ACTUALITE
L'OURS
PUBLICATIONS
DEBATS DE L'OURS
LIVRES DIFFUSÉS
SEMINAIRE OURS
ARCHIVES BIBLIOTHEQUE
TEXTES, IMAGES, DOCUMENTS
L'OURS Signale (colloque,
LIENS UTILES
NOUS ECRIRE
 
Nous joindre
L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris
Tél. 01 45 55 08 60
Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique :
e-mail : info@lours.org
 
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Lafon / L'événement
L’Evénement.
Les images comme acteurs de l’histoire



Le Jeu de Paume nous invite jusqu’au 1er avril 2007 à visiter une très intéressante exposition : L’événement, les images comme acteurs de l’histoire.

Galerie du Jeu de Paume
Du 16 janvier au 1er avril 2007

Le commissaire de l’exposition (Michel Poivert), et les quatre autres commissaires associés, ont retenu cinq événements majeurs pour s’interroger sur « la manière dont un événement historique se construit par l’image, sans oublier le rôle que joue nécessairement les discours ». Nous invitons le lecteur à se procurer le catalogue et à le parcourir avant toute visite pour un parcours plus intelligible et plus riche d’une salle à l’autre. Il permet de pénétrer la problématique des commissaires introduite dès les deux premières salles consacrées à la guerre de Crimée.

mages et contraintes
Ce sujet, la guerre de Crimée (1853-1856), est connu. La BDIC avait en son temps dans l’exposition Voir ne pas voir la guerre abordé la question de cette première guerre couverte par la photographie, sans oublier la contribution de l’historien André Rouillé, dans un des numéros de la revue La Recherche photographique consacrée à la guerre. Nous redécouvrons donc les photographies de l’Anglais Fenton, des Français Charles Langlois et Léon Méhédin, mais cette fois confrontées, d’une part à leur utilisation dans la presse (Illustrated London news et l’Illustration) et d’autre part à d’autres médias : le dessin, la lithographie et la peinture. Présentés dans le même espace, ils soulignent par leur aisance à construire une restitution de l’événement en cours, c’est-à-dire l’affrontement, la guerre, le pouvoir encore très limité de la photographie. Celle-ci peine encore, pour des raisons d’ordre techniques, à rendre compte du mouvement. On comprend mieux le travail d’Henri Durand-Brager dessinateur et photographe, qui donc dessine ce qu’il a vu plus qu’il ne photographie – contraintes techniques obligent – ce qu’il ne peut pas capter.
Dans la séquence relative à Louis Blériot et à son exploit le 17 juillet 1909 d’une traversée de la manche dans les airs en 37 minutes, le cinématographe tente de restituer l’événement dans son intégralité. Il n’y parvient qu’à moitié, tout en imposant un dialogue entre exploit technique, celui de l’aviateur, et exploit « médiatique », celui des reporters. La photographie entend, elle aussi, rivaliser avec la caméra et montre que sa technique a évolué surtout quand elle est mise en valeur par la presse et son souci d’une maquette vivante, soignée, dynamique, dont les mises en page sont plus à même de reproduire la réalité de l’événement.
Cette quête d’une recherche de retranscription du réel observé se poursuit pour atteindre de sublimes résultats dès les années 1920.
Nous retrouvons l’importance de la couverture de presse dans la séquence consacrée à l’été 1936 où l’on s’interroge sur le mythe ou la réalité de l’événement. Dans cet espace, seule la série des photographies amateurs réalisées lors d’un concours organisé par l’Université populaire de Pantin étaient jusqu’à maintenant inconnues. Présentées avec les célèbres numéros de Regards, Vu, Miroir du Monde, Voilà et voisinant avec les photographies de Cartier-Bresson, elles tendent à relativiser la découverte par la grande masse des travailleurs des plages et de la mer. La contribution de Marie Chominot dans le catalogue est à ce propos nécessaire pour prendre connaissance de cette approche originale, argumentée, et très intéressante sur cette « mythification ». Une approche critique de l’image qui nous préserve du pouvoir émanant de ces belles images, rare corpus de photographies nous plongeant dans un bonheur, sûrement mise en scène, mais toutefois bien réel.
Il est dès lors dommage que la salle consacrée à la chute du mur de Berlin, événement parmi les événements, et richissime productrice d’images magnifiques de liberté soit si pauvre. On en sort frustré.

Les images du 11 septembre
Autre réussite de l’exposition, l’espace réalisé par Clément Chéroux et consacré au 11 septembre. Ici, l’instantané est au rendez-vous et l’événement voit naître presque au moment où il se déroule une technique de l’information que nous connaissons bien maintenant qui est « l’effet de répétition ». Le 11 septembre 2001, les deux tours du World Trade Center à New York sont percutées par deux avions de ligne. Ce que l’on croit être dans les premiers instants une catastrophe aérienne relève de l’attaque terroriste. Le monde est sous le choc.
Sur l’un des murs de la salle la reproduction des 400 unes de journaux américains reproduisant pour 40 % d’entres elles la même image des deux tours en flamme. Autres images traitées au travers de la presse et de l’objet souvenirs et commémoratifs, celle des pompiers américains hissant le drapeau américain dans les décombres du World trade Center, comme un écho à la photographie de Joe Rosenthal à Iwo Jima.
C’est bien la diffusion de masse et l’effet de répétition qui sacralise l’image et l’élève au rang d’icône. Le phénomène n’est pas nouveau et, du milicien de Capa à la « madone » de Bentalha en Algérie, chaque événement produit son image dominant tout son corpus. Mais alors que l’image de Capa est unique, les images des deux tours frappées par les avions, puis en flamme et s’écroulant, ainsi que celles des victimes sont multiples. À l’effet de répétition s’ajoute l’effet du nombre, mais aussi de la diversité. Les photographies amateurs présentées au milieu de la salle l’attestent. Elles prouvent aussi que les photographies de « cadavres et de sang » exigées par certains existent. Elles nous invitent impérativement à défier l’horreur.
Inutile de souligner pour conclure que le pouvoir de l’image est prépondérant dans la construction de l’événement.

Eric Lafon

L’événement. Les images comme acteurs de l’histoire, Jeu de Paume et éditions Hazan, 2007, 159 p, 30 e
 

 
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris