité aux thèses bolcheviques isolant leurs élus ; dans les années post-Tours, la tactique classe contre classe, et les affrontements avec les communistes font le quotidien des militants socialistes qui conservent leur fragile position électorale.
Auteur des chapitres 3 (les années 1930), 4 (De la guerre à la reconstruction du parti, 1939-1946), 5 (La SFIO de la IVe République à la disparition, 1947-1969) Christian Bougeard, professeur d’histoire à l’université de Bretagne occidentale, biographe de Tanguy Prigent1 se taille la part du lion dans cette entreprise : il synthétise avec une grande clarté les débats d’une fédération qui peine à se développer et plafonne jusqu’en 1935 aux alentours de 1000 adhérents, bientôt emmenée par une nouvelle génération incarnée par des hommes comme Jean-Louis Rolland, commis civil de marine, maire de Brest en 1929 puis député, le professeur Guy Le Normand (nommé à Morlaix), secrétaire fédéral qui prend alors un jeune paysan du Trégor sous son aile, Tanguy Prigent, élu député en 1936. En 1940, les deux députés socialistes finistériens voteront contre les pleins pouvoirs à Pétain, marquant avec d’autres élus le fonds républicain de la région. Résistant, nommé ministre de l’Agriculture dans le gouvernement provisoire de De Gaulle en place jusqu’en 1947, député, membre du comité directeur de la SFIO, proche de Guy Mollet, Tanguy-Prigent est durant trente ans une figure centrale du socialisme national et finistérien, désormais largement concurrencé par le succès rencontré par le PC et que tente de contrer localment son collègue Eugène Reeb. De 1946 à 1958, la fédération vit au rythme des soubresauts de la vie nationale et apporte son soutien à la majorité du parti. La crise de 1958, qui voit la fédération basculer dans l’opposition, et le départ en 1959 de Tanguy Prigent au PSA puis au PSU (dont il est le seul député) affaiblit la gauche non communiste sans que le PSU réussisse à s’implanter durablement.
Jean-Jacques Urvoas, universitaire et premier secrétaire fédéral, traite dans la dernière partie la période 1969-2004. Il décrit le redressement socialiste dans le Finistère et en Bretagne, et la greffe réussie de la deuxième gauche rocardienne à partir du milieu des années 1970, dans une fédération qui assume son réformisme à chaque congrès, avec un ancrage cependant toujours fragile du département à gauche, car les répercussions des débats nationaux ne manquent pas de jouer : dans ces années, la fédération qui compte bientôt près de 2000 adhérents change aussi de visages avec Louis Le Pensec, Bernard Poignant, Marilyse Lebranchu puis dans les années 1980 avec François Cuillandre, Pierre Maille, Kofi Yamgnane… élus qui évoquent en conclusion quelques souvenirs de l’histoire de leur fédération.

Une synthèse solide
Certes, au regard des richesses archivistiques du Finistère, une des rares fédérations socialistes qui se préoccupe depuis plus d’une dizaine d’années de la sauvegarde de ses archives et de sa mémoire militante, et qui a diffusé quelques très belles affiches (notamment dans les années récentes celles d’Alain Le Quernec), on pourra regretter que l’ouvrage publié ne mette pas en valeur ce patrimoine militant. Mais l’objectif visant à proposer une histoire solide et sérieuse des combats des socialistes finistériens sur le siècle est lui parfaitement rempli.
On pourra aussi noter des différences d’approches entre les auteurs dans la mise en perspective de cette histoire ; mais elles reflètent aussi l’état de la recherche et de l’accès aux sources comme la distance par rapport aux événements. L’ouvrage, à la fois vivant et fouillé, et qui s’appuie sur les travaux les plus récents, garde toujours un bon équilibre entre histoire fédérale (importance des conquêtes municipales, poids des élus, faiblesse militante persistante malgré des succès électoraux éclatants…) et évolution nationale du Parti socialiste. Il constitue une très riche et utile synthèse et confirme, s’il en était besoin, que ce type de monographies enrichit nos connaissances sur cette fédération de fédérations qu’est le Parti socialiste depuis l’unité de 1905.
François Lavergne

(1) Christian Bougeard, Tanguy Prigent, Paysan ministre, Rennes PUR 2002 363 p , Cf. L’OURS 322.
 

 
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