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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Tellier/Jalabert / L'OURS 409
1981, les raisons d’une victoire,

par THIBAULT TELLIER

à propos de Laurent Jalabert, Le 10 mai 1981 : Mitterrand président. Racines et sens d’une victoire, Mémoire(s) du socialisme, 2011, 175 p,15 €

Article paru dans L’OURS n°409, p .4

« Il n’y a qu’un vainqueur le 10 mai 1981, c’est l’espoir ». Ainsi s’exprime celui qui a été à l’origine de l’événement qui constitue encore aujourd’hui l’un des principaux marqueurs de l’histoire de la gauche mais aussi de la vie politique française au XXe siècle. Au-delà de la commémoration, il convient de resituer le 10 mai 1981 dans sa complexité historique. Cette date est en effet à la confluence de trois problématiques majeures : tout d’abord, la montée en puissance du Parti socialiste qui, pour la première fois en 1981, parvient sous la Ve République à conquérir le pouvoir ; en second lieu, la capacité de ce parti à incarner les idées nouvelles ramassées autour du slogan « Changer la vie » ; enfin, le rôle et l’investissement personnel de François Mitterrand dans cette victoire qui, pour le moment, n’a pas été égalée par un autre socialiste.

Une longue histoire
C’est donc autour de ces trois axes que Laurent Jalabert organise son travail en privilégiant le temps long. Ce qui s’avère effectivement nécessaire. La séquence 1971-1981, si elle est sans nul doute essentielle pour expliquer les raisons du succès du PS en mai et juin 1981, ne peut en effet représenter la seule grille d’analyse. Comme l’explique l’auteur, la date du 13 mai 1958 et l’arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle dans des conditions pour le moins assez discutables, marque indiscutablement une date essentielle pour la gauche. Les circonstances ainsi que la nature du nouveau pouvoir vont la conduire à développer une réflexion politique qui aboutira à la construction d’une identité politique en opposition au régime de la Ve République. Ce qui lui fournit un corpus politique dont elle saura tirer profit le moment venu. Si la recomposition politique prend du temps, cette aversion de la manière de gouverner le pays servira de catalyseur au Parti socialiste pour fédérer autour de lui toutes celles et ceux qui refusent le pouvoir personnel accordé en 1958 au chef de l’État.

L’autre grand faisceau d’analyses qui explicite la victoire de François Mitterrand en 1981 concerne la pénétration des idées socialistes au sein de la société française. Laurent Jalabert rappelle ici que s’il faut rester prudent sur la profondeur des mutations, il est néanmoins avéré que le PS autour d’un certain nombre de grandes thématiques comme la décentralisation, la construction de l’Europe ou bien encore la prise en compte des débats sur la place des femmes dans la société française a su, parfois difficilement du fait des différences d’approches entre ses courants de pensée, incarner un nouveau modèle de société qui correspondait aux aspirations des Français.

Victoire individuelle et collective
Reste sans doute la question la plus délicate à traiter pour tout historien : la responsabilité directe de François Mitterrand dans la victoire à la présidentielle de 1981. À ce propos, il n’est pas vain en effet de rappeler le long parcours, souvent accidenté, qui mena l’ancien parlementaire et ministre de la IVe République au sommet de l’État. L’analyse montre qu’en tout état de cause, du moins jusqu’à Épinay, François Mitterrand n’était pas le candidat naturel du PS et encore moins de la gauche. On relira ici avec plaisir des extraits de ses discours devant les cadres socialistes, plus spécialement celui de 1974 prononcé à La Mutualité. On y retrouve ce qui fit indiscutablement la force de François Mitterrand : la magie du verbe.

Ainsi donc, cette victoire, comme l’explique avec conviction Laurent Jalabert, est bien le produit de plusieurs de facteurs qui se sont cumulés : la force d’un appareil politique progressivement bien rodé à ce type d’exercice ; la déclinaison d’un certain nombre d’idées nouvelles pénétrant toutes les couches (ou presque) de la société française ; l’expérience d’un homme rompu aux techniques politiques. À cela, il faut également ajouter un contexte devenu surtout favorable entre 1974 et 1981 : division de la droite, contexte économique et social défavorable au pouvoir en place, attente de réformes importantes depuis plus d’une décennie. Il resterait à s’interroger sur les raisons qui, après le fort succès obtenu, ont poussé très rapidement la gauche vers un échec tout aussi brutal. Dès 1982, les élections cantonales marquent un avertissement pour le nouveau pouvoir. Les municipales de 1983 confirmeront ce sombre présage sans parler des législatives de 1986. Il conviendrait donc de poursuivre ce travail d’analyse historique fine afin de mieux comprendre pourquoi, au final, la « greffe » socialiste n’a pas pris dans le pays. Trente ans après, la question semble toujours d’actualité.

Thibault Tellier
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