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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Guy Mollet, 31 janvier 1956
1956, 31 janvier. Discours d'investiture de Guy Mollet

Après le succès - relatif - du Front Républicain aux élections législatives du 2 janvier 1956, Guy Mollet est appelé au poste de président du Conseil par le président de la République, René Coty. Il se présente le 31 janvier devant l'Assemblée nationale, pour obtenir l'investiture, qui lui est accordée par 420 vois contre 71.

Monsieur le président, Mesdames, Messieurs,
Au début de cette législature, il me faut, le premier, assumer la tâche de rassembler une équipe ministérielle autour d'un programme et de venir développer ce programme devant vous. Je voudrais le faire avec sincérité et loyauté en évoquant successivement les principaux problèmes qui se posent au pays.
Je citerai d'abord ceux des problèmes qui relèvent plus de l'initiative parlementaire que de celle du gouvernement, mais dont la solution constitue cependant une condition préalable à tout redressement durable de la situation en France.

LES REFORMES INDISPENSABLES
La réforme constitutionnelle
Le premier est celui de la réforme de nos institutions.
Pour avoir pris quelques responsabilités dans l'élaboration de l'actuelle Constitution, il m'est plus difficile qu'à beaucoup d'entre vous de me montrer trop sévère à son égard. Je reconnais cependant volontiers la nécessité de lui apporter sans délai certaines modifications qui s'imposent.
En particulier, s'il vient d'être fait un usage au moins controversé du droit de dissolution, nous ne devons pas pour autant renoncer à apporter sur ce point à la Constitution les changements qui permettront de renforcer la stabilité du pouvoir exécutif et, par là même, d'affermir l'autorité de l'État.
Je souhaite que l'Assemblée se saisisse sans attendre des propositions que plusieurs de nos collègues ont déjà soumises sur ce point. Il me faut indiquer que, quel que soit son souci de respecter l'entière souveraineté du Parlement, le gouvernement estimerait de son devoir d'intervenir si l'Assemblée ne concluait pas rapidement.

La réforme électorale
Le deuxième problème posé à l'Assemblée est celui de la réforme électorale.
Le pays souhaite un système clair et simple. Je me félicite, à cet égard, de l'initiative qui vient d'être prise par le groupe auquel j'ai l'honneur d'appartenir. Je souhaite que l'Assemblée nationale l'examine dans les plus courts délais.
N'attendons pas les derniers mois de notre mandat pour discuter à la hâte, dans la passion, de tels projets, au risque, une fois de plus, d'aboutir à conserver un système que le pays a manifestement condamné.
Il est donc nécessaire que, dès le début de la législature, parlementaires comme électeurs connaissent la loi qui s'appliquera lors du renouvellement de l'Assemblée.
C'est une décision que nous devons avoir derrière nous et non pas devant nous. Le gouvernement n'hésitera pas, s'il le faut, à contribuer à cette décision.

La réforme des méthodes parlementaires
Le troisième problème est celui des méthodes parlementaires ou, plus précisément, du règlement de notre Assemblée. Si je ne puis que réprouver, et profondément, les attaques injustes dirigées par certains contre le régime ou même contre les élus en tant que tels... il me faut cependant reconnaître que les méthodes de travail de notre Assemblée sont souvent mauvaises, qu'elles paralysent, qu'elles usent les hommes. Les anciens parlementaires le savent bien, les nouveaux vont vite l'apprendre.
Vous pourriez estimer qu'une telle réforme ne regarde pas le gouvernement. Si pourtant je l'évoque, c'est que l'expérience m'a appris que l'insuffisante organisation du Parlement nuit autant à l'action du pouvoir exécutif qu'à l'action législative elle-même.
Nos méthodes de travail sont inhumaines. J'en pourrais porter en ce moment témoignage. Elles découragent chacun, elles épuisent les meilleurs.
Si l'Assemblée le lui permet, le gouvernement est prêt à s'associer à elle pour rechercher et étudier les améliorations nécessaire dans ce domaine.

Le problème scolaire
Un dernier problème encore relève de votre initiative, un problème sur lequel les prudents et les sages penseront que je ferais mieux d'être silencieux : celui de la laïcité de l'État, plus précisément de la question scolaire.
Le gouvernement - ai-je besoin de le dire ? - assurera d'abord l'application de la loi, de toute la loi; autant que la liberté de conscience, il respectera et fera respecter la complète indépendance de l'État à l'égard des Églises.
Des propositions ont été déposées sur le bureau de l'Assemblée. Elles tendent à abroger certaines mesures votées au cours de la précédente législature. Le gouvernement, en tant que tel, ne prendra pas position dans ce débat. Les hommes qui y participent arrêteront librement leur attitude et s'acquitteront, chacun pour son compte, des engagements qu'ils ont pris devant les électeurs.
Personnellement, j'ai conscience de n'avoir jamais failli à une parole donnée. Le parti qui est le mien s'honore de tenir toujours sans défaillance les promesses faites. Personne ne peut donc s'attendre que, pour un avantage politique, nous puissions renoncer à votre estime et à la nôtre.

LES GRAVES PROBLEMES DU MOMENT

En ayant terminé avec les questions que la tradition, ou les précédents, réservent à l'initiative parlementaire, j'en viens maintenant à définir la politique du gouvernement face aux graves problèmes qui sont actuellement posés à la France.

Le problème algérien
L'urgence justifie pleinement que je commence par le plus pressant, par le plus douloureux d'entre eux : l'Algérie.
C'est bien celui auquel le gouvernement doit donner la première place. Il domine tous ceux que la France doit résoudre. C'est à lui que le Président du Conseil consacrera ses premiers efforts en s'y attachant personnellement.
L'envoi à Alger d'un ministre résidant, charge qui a été confiée à une personnalité éminente, à l'abnégation de laquelle je veux rendre hommage, la présence à ses côtés de deux secrétaires d'État, témoignent de la volonté du gouvernement d'agir promptement et de faire rigoureusement respecter ses décisions.
Au cours des récentes semaines, et plus particulièrement durant ces tout derniers jours, je me suis livré à une enquête que j'ai voulue scrupuleuse. Elle m'a conduit d'abord à penser qu'il faut bannir du débat tout querelle sur les mots : assimilation, intégration, association, fédération, etc. D'autant que, lorsque l'on va plus loin dans l'examen, on s'aperçoit que les mesures seraient pendant longtemps les mêmes, quelle que fût l'option théorique choisie. Elles correspondraient toutes à la même préoccupation : créer davantage de liberté et d'égalité.
Ce qui importe donc aujourd'hui, ce n'est pas d'opposer des théories, c'est d'affirmer une volonté, de fixer des objectifs, des intentions et, si possible, des méthodes.
L'objectif de la France, la volonté du gouvernement, c'est, avant tout, rétablir la paix, libérer de la peur les esprits des uns et des autres et, pour cela, obtenir que cessent le terrorisme et la répression aveugle.
C'est ensuite promouvoir l'évolution démocratique des institutions, organiser la coexistence des deux éléments de la population que l'Histoire à associés et que nous ne permettrons pas de voir séparer, et assurer le développement économique et social du pays.
C'est donc maintenir et renforcer l'union indissoluble entre l'Algérie et la France métropolitaine.
Est-il besoin d'insister sur ce que deviendrait la France sans l'Algérie et l'Algérie sans la France ? Entre elles, l'Histoire, les contacts humains et les échanges économiques ont tissé des liens indispensables et profitables à l'une comme l'autre.
C'est, en même temps, reconnaître et respecter la personnalité algérienne et réaliser l'égalité politique totale de tous les habitants de l'Algérie.
A qui nous adresserons-nous ? Deux groupes principaux forment l'Algérie :
Une minorité importante d'origine européenne, elle-même divisée. A côté de quelques hommes dont l'égoïsme à courte vue est, pour une lourde part, responsable de la situation, elle est composée aussi de personnes d'origine modeste, de travailleurs consciencieux et dévoués à leur pays. C'est par eux, c'est à travers eux que la France est présente en Algérie.
D'autre part, une population autochtone, chaque jour plus nombreuse. Si elle contient, hélas, une minorité de forcenés et de criminels, son immense majorité n'aspire qu'au maintien des liens avec la France. Encore faut-il que celle-ci assure une égalité totale de droits à ces Musulmans dont personne n'a jamais contesté l'égalité des devoirs.
Les données connues, les objectifs fixés, essayons de définir des méthodes.
Il doit être solennellement affirmé par l'Assemblée nationale aujourd'hui que le sort futur, définitif, de l'Algérie ne sera en aucun cas déterminé unilatéralement.
Il sera ensuite affirmé sans équivoque -et cela découle de notre premier principe- que nous n'accepterons pas qu'une solution de force soit imposée ou qu'un élément de la population prétende seul dicter ses conceptions à l'autre.
Pour l'essentiel, c'est donc dans la confrontation et la discussion que sera défini le statut futur de l'Algérie et trouvée une solution qui assure à chacun le respect total de ses droits en même temps qu'elle exige de lui l'accomplissement rigoureux de ses devoirs.
Comment organiser cette discussion ?
Le gouvernement entend que, dans les plus brefs délais, il soit procédé à une véritable consultation populaire par de libres élections au collège unique, ce qui implique une réforme électorale. Je ne veux pas me prononcer aujourd'hui sur l'ordre chronologique dans lequel devront se dérouler les élections à envisager : représentation au Parlement français, à l'Assemblée algérienne, qui devra alors être dissoute, aux assemblées locales.
Le gouvernement soumettra à bref délai à l'Assemblée les textes qui lui donneront les pouvoirs nécessaires pour réaliser certaines réformes préalables, notamment la réforme de l'organisation municipale, la réforme de la fonction publique et celle de l'administration en Algérie.
Les décisions fondamentales que je viens d'énumérer amèneront un changement de climat.
Si, dans l'immédiat, le potentiel militaire des forces déployées en Algérie ne peut encore être diminué, leur efficacité, par contre, sera accrue par des réformes simples de leur structure et de leur utilisation, qui les adapteront mieux aux conditions de leur emploi local. Les besoins des troupes seront satisfaits et leur relève assurée.
Dans le même temps qu'il garantira ainsi la sécurité des personnes et des biens, le gouvernement entend que soit rendue évidente la volonté de la France de réaliser l'apaisement nécessaire des esprits.
Outre les indispensables réformes de l'administration et de la fonction publique que j'ai déjà mentionnées, il procédera à la libération des détenus politiques, sans confusion possible cependant avec ceux qui ont fait l'objet de procédures pénales régulières.
Il prendra également une série de mesures urgentes et indispensables d'ordre économique et social, tout spécialement pour poursuivre et développer le programme de grands travaux et pour combattre la misère par des distributions de vivres et de textiles.
Le gouvernement attache aussi la plus grande importance à la réalisation de la réforme agraire.
Dans ce drame algérien où la France joue son destin, le gouvernement a le devoir de dire la vérité au pays et d'agir. Sans cela, les événements risqueraient de conduire à l'irréparable, ce que peuvent et que doivent éviter l'initiative et la volonté française.

Les territoires d'outre-mer
Le monde attend beaucoup de la France, de sa générosité traditionnelle, de son audace à montrer le chemin des grands changements salutaires. Ce rôle ne sera assumé pleinement que si nous nous montrons également audacieux et généreux envers l'ensemble des peuples d'outre-mer.
Les responsabilités qu'a acceptées la France dans ces territoires donnent à ceux-ci le droit de compter sur notre aide. Le gouvernement ne faillira pas à cette obligation, qu'il s'agisse de crédits d'investissements ou de la définition des relations économiques entre la métropole et les territoires d'outre-mer. En même temps, il s'attaquera à une tâche plus lourde qui peut être la grande oeuvre de cette législature.
La France s'est engagée, dans le préambule de la Constitution, à "conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s'administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires". Elle doit tenir parole.
Ce que prescrit la Constitution, l'évolution historique l'impose d'ailleurs. Amener les territoires d'outre-mer à gérer démocratiquement leurs propres affaires, c'est-à-dire à assurer le fonctionnement démocratique de leurs institutions, voilà notre programme.
Que signifie cela ? Étendre le collège unique à tous les territoires et assurer la loyauté des élections. Augmenter le nombre des municipalités de plein exercice. Accroître les pouvoirs des assemblées territoriales. Mettre en place des organes d'exécution. Réaliser la déconcentration et la décentralisation administratives. L'énumération - vous le savez bien - n'est pas limitative.
Nous voulons agir vite, sans hésitation et surtout en faisant une totale confiance aux populations autochtones qui ont aujourd'hui le droit et la capacité de jouer pleinement leur rôle dans la vie économique de leur propre pays. C'est le message que je veux leur adresser, aux jeunes en particulier. La France ne les décevra pas.
Je demande en particulier à l'Assemblée de condamner avec moi, parce qu'il est la négation même des principes démocratiques et du génie français, le racisme dans toutes ses manifestations, d'où qu'elles viennent, de ceux qui se croient une race supérieure, comme de ceux qui ont souffert d'être traités en race inférieure.
Nous montrerons à ces peuples amis que, fidèle à sa million émancipatrice, la France les conduit à la liberté. En même temps, nous ne permettrons pas que des agitateurs, qu'ils soient locaux ou étrangers, exploitent des aspirations légitimes pour amener à des régimes où, certes, il n'y aurait plus de direction française, mais où il n'y aurait pas davantage, sinon moins, de liberté ni de gestion démocratique.

Maroc et Tunisie
Le gouvernement aura à engager immédiatement avec le gouvernement de Sa Majesté le sultan du Maroc les négociations qui, fondées sur l'indépendance reconnue à l'Empire chérifien, aboutiront à la nouvelle définition des liens unissant les deux pays. Les accords à conclure consacreront et organiseront l'interdépendance du Maroc et de la France. Ils devront garantir les droits acquis. Ils assureront l'avenir de ces centaines de milliers de Français qui ont été les pionniers du Maroc moderne.
Le gouvernement français sera heureux d'accueillir à Paris Sa Majesté Sidi Mohammed ben Youssef et de lui dire, à cette occasion, combien il se félicite de sa volonté de doter son pays d'un régime constitutionnel moderne.
J'ai le ferme espoir que le gouvernement marocain d'union présidé par le glorieux soldat qu'est Si Bekkaï, usera de toute son autorité morale pour faire cesser la rébellion du Rif qu'aucune considération nationale marocaine ne justifie.
Dans la négociation qui s'ouvrira à Paris dans les plus courts délais, la France veillera, bien entendu, à ce que les engagements internationaux concernant le Maroc soient respectés. Elle attend des puissances étrangères qu'elles reconnaissent comme elle-même que l'évolution de l'Empire chérifien ne saurait être entravée par les dispositions surannées de certains traités.
En Tunisie, les principes de notre politique ne seront pas différents. La charte de nos rapports, ce sont les conventions du 3 juin 1955 qui ont proclamé l'autonomie interne de la Tunisie et qui ne s'opposent pas à ce qu'elle bénéficie de l'indépendance dans une interdépendance organisée.
L'édifice de la communauté franco-tunisienne pourra être ainsi parachevé, notamment par l'extension des organismes de coopération et la mise en oeuvre du principe de la réciprocité des droits civiques. Dans l'esprit de l'initiative historique du président Pierre Mendès France, les conventions de juin 1955 permettront de concilier les aspirations du jeune État tunisien avec les impératifs de la solidarité franco-tunisienne.
Le gouvernement ne s'en tiendra pas à l'achèvement de l'oeuvre entreprise pour établir, sur des bases politiques, nouvelles et modernes, les rapports si étroits et si anciens qui unissent la France au Maroc et à la Tunisie. Il est conscient de la gravité des problèmes économiques et sociaux qui se posent à ceux qui ont désormais la responsabilité des affaires publiques de ces pays. Il recherchera avec eux les meilleurs moyens pour leur permettre, par l'assistance technique et financière de la France, d'affranchir les masses marocaines et tunisiennes du cauchemar du chômage et du sous-emploi, et d'assurer l'avenir matériel de ces populations dont la moitié ont moins de vingt ans.
Qu'il s'agisse de la Tunisie ou du Maroc, le premier devoir du gouvernement sera d'assurer la vie, la liberté et les droits de ceux de nos compatriotes qui ont contribué, par leurs efforts, par leurs sacrifices, à édifier ces pays et qui aideront encore à en faire des États modernes.
Certains rencontreront dans leurs emplois ou dans leurs entreprises des difficultés parfois graves d'adaptation aux conditions nouvelles. La nation saura leur apporter les témoignages positifs de sa solidarité.
C'est au sein d'institutions communes avec la France, librement définies et acceptées, que le Maroc et la Tunisie assureront le plein épanouissement de leur indépendance. Ce principe de l'interdépendance est posé. Il doit maintenant être traduit dans le concret, afin de maintenir et de développer la solidarité qu'ont créée la géographie, l'histoire, les intérêts et la similitude des aspirations.
Politique internationale
Je viens à la politique internationale. Rien, en effet, ne sera valable, dans aucun domaine, si la France n'apporte pas d'abord sa contribution à la consolidation de la paix.
La paix - la paix intérieure, la paix outre-mer, la paix mondiale. C'est sous ce signe que je voudrais placer toute l'action du gouvernement. En matière internationale, il vouera toutes ses forces à l'établissement d'une paix véritable, fondée sur la confiance réciproque des peuples et des nations.
Cet objectif explique et justifie trois de ses préoccupations essentielles :
- solidarité des nations libres ;
- désarmement général et contrôlé ;
- construction européenne.
C'est à ces points que je me limiterai.

. Solidarité des nations libres
L'organisation du traité de l'Atlantique-Nord a été et demeure la garantie du maintien de la paix et de la liberté.
Parce que nous sommes des pacifistes, épris de sécurité collective, parce que nous sommes des démocrates, nous sommes résolument partisans de la renforcer chaque fois qu'il est possible.
Ainsi que l'affirmait à cette même place M. Pierre Mendès France, le 17 juin 1954, il suffirait que l'alliance atlantique fût compromise pour que les pires dangers se profilent à l'horizon.
La consolidation de notre système de défense, du front uni des pays alliés, doit aller de pair avec une volonté permanente, inlassable, de négociation avec l'Union Soviétique en toutes circonstances, sur tous les problèmes. Négocions toujours, partout, sans parti pris, mais sans faiblesse, en rejetant aussi bien le négativisme que l'abandon, le refus systématique que l'accord payé au prix de n'importe quelle concession.
Négociation avec l'URSS ; mais à quel problème convient-il de donner la priorité ? Au cours des dernières conférences, les débats se sont concentrés sur trois grandes questions : le rétablissement de l'unité allemande, la sécurité européenne et le désarmement. La controverse, dans les deux conférences de Genève, a porté sur le caractère prioritaire de la réunification allemande - selon les Occidentaux - ou de la sécurité européenne - selon les Russes. Le résultat a été l'immobilisme : on pouvait s'y attendre.
Persévérer dans cette voie, c'est courir le risque du maintien indéfini du statu quo. Peut-être est-ce le voeu de la Russie. Ce ne peut certainement pas être l'attitude permanente des nations libres.

. Désarmement général simultané et contrôlé
Le gouvernement, en accord avec nos alliés, recherchera une nouvelle approche. Tirant les leçons de Genève, il estime que la préoccupation dominante doit être aujourd'hui les négociations en vue d'un désarmement général, simultané et rigoureusement contrôlé.
Personne ne sous-estimera ici l'immense retentissement que la conclusion d'un premier accord de désarmement, même limité aurait dans l'opinion mondiale. Le climat des rapports internationaux en serait transformé. Des problèmes qui apparaissent aujourd'hui comme insolubles se présenteraient dans des perspectives totalement nouvelles, avec l'espoir d'un règlement pacifique.
L'équilibre du monde ne serait plus cette "Balance of terror" dont parlait Churchill : la grande peur qui empoisonne les rapports internationaux commencerait à se dissiper. On pourrait enfin parler d'une détente véritable.
Le gouvernement entend prendre toutes les initiatives de nature à faire avancer les travaux de la sous-commission du désarmement de l'Organisation des Nations-Unies, où le représentant de la France a déjà joué un rôle de premier plan, digne de la tradition pacifique de notre pays.
Notre représentant, mon ami Jules Moch, à qui je veux rendre ici hommage, définissait ainsi, le 6 décembre 1955, à la commission politique de l'assemblée générale de l'ONU, les grandes lignes de la politique française : nécessité d'un contrôle sans faille, particulièrement en matière d'armes atomiques, mais à établir parallèlement à la réduction des armements. Il utilisait cette formule frappante : ni isolément, contrôle sans désarmement, ni désarmement sans contrôle, mais, pas à pas, tout le désarmement actuellement contrôlable.
Je souhaite que telle soit la mission que, par votre vote d'aujourd'hui, vous confiiez au gouvernement. Nul ne me soupçonnera d'ignorer l'importance essentielle de la réunification de l'Allemagne et de la sécurité européenne. Travailler pour la réunification de l'Allemagne sur la base d'élections libres, c'est le devoir de tout démocrate, de tout homme soucieux de justice. Assurer la sécurité européenne, c'est répondre au voeu le plus ardent des Français, c'est poursuivre une grande oeuvre française, celle de Briand, celle de Léon Blum.
Quelle est la méthode la meilleure pour y parvenir ? Je suis convaincu que le règlement de ces questions sera facilité par les progrès qui seront réalisés vers un pacte général de désarmement. La voie vers la réunification de l'Allemagne passe par le désarmement général et contrôlé.

. La construction européenne
Troisième objectif, la construction européenne. C'est avec sérénité et sans préjugé que le gouvernement abordera ce problème, soucieux seulement de rechercher chaque fois les solutions pratiques les plus efficaces.
Le gouvernement donnera son plein appui aux travaux entrepris par le comité intergouvernemental de Bruxelles pour mettre en oeuvre la résolution de la conférence de Messine.
Deux plans, vous le savez, dominent les études de ce Comité. Ils concernent l'énergie atomique et le marché commun général.
Établir le marché commun général en Europe est une oeuvre de longue haleine. Le gouvernement est décidé à la faire aboutir dans des conditions qui assurent les transitions et les adaptations nécessaires et qui évitent que la concurrence soit faussée par les disparités dans les régimes d'impôts et de sécurité sociale. Bien entendu, les mesures devront être prises qui mettent les travailleurs à l'abri de tout risque qui résulterait de l'ouverture des frontières.
Pour l'énergie atomique, l'action peut et doit être plus rapide. Le gouvernement entend obtenir avant l'été la conclusion d'un traité instituant Euratom.
Ensemble, les pays d'Europe peuvent développer eux-mêmes leur industrie atomique et se mettre au niveau des deux grandes puissances. Séparément, ils ne rattraperont jamais leur retard.
Une option préalable est à faire. Faut-il créer une industrie nucléaire européenne pour permettre la fabrication de bombes atomiques, fabrication qui serait pratiquement irréalisable sur le plan national dans chacun des pays en cause ? Ma réponse sera claire : non !
Ce que nous voulons, entreprise déjà considérable, c'est doter l'Europe d'un potentiel énergétique équivalent à celui des grandes puissances du monde, et cela à des fins exclusivement civiles.
L'organisation européenne de l'énergie atomique aura donc un double objectif.
D'une part, faciliter le développement de l'industrie nucléaire par la mise en commun des connaissances, l'établissement d'un marché commun des matières et des équipements spéciaux, et la création de services et établissements communs.
D'autre part, établir le système de contrôle qui garantira rigoureusement le caractère pacifique des activités nucléaires européennes. Quiconque possède le combustible nucléaire est à même de fabriquer la bombe atomique. En conséquence, le gouvernement demandera qu'Euratom ait la propriété exclusive de tous les combustibles nucléaires et la conserve à travers leurs transformations.
Une question se pose : quels pays se joindront à nous dans cette organisation ? Tous ceux qui se déclareront d'accord sur les principes que je viens d'exposer, sans qu'il soit question d'une quelconque limitation géographique.
Le gouvernement ne ménagera pas ses efforts pour que ces pays soient le plus nombreux possible. Nul, sans doute, n'est plus attaché que moi à l'élargissement des organismes européens. Un tel souci ne doit pas vous surprendre de la part du président de l'Assemblée consultative du Conseil de l'Europe.
Je souhaite tout spécialement la présence de la Grande-Bretagne, dont l'apport serait d'une exceptionnelle importance. Mais si celle-ci, en raison d'autres préoccupations, ne pouvait accepter de devenir membre plein, nous rechercherions des formes d'associations qui devraient être beaucoup plus étroites que celles qui ont été réalisées jusqu'à présent dans d'autres domaines.
Je voudrais maintenant, faire justice d'insinuations qui ont un peu trop circulé ces derniers jours.
Pour certains, l'organisation atomique ne serait qu'une tentative de reprendre des projets qui furent repoussés par la précédente Assemblée, ou, mieux encore, une occasion de revanche de ceux qui furent alors battus. Mon cabinet serait européen, vice inexpiable, comme chacun sait. Qu'est-ce à dire ?
Veut-on, aujourd'hui, ressusciter d'anciennes querelles ? C'est un appel grave que je voudrais lancer au début de cette législature, avec toute ma sincérité, avec toute la force de conviction dont je suis capable.
Je sais que l'immense majorité de cette Assemblée est sincèrement attachée à l'idée européenne, fût-ce sous des formes différentes.
Je dis qu'elle est factice la division qu'on veut perpétuer entre ceux qui, un jour, se prononcèrent pour et ceux qui votèrent contre un certain projet de Communauté européenne de défense, en appelant "européens" les uns et "anti-européens" les autres. C'est trop facile.
Il en est qui ont voté la communauté européenne de défense sans que l'Europe fût leur préoccupation. Il en est d'autres qui ont voté contre parce qu'ils étaient sincèrement convaincus, et je suis à l'aise pour le dire, n'étant pas de ceux-là, qu'elle nuirait à la construction européenne.
Allons-nous les uns et les autres nous comporter comme si l'action internationale de la France s'était arrêtée, ce jour-là ? Serions-nous vraiment incapables de faire ce qu'on a fait dans d'autres pays - je pense à mes amis sociaux-démocrates allemands - c'est-à-dire de surmonter les divergences passées pour nous consacrer à l'avenir ?
Au-delà du débat d'aujourd'hui, je conjure solennellement l'Assemblée de ne plus faire de l'idée européenne un sujet de mésentente, mais d'en faire au contraire un grand trait d'union.

Politique économique et sociale
En politique intérieure, mon gouvernement s'emploiera à répondre à l'attente de la grande masse de la population, à l'attente des travailleurs qui risquent peu à peu de désespérer de la démocratie dans la mesure où les immenses progrès techniques de l'ère moderne ne se traduisent pas pour eux par une amélioration sensible de leurs moyens d'existence, faute d'une organisation rationnelle de l'économie et d'une répartition plus équitable du revenu national.

. Mettre fin au désarroi des jeunes
Il importe de mettre fin, le plus vite possible, au désarroi actuel et trop justifié de notre jeunesse. Le nombre croissant des enfants qui se pressent à la porte de nos écoles, le nombre des jeunes gens qui piétinent à l'entrée de la profession, dictent à la nation un devoir impérieux : orienter non seulement notre appareil scolaire, mais la structure même de l'économie, davantage vers l'avenir, donner à toute la jeunesse toutes ses chances dans le pays et au pays toutes les chances de sa jeunesse.
Sur l'ensemble de ce que sera notre politique financière, économique et sociale, je me garderai de dresser ici un catalogue. Je me bornerai à quelques indications essentielles.
L'action politique, économique et sociale du gouvernement exclura d'un côté l'inflation et la dévaluation et de l'autre l'injustice sociale. L'inflation est une duperie pour les salariés et les économiquement faibles. Elle ruine l'épargne et ne bénéficie qu'aux spéculateurs. J'espère n'avoir blessé personne.

. La duperie de l'inflation
La dévaluation monétaire -bien que la disparité des prix français et étrangers et les mesures de correction furent prises par les gouvernements précédents créent une situation monétaire artificielle- comporte plus de dangers que d'avantages. Elle conduirait à faire payer moins de produits étrangers par un plus grand nombre d'heures de travail français.
Si la situation actuelle présente de nombreux éléments inflationnistes, notre industrie et notre agriculture sont loin d'être au terme de leur expansion. Or, l'expansion économique constitue le seul moyen, avec une politique financière rigoureuse, de sauver la monnaie. Elle doit donc être poursuivie avec ténacité.

. Organisation des marchés agricoles
En matière agricole, l'organisation des marchés permettra d'éviter des pressions trop marquées sur les prix des produits alimentaires tout en accroissant les débouchés intérieurs et extérieurs de notre agriculture. L'abaissement des coûts de production des entreprises sera encouragé par un effort d'équipement qui portera, en particulier, sur les petites et les moyennes exploitations, jusqu'à présent délaissées, par la reconversion, réalisée avec prudence, d'une partie de l'agriculture française, par le développement de l'enseignement et de la vulgarisation agricoles et par le plein emploi.

. Plein emploi
Le plein emploi n'est pas moins nécessaire en matière industrielle. Le gouvernement fera l'effort indispensable pour assurer une meilleure utilisation de la main-d'oeuvre.
Compte tenu des progrès de la technique qui tendent à réduire le volume de la main-d'uvre pour une production déterminée, le plein emploi exige une large expansion économique.

. Modernisation et équipement
Le volume et la répartition actuels des investissements ne répondent pas aux besoins réels de la France au cours des prochaines années.
Aussi, indépendamment de l'effort qui sera tenté dès le début de cette année, le gouvernement élaborera un troisième plan de modernisation et d'équipement. Ce plan portera aussi bien sur le développement des industries lourdes et des industries de transformation, que sur le programme de construction. Dans ce domaine, il ne s'agira plus simplement de lancer des chiffres, mais de prévoir les moyens techniques pour les entrepreneurs de réaliser les programmes fixés par le gouvernement.
Les petites et les moyennes entreprises doivent bénéficier, elles aussi, de la modernisation et de la reconversion nécessaires. Nous réduirons autant que faire se peut le coût du crédit et nous inviterons les banques à jouer leur rôle normal, qui devrait consister à aider les entreprises les plus utiles, même si elles sont les plus faibles, et non les entreprises superflues, même si elles présentent de solides garanties financières.
L'effort d'expansion et d'investissements portera tout particulièrement sur l'Algérie, où le sous-emploi et le niveau d'existence réduit des populations musulmanes constituent un des facteurs qui encouragent la révolte.
Les pays d'outre-mer seront aussi aidés à mieux utiliser les ressources de leur sol et de leur sous-sol.
Nous devons, dans ces territoires, former sur place le plus grand nombre possible de techniciens de manière à y concilier le progrès technique et l'accession des populations autochtones aux emplois de direction de leur économie.

. Suppression des abattements de zone
Il serait vain d'entreprendre une politique économique à long terme si nos travailleurs n'étaient pas parmi les premiers bénéficiaires des résultats obtenus.
En matière sociale, l'Assemblée précédente a pris des engagements, notamment à l'égard des fonctionnaires et des anciens combattants. Le gouvernement tiendra, évidemment, ces engagements. Il lui paraît nécessaire, pour susciter la confiance des travailleurs et les associer étroitement à son action, de prendre un certain nombre de mesures afin de supprimer les injustices sociales flagrantes.
Nous ne ferons que ce qui sera possible, mais nous ferons tout ce qui sera possible et compatible avec une défense rigoureuse de la monnaie.
Parmi les mesures qui s'imposent d'urgence apparaît la suppression progressive, par étapes aussi rapprochées que possible, des abattements de zones.

. Conventions collectives
Dans un autre domaine, il nous faut bien constater que les espoirs qui étaient nés du retour au régime des conventions collectives ne se sont pas tous réalisés. Sans doute, plusieurs conventions ont-elles été signées. Elles l'ont été presque exclusivement dans les branches où le progrès technique est le plus poussé et l'action syndicale la plus puissante.
Le gouvernement entend s'entremettre pour que les organisations de travailleurs et d'employeurs puissent confronter leurs points de vue et aboutir à des accords raisonnables fondés sur la situation économique des branches d'activité et des différentes régions de notre pays.

. Trois semaines de congés payés
D'ores et déjà certaines entreprises ont porté la durée des congés payés à trois semaines. Le gouvernement entend généraliser cette mesure qui permettra aux travailleurs une détente annuelle dont ils ont besoin.

. Pour un véritable fonds national vieillesse
Il est une catégorie sociale en faveur de laquelle nous estimons nécessaire de faire un effort immédiat et particulier, ce sont les vieilles et les vieux.
Leur situation est aujourd'hui tragique ; tragique dans ses insuffisances, tragique dans ses inégalité. Si certains d'entre eux bénéficient de retraites, modestes, mais assurées, d'autres, par contre, vivent dans une situation voisine de la misère ; ouvriers qui n'ont pas cotisé pendant le nombre d'années nécessaires, agriculteurs affiliés à des caisses déficitaires, commerçants ou artisans bénéficiant de prestations réduites, économiquement faibles auxquels l'État accorde une aide que l'on ferait mieux de baptiser aumône.
Un véritable fonds national vieillesse, dont l'objectif essentiel doit être d'assurer une même retraite minima et décente à tous les Français doit permettre d'améliorer dès maintenant les situations les plus difficiles.
Nous savons que, sur ce point, il nous faudra demander à l'Assemblée un effort particulier de financement.
Je croyais pouvoir être certain, j'allais dire que je suis certain, qu'aucune objection ne tiendrait en face de cette vérité d'évidence : ceux qui ont fait de la France ce qu'elle est, de nous ce que nous sommes, ont acquis les droits sur la nation.
Je suis convaincu qu'il n'est pas un seul député sur ces bancs qui ne comprendra que l'effort exigé par la situation actuelle de nos vieilles et de nos vieux est moins un geste de solidarité nationale que le moyen de s'acquitter, partiellement encore, d'une dette sacrée.
Le gouvernement n'entend engager aucune dépense nouvelle sans proposer en même temps à l'Assemblée les moyens de financement nécessaires, assortis du maximum d'économies réalisables sur les postes budgétaires qui ne sont pas relatifs à l'équipement et aux travaux. Il ne suffira d'ailleurs pas d'assurer l'équilibre des charges nouvelles, il faudra tenter un effort patient pour réduire un déficit budgétaire dont l'importance risque de peser un jour -et de peser lourdement- sur notre situation monétaire.
. Réforme fiscale
Sans doute devons-nous continuer à utiliser le plus largement possible et à des fins soigneusement choisies les capitaux actuellement abondants sur le marché. L'épargne doit servir à produire et non à dépenser. Ainsi, les dépenses ordinaires de l'État doivent-elles être couvertes par des ressources ordinaires.
Le gouvernement proposera à l'Assemblée une réforme fiscale -dont la précédente Assemblée a déjà été informée- fondée sur des idées de simplification, d'efficacité et de justice.
En particulier, la réforme comportera la suppression totale du rôle de collecteurs d'impôts attribué jusqu'ici aux petits commerçants et artisans -mieux informé, d'ailleurs, chacun devrait savoir qu'il s'agit là d'un vieux projet- et une transformation profonde du régime des finances locales.
Le gouvernement déterminera dans quelle mesure il lui sera nécessaire, en matière économique et sociale, de demander au Parlement certaines délégations de pouvoir.
Il s'efforcera de limiter celles-ci et de recourir autant que possible à la procédure des lois-cadres qui fut maintes fois définies devant l'Assemblée nationale.


Voilà ce que nous vous proposons de réaliser. J'ai essayé de ne dissimuler aucune difficulté. Nous ne nous les dissimulons pas à nous-mêmes. Nous courons deux risques : celui de décevoir les espérances légitimes, celui -plus grave encore- de créer des espoirs exagérés, sources, à leur tour, de déceptions et de découragements.
Nous le savons, nous avons choisi. Nous l'avons fait avec une modération et un sens de la mesure sur lesquels certains, depuis quelques jours, se sont plu à ironiser. Qu'ils ne s'y trompent pas. Nous voulons peu, mais nous le voulons bien.
Un autre reproche fait au gouvernement qui se présente devant vous, c'est d'être une formation minoritaire. En fut-il jamais autrement dans la précédente législature pour les équipes qui ont affronté la décision de l'Assemblée ? Votre vote de tout à l'heure tranchera cette vaine querelle.
L'importance des problèmes posés à la nation, tant en matière internationale qu'en matière intérieure, et particulièrement en ce qui concerne l'Algérie, est telle qu'une politique à la fois audacieuse et sage ne peut être pratiquée qu'au nom d'une majorité importante du peuple français dont vous êtes les représentants.
Au cours de la dernière législature, il est arrivé plusieurs fois au parti auquel j'ai l'honneur d'appartenir, de taire certaines de ses exigences les plus légitimes au profit d'une nécessité supérieure. Ce fut le cas, par exemple, lors du débat qui décida du sort du Maroc.
Voici que les hommes de toutes opinions qui siègent ici sont placés devant une option semblable : il leur faudra prendre leurs responsabilités comme le gouvernement est prêt à prendre les siennes.
Si vous donnez la vie à ce Gouvernement, votre vote le liera puisqu'il prend l'engagement de réaliser son programme. Quiconque aussi votera pour lui sera engagé sur ce programme.
Nous conclurons un contrat dont vous connaissez maintenant les termes.
Dans des circonstances normales, je pourrais considérer que j'en ai terminé. Mais l'heure est grave. Je peux même dire, après l'expérience que je viens de vivre pendant trois jours et ce que j'ai pu apprendre, que nous sommes à une heure dramatique où se joue le sort de l'Algérie, donc le sort de la France.
Aussi ai-je le devoir d'insister une dernière fois : l'opinion mondiale attend de nous, de notre courage, de notre générosité, que la France fasse oeuvre de justice, de progrès et de paix.
 

 
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