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L'OURS n°418 page CULTURE
La page CULTURE de L’OURS 418, mai 2012, page 2

L’Actu des bulles, par Vincent Duclert : Destins d’Alger

Ferrandez et Attia, Alger la noire, Casterman, 2012, 132 p, 18 €

Dans les imaginaires, Alger demeure « la blanche ». Chez Casterman, avec l’album de Ferrandez et Attia, elle est « la noire ». C’est un ouvrage exceptionnel. Déjà le dessin de Jacques Ferrandez, qui représente la violence, la mort, avec autant de justesse et de force que l’amour, la passion, auteur de la série Carnet d’Orient, mais aussi de L’Hôte inspiré de la nouvelle de Camus dont nous avons rendu compte dans L’OURS. Et le scénario de Maurice Attia, auteur en 2006 chez Actes Sud d’Alger la noire.

Dans une ambiance de fin du monde, au moment où l’Algérie bascule dans l’indépendance mais aussi dans la guerre civile entre Français, où les familles, les communautés, les histoires se déchirent, subissent le massacre et l’annihilation, où Alger retentit des attentats de l’OAS et rejette sans relâche des corps atrocement mutilés, un jeune inspecteur du commissariat d’Alger tente de résoudre le meurtre d’une jeune Européenne et d’un jeune étudiant de père algérien et de mère bretonne. Acharné à comprendre et à découvrir, Paco va plonger dans sa propre histoire, explorer l’histoire de toute l’Algérie française. Et maintenir un espoir dans cette quête obstinée de la vérité.

C’est un album que je recommande chaudement, ne serait-ce que pour cette conviction, démontrée par l’image et les mots, que les histoires individuelles ne disent pas seulement la grande histoire mais qu’elles permettent parfois d’en retirer quelque peu le tragique et le désastre.

Vincent Duclert

CINEMA : Twixt again with Coppola
par Jean-Louis Coy

Twixt de Francis Ford Coppola (USA, 2012, avec Val Kilmer)

Un film de Francis Ford Coppola ne nous laisse jamais indifférents même si ce dernier Twixt, loin d’être sa meilleure réalisation, plane à sa manière au nom de cette espèce de génie présidant à l’œuvre de l’auteur d’Apocalypse Now.

La première émotion pour le cinéphile est de retrouver le label de la production Zoetrope créée par le maestro en 1971 avec entre autres Bogdanovich et Friedkin, sorte de lieu sacré où notre homme régentait tout mais permettait à des artistes aussi différents que Powell, Lucas et Wenders de s’exprimer.
Un Renaissant pourrions-nous dire, pétri de culture, doué, à la fois fantasque, délirant et déroutant, Coppola devait payer son goût d’indépendance auprès des « majors », durant dix années : on ne le vit plus. Mais, à la vérité, une question mérite d’être posée : qui connaît vraiment Coppola ? On connaît Apocalypse et le Parrain, parce que célébrés dans le monde, mais le reste ? Une filmographie riche, équilibrée, toujours intéressante depuis les fameuses années 1970, âge clé du cinéma US (Milius, Spielberg, Lucas, etc.).

On retrouve constamment chez Coppola cette rigueur esthétique et inventive, la pensée forte d’un auteur humaniste très proche des penseurs européens, une culture expliquant la complexité souvent métaphysique de ses sujets.

Alors ce dernier opus Twixt ? Comme toujours, les critiques sont surpris, ne s’agit-il pas d’un petit sujet de série B à laquelle Coppola, en tant que fidèle de Roger Corman, a su donner jadis de l’ampleur (Gens de la pluie, 1969), un film d’horreur comparable à son Dementia 13 (1963) ou d’un gothique proche de Dracula (1993) ?

Inutile d’énumérer les titres, encore moins de signaler les habituelles références cinéphiliques décryptées dans Twixt que le cinéaste s’amuse à semer à travers sa pellicule teintée d’un merveilleux noir et blanc, puis d’un rouge et noir parsemé de deux séquences ludiques en 3D.

Retour aux sources
Twixt reste d’abord un film sur le temps, non seulement celui des horloges folles déjà vues dans Rusty James (1983), mais également du retour aux sources, du vieillissement, de cette résurrection des fantômes si semblable à celle du passé du cinéaste et des drames vécus comme la mort tragique de son fils, si finement évoquée dans une superbe séquence où se superposent le visage de la victime, la rivière et le bateau cause de ce drame.
Mais comment refaire un voyage déjà si éloigné, rencontrer Edgar Poe en honorant la mémoire de Roger Corman (La Chute de la maison Usher, 1960), dans le même temps évoquer la difficulté d’écrire, la poésie gothique, la jeunesse, la fantaisie et l’alchimie d’un créateur toujours prêt à nous surprendre ?

Twixt, entre la poésie et l’horreur, raconte l’histoire d’un écrivain (Val Kilmer) à la recherche d’inspiration, échoué dans un village hanté par des vampires, des enfants morts-vivants, découvrant peu à peu son sujet à partir de l’assassinat d’une jeune fille, prétexte à une situation fantastique où se conjuguent le gore, l’irrationnel, l’innocence et la folie onirique et énolique.

Après L’Homme sans âge et Tetro, Coppola essaie de reprendre une carrière proche de celle de ses débuts, juste avant les triomphes hollywoodiens. Est-ce une tentative de renaître après l’euphorie, une volonté de déjouer le mauvais sort, ressusciter son indépendance à travers Zeotrope ? Il reste le label et le nom de ce cinéaste hors du commun qui l’aideront peut-être. D’abord il y a une leçon de ténacité, d’amour du cinéma, cela nous réconforte, souhaitons alors retrouver la « Coppola Touch ».

Jean-Louis Coy


L’actu des sons : Deux sons 2012

Pour ce joli mois de mai, que l’on sent riche en émotions, deux sons. D’abord, une sévère baffe administrée par le saxophoniste et compositeur Guillaume Perret, à peine trentenaire, partenaire entre autres du guitariste Alex Stuart (L’OURS n° 408), découvert en fin d’année dernière avec son Electric Epic sur la scène du Triton (Les Lilas). Son site proposait déjà d’excitantes compositions (Massacra, Circé, Thème pour le rivage des morts…) mais on piaffait depuis de retrouver son saxophone dopé à l’électricité et aux effets sur CD, d’autant que l’éclectique jazzeux John Zorn l’accueillait sur son label. Avec ses trois comparses (Jim Grandcamp, guitare électrique, Yoann Sera, batterie, Philippe Bussonnet, basse) il est rejoint ici pour 5 des 7 titres par le survolté Médéric Collignon, au chant et au cornet. Jazz ou métal ? Ça pulse, chante, secoue, appelle des images, crée des univers. Chaque écoute révèle la richesse d’une musique volcanique, folklorique, pompier, lyrique, envoûtante. Massacra, enregistré en live, donne une bonne idée de l’énergie et du potentiel scénique du groupe.

En prime, un mot du dernier CD du guitariste américain Wayne Krantz, bien connu des amateurs de fusion, au son et au phrasé si caractéristiques. Avec « Howie 61 », il propose dix titres dont huit… chansons ! Avec des invités prestigieux, du duo piano voix et bruitages au quintet avec saxophone ou guitare slide, en passant par le trio guitare-basse-batterie, ou le quartet avec piano, il place des mots sur ses mélodies et riffs plus qu’il ne chante, inventant un récitatif personnel. Une balade sombre (I’m Afraid That I’m Dead) mais un ton plutôt jazz, rock, funk, voire électro rap, inventivité, surprises sont au rendez-vous d’une musique subtile et inventive, toujours surprenante.

Frédéric Cépède
Guillaume Perret & The Electric Epic, Tzadik, 2012
Wayne Krantz, « Howie 61 », Abstract logix, 2012


L’OURS au théâtre par André Robert : Oncle Vania, l’un court, l’autre pas

Oncle Vania d’Anton Tchekhov
théâtre Studio d’Alfortville, mise en scène de Christian Benedetti,
théâtre des Amandiers, Nanterre, mise en scène d’Alain Françon

Une pièce mythique, Oncle Vania. Un texte théâtral prodigieux d’extrême simplicité quotidienne et de profonde subtilité psychologique, remarquable par son ancrage dans la société russe de la fin du 19e siècle et par son universalisme tout à la fois. Une même traduction, celle – désormais classique sur la plupart des scènes françaises quand on y joue Tchekhov – de Françoise Morvan et André Markowicz. Deux mises en scène simultanées et profondément différentes : l’une sous la houlette de Christian Benedetti, l’autre sous celle d’Alain Françon. Les deux ont monté ou ont le projet de monter tout Tchekhov qu’ils ont servi et servent admirablement (récemment La Mouette pour Benedetti, La cerisaie et Les Trois sœurs pour Françon).

L’un court, et l’autre pas. Benedetti fait jouer les quatre actes en 1 h 20, quand Françon fait le choix d’une bonne heure de plus, sans que Tchekhov y perde rien dans les deux cas. À Alfortville, la vitesse voulue du débit et du jeu surprend d’abord pour produire très vite un effet de sidération, révélant au plus près, « à l’os », les variations infimes des sentiments, la violence latente des personnages, leur flirt permanent avec le rire (bien présent) et les larmes, dans une pièce où – hormis le coup de feu manqué de Vania contre le professeur – il ne se passe presque rien que la vie qui passe avec son cortège de désillusions. Les comédiens, qui portent une tenue de ville contemporaine volontairement banale (sauf la robe rouge d’Elena, la femme du professeur, centre des convoitises) sont extrêmement « physiques » ; le décor est celui-là même du Théâtre Studio, parsemé des accessoires indispensables signalés dans les didascalies (il faut en effet toujours ces traces de matérialité dans le théâtre de Tchekhov qu’il ne convient pas de jouer « abstrait »). Dans cette rapidité volontaire, et fascinante, ce sont d’imperceptibles arrêts sur image qui marquent la durée.

Comédie
À Nanterre, le parti est celui de donner sa place à l’égrènement du temps, en temps réel pourrait-on dire, avec de brusques accélérations quasi comiques (la scène du coup de feu). Tchekhov prétendait en effet insister sur la dimension « comédie » de ses pièces, que la tradition interprétative ne nous avait pas habitués à discerner jusqu’à ces dernières années. Les décors des actes 2 et 3 (la chambre pendant l’orage nocturne et le salon où Sérébriakov, le professeur, va annoncer sa volonté de vendre la maison), font penser à du Edward Hopper, participant par là à la manifestation d’un certain figement de la vie et des choses. Après le départ du professeur et de sa femme, puis du médecin Astrov (« ils sont partis », répété à satiété), le déclin de la flamme d’une bougie, dans le bureau de Vania, fait ressentir physiquement le retour au cours tout à fait normal de l’existence (« manger à l’heure », « manger des nouilles », « travailler, travailler »).

Si la fonction de metteur en scène a mis longtemps à s’imposer dans l’histoire du théâtre au point de prendre de nos jours souvent tout à son compte et parfois de manière inappropriée, on peut constater, à l’occasion de ces deux Vania contemporains, qu’elle revêt toute sa portée lorsqu’elle développe un vrai fort point de vue au service des auteurs.

André Robert
 

 
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