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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Dreyfus / Fournier / Services publics
Services publics et besoins fondamentaux
par MICHEL DREYFUS

à propos du livre de Jacques Fournier ,L’Économie des besoins. Une nouvelle approche du service public, Odile Jacob, 2013, 286 p, 23,90 €

Article paru dans L’OURS n°432, novembre 2013, page 3.

Les services publics sont mesurés depuis plusieurs décennies principalement à l’aune de leur coût mais peu pour ce qu’ils sont réellement : on oublie trop souvent qu’ils constituent une part importante de la production nationale.

Il existe un certain nombre de besoins humains fondamentaux, en particulier la santé, le logement, l’éducation et les transports. La satisfaction de ces besoins fondamentaux devient une priorité dans nos sociétés et elle doit être assurée par les services publics. Il est donc nécessaire de repenser ces derniers pour les rendre plus efficaces, afin qu’il soient capables de remplir au mieux leurs diverses missions. La question des services publics est fort ancienne et elle doit être examinée dans les différents contextes où elle s’est posée. Jacques Fournier distingue quatre grandes étapes dans cette histoire. Lors de la première, qui va des débuts de la révolution industrielle à la fin du XIXe siècle, le problème principal est celui de la situation de la classe ouvrière : sous la pression des luttes sociales naissent le droit du travail, le droit de grève puis le droit syndical. La seconde étape s’étend de la fin du XIXe siècle à la Seconde Guerre mondiale. Avec l’ère de l’électricité et de l’automobile, le revenu industriel dépasse le revenu agricole en 1910 et vingt ans plus tard, la population urbaine l’emporte sur la population rurale ce qui traduit une progression très forte du salariat. L’école publique se développe, les systèmes de progression sociale s’élargissent (en particulier avec les Assurances sociales instaurées en 1930) et enfin, les syndicats se consolident. Durant la troisième étape, celle des Trente Glorieuses, la société de consommation s’élargit de plus en plus. Le secteur capitaliste s’étend à la société toute entière au moment où l’action publique connaît également une grande extension par le biais des entreprises publiques et de la planification qui connaît son heure de gloire. Les problèmes de l’urbanisme puis à la fin de cette période, de l’environnement, s’invitent au sein du débat public.

Secteur public et recul de l’État
Depuis le début des années 1980, le secteur public a connu une évolution contradictoire. Il s’est diversifié et renforcé puisqu’il concerne le droit du travail, celui du commerce, de la concurrence, de l’urbanisme et de l’environnement. Il inclut aussi les systèmes de protection sociale qui visent maintenant à couvrir toute la population des « grands » risques : maladie, vieillesse, accidents du travail, chômage. Outre les secteurs régaliens, le service public couvre également le domaine de la culture, du social (action sociale, éducation, santé) de l’industrie et du commerce (énergie, transports et communications). Les services publics n’ont cessé de s’étendre sur la longue durée : vers 1870, ils ne représentaient guère plus de 10 % du produit national alors que dans les années 1970, ils en constituent 50 %.

Mais depuis le début des années 1980, il s’est produit une inflexion caractérisée par une poussée libérale très forte, et ce au détriment de l’action publique et collective. Elle se poursuit encore de nos jours et elle est dominée par la logique de mondialisation qui l’emporte aujourd’hui. Cette logique se caractérise par les traits suivants : libre circulation certes des marchandises et des services, mais plus encore des capitaux ; internationalisation des processus de production ; création d’un réseau mondial d’information à l’heure de l’ordinateur, et d’Internet. Et ceci, à l’heure du triomphe de la pensée économique néo-libérale depuis les années 1980 et alors que la planification a considérablement perdu de l’aura qu’elle avait acquise depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sur ce point, on doit s’interroger sur cette tendance à long terme du recul de l’État dans l’économique et le social. Depuis un siècle, son rôle n’avait cessé de se renforcer sur ces deux terrains mais il semble bien que l’on assiste maintenant à une inversion complète de cette tendance.

Tel est le contexte dans lequel se pose aujourd’hui la question des services publics. Jacques Fournier s’interroge sur la façon dont pourrait être mise en pratique cette économie des besoins et en particulier sur le nécessaire équilibre entre secteurs privés et publics qu’il faut trouver. Comment organiser la rencontre publique du service et du besoin ? À quel niveau d’intervention doit-elle être mise en pratique : national, régional ou local ? Comment organiser la tarification des services ? Jusqu’où peut-on aller dans la gratuité ?

Réformer l’État
Selon Jacques Fournier, seules des réformes renouvellant l’État et acceptant que les acteurs privés y jouent un rôle, à condition qu’ils reconnaissent ses valeurs collectives, peuvent répondre à touts ces besoins. Ces réformes contribueront à organiser un système dans lequel la population vivra autrement que selon la loi du marché. Enfin, l’économie des besoins n’est pas non plus une économie d’assistanat, distribuant des aides sociales à des personnes en difficulté. S’il est possible de mener à bien tout ce vaste chantier, l’économie des besoins sera moins utopique qu’elle ne le semble. Faut-il pour autant voir en elle « le communisme du XXIe siècle », comme le dit Jaques Fournier dans une formule peut-être excessive et sans doute provocatrice ? Le débat reste ouvert sur ce point et il concerne toute la gauche.

Nul n’était mieux qualifié que Jacques Fournier pour traiter de ce dossier. Conseiller d’État et membre du Parti socialiste, il a été secrétaire général du gouvernement de 1982 à 1986, avant de présider aux destinées de Gaz de France et de la SNCF de 1986 à 1994 ; il poursuit sa réflexion au sein du Centre international de recherches et d’informations sur l’économie publique, sociale et collective (CIRIEC), organisme créé en 1947, destiné à promouvoir l’économie publique, sociale et coopérative. Ces questions se posent à toute la gauche et on doit le remercier de nous y faire réfléchir.

Michel Dreyfus
 

 
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