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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
La déclaration de principes de 1989 (1)
DECLARATION DE PRINCIPES DE L’INTERNATIONALE SOCIALISTE
ADOPTEE AU CONGRES DE STOCKHOLM, 23 JUIN 1989


I. CHANGEMENT GLOBAL ET PERSPECTIVES D’AVENIR
1. Dans le monde entier, l’idéal socialiste s’est emparé de l’imagination des peuples. C’est à lui qu’on doit le succès de grands mouvements politiques et l’amélioration décisive de la vie des travailleurs ; il a ainsi largement contribué à modeler le 20ème siècle.
Cependant, notre satisfaction justifiée devant la réalisation de beaucoup de nos objectifs ne devrait pas nous empêcher de distinguer clairement les problèmes qui demeurent et les dangers actuels. Nous avons conscience qu’il nous reste des tâches essentielles à accomplir : seule une action commune nous permettra de les mener à bien, car, plus que jamais la survie de l’humanité dépend des efforts conjoints de tous.
2. Ces changements actuels dans les domaines économique, technologique, politique et social, reflètent une profonde transformation du monde. Le défi fondamental auquel nous sommes maintenant confrontés n’est pas de savoir s’il y aura d’autres changements dans les années à venir, mais plutôt qui les contrôlera, et comment ? La réponse socialiste est sans ambiguïté : c’est aux peuples qu’il appartient d’exercer ce contrôle en approfondissant la démocratie dans tous les aspects de la vie politique, sociale et économique. La démocratie politique, pour les socialistes, est le cadre nécessaire et la condition préalable de tous les autres droits et libertés.
3. Tous les peuples du monde devraient être appelés à participer à la transformation de nos sociétés, ouvrant ainsi un nouvel espoir pour l’humanité. L’IS en appelle à tous les hommes et à toutes les femmes engagés en faveur de la paix et du progrès pour qu’ils agissent ensemble afin de transformer cet espoir en réalité.
4. Le changement global est un défi mais il ouvre aussi de grandes possibilités :
- L’internationalisation de l’économie et le large accès à l’information et aux nouvelles technologies peuvent, s’ils sont contrôlés démocratiquement, constituer la base d’une société mondiale davantage orientée vers la coopération. Il est évident que la famille mondiale n’est plus un rêve utopique, mais de plus en plus, une nécessité pratique.
- La révolution technologique peut et doit être utilisée pour créer des emplois, préserver l’environnement et fournir les moyens de se libérer du travail routinier, plutôt que d’aboutir à une oisiveté forcée.
- Des structures démocratiques, respectueuses des droits de l’homme, sont la base nécessaire pour promouvoir la liberté, l’égalité, la sécurité et la prospérité dans le cadre d’une société mondiale fondée sur la démocratie.
5. Cependant, de nombreuses tendances du monde actuel font planer sur l’humanité des menaces sans précédent :
- La prolifération des technologies de destruction entraîne un équilibre précaire de la terreur sans offrir de garanties suffisantes pour la sécurité de l’humanité.
- Les conditions physiques de la vie sur la planète sont menacées par une expansion industrielle et urbaine incontrôlée, la dégradation de la biosphère et l’exploitation irrationnelle des ressources vitales.
- La faim, la disette et la mort menacent des régions et des communautés entières dans le Sud, alors que le monde a suffisamment de ressources techniques et naturelles pour se nourrir.
6. Cette transformation des structures économiques et sociales est aussi cruciale et dramatique que le passage du laisser-faire au capitalisme industriel et au colonialisme avant la première guerre mondiale. Le coût social de ces transformations - le chômage, le déclin régional, la destruction des communautés - a frappé non seulement les très pauvres, mais aussi l’ensemble des travailleurs.
7. Le processus rapide d’internationalisation et d’interdépendance de l’économie mondiale a entraîné des contradictions au sein des institutions politiques, sociales et nationales existantes. Cet écart croissant entre une économie mondialisée et des structures politiques internationales inadéquates a contribué à la pauvreté et au sous-développement dans le Sud ainsi qu’au chômage de masse et à de nouvelles formes de pauvreté dans de nombreuses régions du Nord.
8. Des progrès réels ont été faits depuis la deuxième guerre mondiale dans des secteurs vitaux tels que la décolonisation, l’extension de l’Etat-Providence et plus récemment le désarmement, où des premiers pas prometteurs ont été effectués. Cependant, des injustices immémoriales demeurent. Les droits de l’homme sont toujours violés, la discrimination raciale et sexuelle sévit, les perspectives individuelles dans la vie sont encore déterminées par la région et la classe sociale dans laquelle les gens sont nés.
9. Face à ces problèmes cruciaux, l’IS réaffirme ses convictions fondamentales. Elle est, depuis toujours, engagée en faveur de la démocratisation à grande échelle des structures de pouvoir économiques, sociales et politiques. Les principes et les engagements politiques qui ont toujours été ceux du socialisme doivent être mis en oeuvre, dans un monde qui a radicalement changé depuis la Déclaration de Francfort de 1951.
10. L’IS a été fondée il y a 100 ans afin de coordonner le combat mondial des mouvements socialistes démocratiques pour la justice sociale, la dignité humaine et la démocratie. Elle a rassemblé des partis et des organisations de traditions différentes qui partageaient un but commun : le socialisme démocratique. Tout au long de leur histoire, les partis socialistes, sociaux-démocrates et travaillistes ont incarné les mêmes principes et les mêmes valeurs.
11. Aujourd’hui, l’IS lie son combat traditionnel pour la liberté, la justice et la solidarité à un engagement fondamental en faveur de la paix, de la protection de l’environnement et du développement du Sud. Tous ces thèmes nécessitent des réponses communes. A cette fin, l’IS recherche le soutien de tous ceux qui partagent ses valeurs et ses engagements.

II. PRINCIPES
LIBERTE, JUSTICE ET SOLIDARITE

12. Le socialisme démocratique est un mouvement international pour la liberté, la justice sociale et la solidarité. Son but est de parvenir à un monde pacifique où ces valeurs fondamentales pourront être renforcées, et où chaque individu pourra vivre une vie digne, promettant le plein développement de sa personnalité et de ses talents, avec la jouissance des droits civiques et humains que peut garantir une société démocratique.
13.La liberté est le résultat d’efforts à la fois individuels et collectifs - les deux aspects faisant partie d’un même processus. Chacun a le droit d’être libre de toute coercition politique et doit jouir des meilleures chances pour poursuivre ses objectifs personnels et mettre en oeuvre ses potentialités. Mais cela ne sera possible que si l’humanité dans sa totalité mène jusqu’à la victoire son long combat pour s’assurer la maîtrise de son histoire et garantir qu’aucun individu, classe, sexe, religion ou race ne soit subordonné à d’autres.
14. La justice et l’égalité. La justice signifie la fin de toute discrimination contre les individus ainsi que l’égalité des droits et des chances. Elle nécessite une compensation pour les inégalités physiques, mentales, et sociales, et requiert l’indépendance par rapport aux propriétaires des moyens de production et aux détenteurs du pouvoir politique.
L’égalité exprime la valeur égale de tous les êtres humains. Elle est la condition préalable au libre développement de la personne humaine. L’égalité sur le plan économique, social et culturel est essentielle pour garantir la diversité des individus et le progrès social.
La liberté et l’égalité ne sont pas contradictoires. L’égalité est la condition pour le développement de la personnalité individuelle. L’égalité et la liberté des personnes sont indivisibles.
15. La solidarité englobe toutes les autres valeurs. C’est l’expression pratique d’un humanisme universel et d’un engagement vis-à-vis des victimes de l’injustice. Toutes les grandes traditions humanistes mettent l’accent sur la solidarité et la célèbrent avec raison. A l’époque où les nations et les individus connaissent une interdépendance croissante, la solidarité est plus importante encore, puisqu’elle est indispensable à la survie de l’humanité.
16. Les socialistes démocratiques attachent une importance égale à ces principes fondamentaux. Ils sont interdépendants. Chacun est nécessaire aux autres. A l’opposé, les libéraux et les conservateurs ont mis l’accent sur la liberté individuelle aux dépens de la justice et de la solidarité, alors que les communistes prétendent atteindre l’égalité et la solidarité mais aux dépens de la liberté.

Démocratie et Droits de l’Homme.
17. L’idée de démocratie est basée sur les principes de liberté et d’égalité. Par conséquent, l’existence de droits égaux pour les femmes et les hommes - pas seulement en théorie, mais aussi en pratique, au travail, dans la famille et dans tous les domaines de la vie sociale - fait partie de la conception socialiste de la société.
18. Les socialistes démocratiques s’efforcent de parvenir à des droits égaux pour toutes les races, tous les groupes ethniques, les nations et les religions. Ces droits sont aujourd’hui sérieusement en danger dans beaucoup de régions du monde.
19. Les formes de démocratie peuvent, bien sûr, varier. Cependant, il n’est possible de parler de démocratie que si les citoyens ont un libre choix entre différentes options politiques dans le cadre d’élections libres ; s’il existe la possibilité d’un changement de gouvernement par des moyens pacifiques fondés sur la libre expression du peuple ; si les droits des minorités et des individus sont garantis ; et s’il y a un système judiciaire indépendant fondé sur le droit et appliqué impartialement à tous les citoyens. La démocratie politique est un élément indispensable d’une société socialiste. La démocratie socialiste est un processus continu de démocratisation sociale et économique et de plus grande justice sociale.
20. Les droits de l’individu sont à la base des valeurs du socialisme. La démocratie et les droits de l’homme sont aussi le fondement du pouvoir, et le mécanisme indispensable par lequel le peuple peut contrôler les structures économiques qui l’ont si longtemps dominé. Sans la démocratie, aucune politique sociale ne peut cacher la nature dictatoriale d’un gouvernement.
21. Sans aucun doute, des cultures différentes développent leurs propres formes institutionnelles de démocratie. Mais quelle que soit la forme que prend la démocratie - au plan national ou au plan international - elle doit garantir tous leurs droits aux individus et aux minorités organisées. Pour les socialistes, la démocratie est par nature pluraliste et ce pluralisme est la meilleure garantie de sa vitalité et de sa créativité.
22. Il est essentiel de pouvoir se libérer de gouvernements arbitraires et dictatoriaux. C’est la condition préalable grâce à laquelle les peuples et les sociétés peuvent créer un monde nouveau de paix et de coopération internationale : un monde dans lequel les destinées politiques, économiques et sociales de chaque peuple seront déterminées démocratiquement.

La nature du socialisme
23. Les socialistes démocratiques sont parvenus à définir ces valeurs en suivant des chemins différents. Elles sont nées dans le mouvement ouvrier, les mouvements populaires de libération, les traditions culturelles d’assistance mutuelle et de solidarité collective dans de nombreuses parties du monde. Elles ont aussi tiré profit des diverses traditions humanistes.
Mais bien qu’il y ait des différences dans leurs cultures et leurs idéologies, les socialistes sont unis dans leur vision d’une société mondiale pacifique et démocratique alliant la liberté, la justice et la solidarité.
24. Dans les luttes nationales pour le socialisme démocratique, au cours des années à venir, on pourra constater des différences de politique et des divergences dans les dispositions législatives. Celles-ci reflètent des histoires différentes, et la pluralité de sociétés diverses. Les socialistes ne prétendent pas posséder le modèle d’une société figée et définitive, qui ne puisse être changée, réformée ou développée. Dans le mouvement en faveur de l’autodétermination démocratique, il y aura toujours place pour la créativité puisque chaque peuple et chaque génération doivent se fixer leurs propres objectifs.
25. Au-delà des principes qui guident tous les mouvements démocratiques, il y a un consensus clair entre les socialistes concernant les valeurs fondamentales. En dépit de notre diversité, nous pensons en commun que la démocratie et les droits de l’homme ne sont pas seulement des moyens politiques pour des objectifs socialistes mais sont la substance même de ces objectifs socialistes : une économie et une société démocratiques.
26. La liberté individuelle et les droits sociaux fondamentaux sont pour chacun les conditions préalables de la dignité humaine. Ces droits ne peuvent se remplacer les uns les autres et ne peuvent être utilisés les uns contre les autres. Les socialistes protègent le droit inaliénable à la vie et à la sécurité des personnes, à la liberté de pensée et d’expression, à la liberté d’association et à la protection face à la torture et aux traitements dégradants. Les socialistes sont engagés dans un combat pour libérer l’homme de la faim et du besoin, pour des droits sociaux réels et pour le droit au travail.
27. Le socialisme démocratique signifie aussi la démocratie culturelle. Les différentes cultures au sein de chaque société doivent jouir de chances et de droits égaux, de même qu’un accès égal, pour chacun, à l’héritage culturel national et mondial doit être garanti.
III. LA PAIX
La paix, une valeur fondamentale
28. La paix est une condition préalable à tous nos espoirs. C’est une valeur fondamentale, d’un intérêt commun à tous les systèmes politiques, et nécessaire à l’humanité. La guerre détruit la vie humaine et les bases du développement social. Un holocauste nucléaire pourrait signifier la fin de la vie humaine telle que nous la connaissons.
29. La paix ne peut être durablement garantie ni par la dissuasion nucléaire ni par une course aux armements conventionnels. Par conséquent, il faut absolument parvenir au désarmement et à de nouveaux modèles de sécurité collective.
30. Ce qui est maintenant essentiel, c’est la mise en place, non seulement de l’équilibre militaire au niveau le plus bas possible des systèmes d’armements défensifs, mais aussi d’un climat de confiance politique mutuelle. Ceci peut être atteint à travers la coopération sur des projets concernant notre avenir commun et un nouvel accent mis sur la compétition pacifique entre des sociétés dotées de structures politiques, économiques et sociales différentes.
31. La paix n’est pas seulement l’absence de guerre. Elle ne peut être fondée ni sur la peur ni sur une bonne volonté éphémère des superpuissances. Les causes économiques et sociales fondamentales des conflits internationaux doivent être abolies grâce à l’instauration de la justice à l’échelle de la planète et à la création de nouvelles institutions pour la résolution pacifique des conflits.
32. L’établissement d’un nouvel ordre politique et économique mondial est une contribution essentielle à la paix. Il devrait impliquer le respect de la souveraineté nationale et le droit à se gouverner soi-même dans le cadre national, le règlement négocié des conflits et la suspension des fournitures d’armes aux parties prenantes d’un conflit. Il doit exister des systèmes globaux et régionaux qui permettent à la fois la coopération et la solution pacifique des conflits dans toutes les parties du monde. Ceux-ci pourraient être mis en place grâce à l’action des Nations unies, en complément des accords entre les superpuissances.
33. La paix est tout autant une nécessité au sein des nations. Résoudre les conflits par la violence détruit toute possibilité de développement et de respect des droits de l’homme.
34. La militarisation des relations entre les nations du Sud est devenue une menace sérieuse pour l’avenir de l’humanité, au même titre que les tensions entre l’Est et l’Ouest. Dans certain cas, les principales puissances, avec leur tendance à globaliser les conflits, se sont engagées dans des guerres, par États interposés, dans les pays du Sud. Dans d’autres, les marchands d’armes, tant à l’Est qu’à l’Ouest, ont contribué à augmenter le niveau de la violence dans le Sud en y cherchant des avantages politiques ou des bénéfices commerciaux. Il est indéniable que toutes les guerres lors des quatre dernières décennies ont été livrées dans ces régions du monde. Les causes sociales, économiques et autres des conflits dans le Sud doivent être éliminées.

Les initiatives pour la paix
35. Les socialistes démocratiques rejettent un ordre mondial qui comporte une paix armée entre l’Est et l’Ouest mais une continuelle effusion de sang dans les pays en développement. Les efforts pour le maintien de la paix doivent se focaliser sur ces confrontations. L’Europe a un rôle unique à jouer dans ce processus. Pendant des décennies elle a été le champ de bataille le plus probable pour un conflit armé entre l’Est et l’Ouest. L’Europe peut maintenant devenir une zone dans laquelle un nouveau climat de confiance et de modération mutuelles peut croître et se développer.
36. Pour prendre des initiatives pour la paix, il faut que les systèmes socio-économiques et les différentes nations coopèrent ensemble sur des projets visant à instaurer la confiance et le désarmement, la justice pour le Sud et la protection de la biosphère. En même temps, devrait s’engager une compétition pacifique dans le domaine de la création de richesses, du bien-être et de la solidarité. Toute société devrait être prête à apprendre des autres. Le fait que différents systèmes commercent, négocient et travaillent ensemble doit devenir la norme. Il devrait aussi être possible d’avoir un échange de vues franc et ouvert en particulier quand les problèmes des droits de l’homme et de la paix sont en jeu.
37. La coopération Est-Ouest pour un combat commun en vue de supprimer l’écart entre le Nord et le Sud et pour la protection de l’environnement sont peut-être les domaines qui offrent les plus grandes potentialités pour une action efficace en vue d’arriver à une solidarité de l’humanité indépendamment des frontières et des blocs. De plus, il devrait y avoir un système international d’alerte pour identifier les dangers pour l’environnement et les catastrophes qui franchissent les frontières nationales.

IV. LE NORD ET LE SUD
La mondialisation
38. Les dernières décennies ont été caractérisées par une internationalisation croissante ou "globalisation" des problèmes mondiaux. Les chocs pétroliers, les fluctuations des taux de change et les krachs boursiers se communiquent directement aux économies du monde entier, au Nord et au Sud. De nouvelles technologies d’information répandent une culture de masse dans chaque partie du monde. Les décisions financières des multinationales peuvent avoir du jour au lendemain des effets considérables. Les conflits nationaux et internationaux entraînent des mouvements considérables et croissants de réfugiés, de dimension continentale et intercontinentale.
39. En outre, la mondialisation de l’économie internationale a fait éclater la division bipolaire du monde qui a dominé l’époque de la guerre froide. De nouvelles puissances industrielles ont émergé en bordure du Pacifique, et, jusqu’à de récents reculs, parmi les pays d’Amérique latine en développement rapide. On a vu apparaître aussi de nouvelles forces internationales, telles que la Chine et le Mouvement des non-alignés. L’interdépendance est une réalité. Il est plus important que jamais d’établir des institutions multilatérales qui permettraient au Sud de jouer un plus grand rôle sous l’égide des Nations unies.
40. Au niveau mondial, la crise économique et les politiques déflationnistes conservatrices ont eu pour conséquence le retour du chômage de masse dans beaucoup d’économies avancées. Elles ont aussi eu un effet destructeur sur les pays pauvres. Elles ont anéanti les marchés à l’exportation, rendu plus aiguë la crise de la dette et remis en cause les progrès déjà réalisés. En même temps, une telle régression dans le Sud, combinée avec la nécessité de payer les intérêts d’une dette gigantesque, a fermé des marchés potentiels énormes pour le Nord. Ainsi, les niveaux de vie qui périclitent dans les nations débitrices sont un facteur de création de chômage dans les pays créditeurs.
41. Un nouveau système économique mondial, global, doit inclure les centres de croissance du Sud d’une manière radicalement nouvelle, pour conduire au développement aussi bien du Sud que du Nord. Pour stimuler globalement l’économie mondiale, on peut et on doit mettre en place des programmes visant le développement économique et social dans le Sud. De tels problèmes doivent être intégrés dans les stratégies macro-économiques globales.
42. En Afrique, la continuation du régime d’apartheid en Afrique du Sud n’est pas seulement un crime contre la majorité des habitants de cette nation, mais a aussi bloqué les efforts économiques des pays de la ligne de front et eu un impact négatif sur le continent tout entier. Là, comme ailleurs, le combat pour les droits de l’homme et pour la démocratie continue conjointement avec le combat pour la justice économique et sociale.
43. L’Afrique et l’Amérique latine en particulier sont confrontées au problème intolérable de la dette qui empêche les investissements et les importations nécessaires pour assurer le développement et fournir des emplois à une population en croissance rapide. Une action globale pour alléger le fardeau de la dette est une condition préalable à tout progrès. Ce doit être un objectif essentiel de la coopération Est-Ouest dans le cadre d’une recherche commune de justice Nord-Sud.

Le défi de l’environnement
44. La crise de l’environnement est un défi d’importance critique, fondamental, de dimension mondiale. Au Nord comme au Sud, l’équilibre écologique est en danger. Tous les ans, des espèces animales et végétales sont en voie de disparition, alors qu’il y a des preuves croissantes de la diminution de la couche d’ozone. Dans le Nord, un productivisme irresponsable détruit la forêt ; dans le Sud, les forêts tropicales qui sont vitales pour la survie du monde entier diminuent à une vitesse alarmante. Dans les pays riches, la pollution du sol augmente ; dans les pays pauvres, les déserts gagnent sur la civilisation. Partout, l’eau pure se raréfie.
45. Puisque la destruction écologique se répand au delà des frontières, la protection de l’environnement doit être internationale. Il s’agit tout d’abord de maintenir les relations entre les cycles naturels, puisque la protection écologique revient toujours moins cher et est une attitude plus responsable que la rénovation de l’environnement. Les solutions les meilleures et les moins chères à la crise, sont celles qui changent la structure générale de la production et de la consommation afin d’empêcher à la source les atteintes à l’environnement.
46. Nous plaidons pour des efforts internationaux communs afin de remplacer tous les produits et les processus nocifs pour l’environnement par des succédanés qui confortent la nature. On ne doit pas permettre que le transfert de technologies du Nord au Sud soit une façon d’exporter soit des systèmes inacceptables sur le plan écologique, soit les déchets toxiques des économies riches. Les sources d’énergie renouvelables et les systèmes d’approvisionnement décentralisés devraient être encouragés tant au Nord qu’au Sud. De plus, il doit y avoir un système d’alarme internationale qui puisse identifier les menaces contre l’environnement et les catastrophes qui ont des conséquences au delà des frontières nationales.
47. Ces problèmes écologiques affectent la communauté mondiale tout entière tout en ayant des conséquences nuisibles dans les pays en développement. Les nations pauvres ne pourront pas les résoudre sans coopération et assistance multilatérale. Pour toutes ces raisons, il est crucial d’obtenir un transfert substantiel de ressources dans le cadre de l’aide au développement.
48. De telles politiques sont compatibles avec une croissance économique qualitative, au Nord comme au Sud, qui nous permettrait de faire face, à l’avenir, à nos responsabilités économiques et sociales. L’investissement social dans la reconstitution écologique - que beaucoup d’experts comptabilisent comme une dépense sans contrepartie et qui n’est pas comptabilisée comme faisant partie du PNB - est l’un des investissements les plus positifs qu’une société puisse faire.

Le contrôle social du développement technologique
49. La révolution technologique qui a déjà commencé dans les économies industrielles avancées changera profondément les conditions de l’exploitation des ressources et de l’environnement durant la période de vie de la génération actuelle. De plus, l’impact de ce changement se fera sentir dans le monde entier. La micro-électronique, la robotique, les technologies militaires, les biotechnologies - sans compter les innovations dont on n’a pas encore idée transformeront les données tant pour les individus que pour les structures de la société dans le monde entier.
50. La technologie n’est pas seulement une question de science pure ou de machines inanimées. Elle est toujours guidée par des intérêts spécifiques et modelée sur des valeurs humaines, qu’elles soient implicites ou explicites. Elle doit être ramenée sous contrôle social afin d’utiliser les possibilités positives offertes par les nouvelles technologies à l’humanité, de minimiser les risques et les dangers de développements incontrôlés et d’empêcher les technologies socialement inacceptables.
51. Le progrès social nécessite et inspire le progrès technologique. Ce qui est nécessaire, c’est une technologie appropriée aux différentes conditions, expériences et niveaux de développement qui prévalent au Nord et au Sud. Il doit y avoir un transfert substantiel de technologies appropriées - et de savoir-faire technologique de base entre le Nord et le Sud. Le Nord a beaucoup à apprendre de l’expérience du Sud, en particulier son utilisation d’une technologie à faible gaspillage. Il devrait y avoir un dialogue social et un contrôle politique démocratique du contexte dans lequel les nouvelles technologies sont introduites. Ceci devrait nous assurer que leur mise à disposition :- contribue au développement autonome des pays du Sud, mobilisant leurs ressources plutôt que les gaspillant et favorisant la création de nouveaux emplois plutôt que le chômage ;- humanise le travail, promeut la santé humaine et augmente la sécurité sur le lieu de travail.- facilite les droits économiques et augmente les possibilités d’autogestion dans le travail.
52. Afin de s’assurer que ces conditions soient remplies dans le monde entier, il faut des institutions et des procédures d’évaluation des technologies. Toute innovation devrait être introduite en accord avec les besoins sociaux et les priorités exprimées à travers un débat et des prises de position démocratiques.
53. La manipulation du matériel génétique humain et l’exploitation des femmes à travers de nouvelles technologies - de reproduction doit être empêchée. De même, il faudrait trouver des moyens pour protéger l’humanité du risque nucléaire et chimique.

Désarmement et développement
54. Les accords de désarmement entre les grandes puissances feront plus que de supprimer les menaces d’annihilation de la planète. Avec de tels accords, beaucoup des ressources maintenant gâchées en armes thermonucléaires, chimiques, biologiques et conventionnelles, pourront être dégagées pour investir dans les programmes de développement économique et social du Sud. Le désarmement entre l’Est et l’Ouest devrait être lié à des programmes pour la justice entre le Nord et le Sud.
55. Une part substantielle des fonds que les pays hautement industrialisés à l’Est et à l’Ouest économiseraient à la suite d’un désarmement négocié, devrait être utilisée pour créer un fonds multinational qui pourrait promouvoir un développement sûr et durable dans les pays du Sud.
V. FAÇONNER LE 21E SIECLE
La démocratie politique et économique
56. Les événements récents ont, plus que jamais, favorisé la réalisation d’une démocratie sociale, politique, et économique à l’échelle mondiale. La démocratie est le premier moyen d’un contrôle populaire et d’une humanisation des forces incontrôlées qui sont en train de remodeler notre planète sans considération pour sa survie.
57. Les droits de l’homme comprennent les droits économiques et sociaux ; le droit de création de syndicats et de grève ; le droit à la sécurité sociale et au bien-être pour tous, y compris la protection des mères et des enfants ; le droit à l’éducation, à la formation et aux loisirs ; le droit à un logement décent dans un environnement correct et le droit à la sécurité économique. Le droit à un travail utile et à plein temps avec une juste rémunération est fondamental. Le chômage est une atteinte à la dignité humaine, une menace pour la stabilité sociale et un gaspillage de la ressource la plus précieuse de l’humanité.
58. Les droits économiques ne doivent pas être considérés comme des avantages accordés à des individus passifs manquant d’initiatives, mais comme une base indispensable à partir de laquelle on peut s’assurer la participation active de tous les citoyens à un projet de société. Il ne s’agit pas de subventionner ceux qui sont en marge de la société, mais de créer les conditions d’existence d’une société intégrée grâce au bien-être social pour tous.
59. Aujourd’hui, le socialisme démocratique est basé sur les mêmes valeurs qu’au moment de sa création. Mais celles-ci doivent être formulées de façon critique, en assimilant l’expérience passée et en regardant vers l’avenir. Par exemple, l’expérience a montré que la nationalisation pouvait être nécessaire dans certains cas mais qu’elle n’est pas en soi un remède souverain aux maux sociaux. De même, la croissance économique peut souvent détruire et diviser, en particulier lorsque les intérêts privés échappent à leurs responsabilités sociales et écologiques. Par elles-mêmes, ni la propriété publique, ni la propriété privée ne peuvent garantir l’efficacité économique ou la justice sociale.
60. Le mouvement socialiste démocratique continue de préconiser à la fois la socialisation et la propriété publique dans le cadre d’une économie mixte. Il est clair que l’internationalisation de l’économie et la révolution technologique mondiale rendent le contrôle démocratique plus important que jamais. Mais le contrôle social de l’économie est un but qui peut être atteint à travers un très large éventail de moyens économiques suivant le lieu et le temps, en particulier :
- les politiques de production démocratiques, participatives et décentralisées ; le contrôle public de l’investissement ; la protection de l’intérêt public et social ; la socialisation des coûts et des bénéfices du changement économique ;
- la participation des travailleurs aux décisions au niveau de l’atelier comme de la firme en même temps que la participation des syndicats à la détermination de la politique économique nationale ;
- les coopératives autogérées de travailleurs et de paysans ;
- les entreprises publiques, avec des formes de contrôle et de prise de décision démocratiques, quand c’est nécessaire, afin de permettre aux gouvernements de réaliser leurs priorités économiques et sociales ;
- la démocratisation des institutions du système économique et financier mondial afin de permettre la participation à part entière de tous les pays ;
- le contrôle international et le suivi des activités des entreprises transnationales, y compris les droits transnationaux des syndicats au sein de telles entreprises.
61. Il n’y a pas de modèle unique ou définitif de démocratie économique et il y a place pour des expériences audacieuses dans différents pays. Mais le principe sous-jacent est clair : il ne s’agit pas simplement d’un contrôle formel et légal par l’État, mais d’une participation véritable des travailleurs eux-mêmes et de leurs organisations dans la prise de décision économique. Ce principe doit s’appliquer à la fois sur le plan national et sur le plan international.
62. Dans des sociétés ainsi structurées et engagées en faveur d’une véritable égalité économique et sociale, le marché peut et doit fonctionner afin d’assurer de façon dynamique la promotion de l’innovation et de traduire à travers toute l’économie les désirs des consommateurs. Le marché ne devrait pas être dominé par la puissance économique des grandes entreprises, ni manipulé par la désinformation.
63. La concentration du pouvoir économique en quelques mains, doit être remplacée par un système différent dans lequel chaque individu a le droit - comme citoyen, consommateur ou salarié - d’influencer l’orientation et la distribution de la production, de remodeler les moyens de production et les conditions de travail. Ceci découlera de la participation du citoyen à la politique économique, en garantissant aux salariés une influence sur leur lieu de travail, en facilitant une concurrence ouverte et responsable aussi bien au plan intérieur qu’international et en renforçant la position des consommateurs par rapport aux producteurs.
64. Une société démocratique doit compenser les défauts que comporte même le système de marché le plus responsable. Les gouvernements ne doivent pas fonctionner simplement comme un atelier de réparations pour les dégâts causés par les défauts du marché ou par l’application sans contrôle des nouvelles technologies. L’État doit plutôt être le régulateur du marché dans l’intérêt de la population et doit obtenir pour tous les travailleurs les avantages de la technologie à la fois pour améliorer leur expérience au travail et accroître leur temps de loisir et leurs possibilités réelles de développement individuel.

Culture et société
65. L’éducation est vitale pour le développement d’une société moderne, démocratique et tolérante. Les buts de l’éducation tels que nous les concevons sont :
- l’information, l’apprentissage et la transmission des connaissances ;
- la transmission d’une génération à l’autre d’un héritage culturel et spirituel ;
- la préparation de l’individu à la vie au sein de la société sur la base de l’égalité des chances pour tous ;
- l’aide apportée à chaque individu pour développer pleinement son propre potentiel.
66. Les valeurs de liberté, de justice sociale, de solidarité et de tolérance doivent être au coeur du processus éducatif.
Nous préconisons la tolérance et la coopération entre les différents groupes d’une société multiculturelle. La diversité culturelle enrichit nos sociétés plutôt qu’elle ne les met en danger. L’uniformité culturelle est une menace pour la liberté et la démocratie.
67. Une attention spéciale doit être portée à la relation entre les différentes générations. Les personnes âgées en particulier ont besoin du respect et du soutien des jeunes. Elles ont besoin d’un revenu garanti grâce aux systèmes de prévoyance et aux retraites de l’État, de maisons de retraite et de soins au sein de leurs collectivités, de lieux où elles puissent mener leurs activités culturelles et sociales et du droit à vivre leur vieillesse dans la dignité.

Le rôle des hommes et des femmes dans la société moderne
68. L’inégalité entre l’homme et la femme est la forme la plus répandue d’oppression dans l’histoire de l’humanité. Elle remonte presque jusqu’à l’origine de l’espèce humaine et a persisté dans presque tous les systèmes socio-économiques jusqu’à aujourd’hui.
69. Ces dernières années ont vu un nouvel essor de la prise de conscience féministe à l’intérieur comme à l’extérieur du mouvement socialiste, conduisant à l’émergence de l’un des plus importants mouvements sociaux de notre époque. Le renouveau du féminisme est apparu en partie au moment où les femmes, dans les États de bien-être avancé, commencèrent à se rendre compte que malgré les progrès réalisés dans de nombreux domaines, elles étaient encore reléguées à des positions secondaires dans les structures politiques et de travail.
70. Les coûts sociaux des crises économiques, aux niveaux national et international, ont été supportés de façon disproportionnée par les femmes. La pauvreté, le chômage, l’absence de logement et les bas salaires y ont contribué. Dans certaines zones du Sud, le fait de passer outre aux attitudes patriarcales est une condition préalable et fondamentale à la fois pour l’affirmation des droits des femmes et pour la mise en oeuvre d’un développement économique durable.
71. L’Internationale socialiste soutient le combat des femmes pour l’égalité des chances et des droits partout dans le monde. Dans certains pays, il y a eu des progrès alors que dans d’autres le combat pour l’égalité ne fait que commencer. L’égalité et la justice pour les femmes sont des éléments constitutifs d’un monde de justice et de paix. Les Nations unies ont joué un rôle important pour favoriser l’émergence d’une prise de conscience féministe mondiale qui lie les femmes du Nord et du Sud.
72. L’IS reprend à son compte de façon spécifique les mesures suivantes :
- une législation et des programmes d’action positifs qui garantissent la pleine égalité entre les hommes et les femmes ;
- un soutien aux programmes consacrés à l’éducation, à la formation et à l’intégration professionnelle des filles et des femmes ;
- une législation qui assure une rémunération égale pour un travail égal ;- la diffusion de l’information et de l’assistance gratuite pour la planification familiale ;
- des moyens appropriés pour la garde d’enfants ;
- le soutien public à une participation pleine et entière des femmes aux activités sociales et politiques de chaque pays grâce à des mesures positives qui assurent la représentation féminine à tous les niveaux des prises de décision.
73. Les femmes constituent un peu plus de la moitié de la population de notre planète. Qu’elles bénéficient de l’égalité et de la justice est une condition sine qua non de la justice et de l’égalité internationales.

Une nouvelle culture internationale pour le dialogue politique
74. L’interdépendance croissante du monde laisse peu de place pour les controverses et les combats fondamentalistes. La survie et le développement communs requièrent à la fois la coopération et des formes civilisées de confrontation entre les forces et les idées politiques antagonistes. Par conséquent nous rejetons et condamnons toute forme de fondamentalisme politique ou religieux.
75. Le communisme a perdu l’attirance qu’il exerçait autrefois sur une partie du mouvement ouvrier, ou sur certains intellectuels après la révolution d’octobre ou pendant la lutte contre le fascisme.
Les crimes du stalinisme, les persécutions de masse et les violations des droits de l’homme, autant que les problèmes économiques non résolus, ont fragilisé l’image du communisme comme alternative au socialisme démocratique ou comme modèle pour l’avenir.
76. L’IS soutient tous les efforts visant à la transformation des sociétés communistes grâce à la libéralisation et à la démocratisation. Le même soutien doit être donné au développement des mécanismes d’un marché décentralisé, à la lutte contre la bureaucratisation et la corruption, et, avant tout, à la prise de conscience que les droits de l’homme et l’ouverture politique sont des éléments importants d’une société dynamique et progressiste.
77. La détente, la coopération internationale et la compétition pacifique créent une atmosphère dans laquelle les initiatives actuelles les plus prometteuses peuvent prospérer. L’IS veut promouvoir une culture du dialogue international. Toutes les parties prenantes doivent coopérer dans une confiance mutuelle là où existent des intérêts fondamentaux communs et discuter ouvertement et franchement là où l’engagement en faveur des droits de l’homme, de la démocratie et du pluralisme est en cause. Les socialistes veulent jouer dans ce dialogue un rôle de premier plan.

Un nouveau modèle de croissance
78. Afin de créer les emplois et la prospérité dans le monde entier, le développement doit être équilibré sur le plan écologique. Une croissance contraire aux besoins écologiques et sociaux, irait à l’encontre du progrès puisqu’elle causerait des dommages à l’environnement et détruirait des emplois. Le système du marché ne peut à lui seul assurer l’accomplissement des objectifs sociaux de la croissance économique. C’est la fonction normale d’une politique économique démocratique de promouvoir un développement qui offre des possibilités d’avenir tout en améliorant la qualité de la vie.
79. Afin d’atteindre ces objectifs globaux, il est impératif d’établir un ordre économique mondial vraiment nouveau. Celui-ci doit réconcilier les intérêts des pays industrialisés et des pays en développement. Une réforme fondamentale des relations financières doit créer les conditions pour une coopération économique internationale. Un ordre économique international plus équitable est nécessaire non seulement pour des raisons de solidarité, mais aussi pour créer une économie mondiale plus efficace, productive et équilibrée.
80. S’agissant de la dette internationale, la priorité doit être de supprimer, diminuer ou capitaliser les dettes des pays pauvres. Des arrangements institutionnels sont nécessaires pour stabiliser à la fois les termes de l’échange et les recettes à l’exportation des pays du Sud en établissant des fonds de soutien internationaux. Les pays du Nord doivent ouvrir leurs marchés aux produits du Sud et mettre fin à leur politique de subsides à leurs exportations.
81. Alors que la productivité progresse rapidement grâce aux nouvelles technologies, il est également nécessaire de redéfinir la vie au travail. L’objectif doit être d’humaniser les conditions de travail grâce à la fois aux technologies appropriées et à la participation ouvrière. Des emplois devraient être créés en investissant dans les services sociaux et dans la reconstitution de l’environnement, aussi bien que par des investissements publics dans le développement de nouvelles technologies et l’amélioration de l’infrastructure. Par contraste, les politiques économiques conservatrices ont, dans beaucoup de pays industrialisés, provoqué le chômage massif, mettant ainsi en danger la sécurité et la justice sociales et favorisant l’apparition de nouvelles pauvretés dans le monde riche. Il est d’une importance primordiale que les gouvernements prennent au sérieux leur responsabilité globale concernant le plein emploi.
82. Souvent, une réduction des heures de travail peut aider à une meilleure répartition à la fois des emplois rémunérés et du travail domestique entre hommes et femmes. Elle augmente en même temps le temps de loisir des ouvriers, des paysans et des employés, leur donnant ainsi d’avantage de possibilités pour d’autres activités.

La solidarité entre le Nord et le Sud
83. Le développement économique est sans aucun doute une priorité pour le Sud. Ceci ne veut pas dire qu’il y ait une formule simple pour mettre fin à la pauvreté dans les pays en développement, qu’elle soit d’origine socialiste ou non. Les économies ont besoin d’une réduction des frontières douanières, d’un accès amélioré au marché et de transferts de technologie. Elles ont besoin de pouvoir développer leurs propres ressources scientifiques - par exemple dans le domaine de la biotechnologie - et de mettre fin à leur dépendance des technologies de seconde main.
84. En ce qui concerne les pays les plus pauvres, l’assistance aux économies traditionnelles reste vitale. Beaucoup d’entres-elles, en différentes régions du monde, ont besoin de réforme agraire, d’incitations aux paysans à assurer une production régulière de l’agriculture vivrière et de soutien aux traditions coopératives dans les cultures rurales. Mais une production vivrière accrue ne mettra pas à elle seule fin à la disette et à la famine. Malheureusement, dans certains cas, un accroissement de l’agriculture d’exportation peut détruire les schémas traditionnels de subsistance, accroissant à la fois la famine et la production. Ce doit être la tâche du système politique que de garantir à la fois le droit à la nourriture et à l’emploi.
85. La crise de la dette a conduit à un flux financier net des pays en développement vers les pays industrialisés. L’objectif des Nations unies d’atteindre 0,7 % du PNB pour l’aide publique au développement, ce qui est le double du taux actuel, doit être atteint sans délai. Des efforts coordonnés sur le plan international sont nécessaires, de toute urgence, pour alléger le fardeau de la dette extérieure des pays en développement.
86. Les programmes de coopération avec le Sud doivent soutenir des objectifs de développement visant la croissance économique autant qu’une juste distribution des revenus. Les programmes d’aide doivent se centrer sur le développement des groupes les plus pauvres. Ils devraient aider à transformer les structures sociales abrutissantes et améliorer la situation des femmes dans la société. Des programmes spécifiques pour les enfants sont de la plus haute importance. Toute aide à travers les coopératives et les mouvements populaires permet de promouvoir le développement démocratique.
87. S’attaquer de front aux problèmes de développement est aussi un important facteur pour réduire la vague massive de migrations vers les grandes villes du Sud, dont beaucoup sont menacées par une croissance incontrôlable de la population et sont en train de devenir de vastes bidonvilles urbains.
88. Des relations Sud-Sud renforcées sont une source importante de progrès économique. Une croissance substantielle du commerce entre les nations du Sud contribuera à leur bien-être et renforcera leurs chances de lutter contre les crises qui proviennent de changements dramatiques dans les structures de production et d’emploi. Des liens économiques étroits et des marchés en croissance rapide dans le monde en développement sont une condition préalable de tout développement positif de l’économie mondiale.
89. Une économie mondiale ouverte peut stimuler le développement du Sud. Mais elle peut aussi accroître sa vulnérabilité. Ainsi, le Nord ne devrait pas poursuivre des politiques économiques et commerciales qui imposent des réductions draconiennes du niveau de vie et qui fragilisent les bases d’une démocratie stable.
90. Les inégalités et les dictatures sont le pire ennemi des droits de l’homme mais aussi d’un développement réel. La démocratie sociale et économique ne peut être considérée comme un luxe que seuls des pays riches peuvent s’offrir. Bien plutôt elle est nécessaire pour qu’un pays quel qu’il soit puisse progresser sur le chemin du développement. C’est pourquoi le renforcement du socialisme démocratique dans le Sud est à ce point vital. Dans ce contexte, l’expansion récente de l’IS dans le Sud, en particulier en Amérique latine et dans les Caraïbes, est un bon signe pour le Nord comme pour le Sud.
91. Mettre fin à la pauvreté, dans le Sud, est un projet commun pour le Nord. Cela peut promouvoir le désarmement et créer tant des richesses que des emplois, aussi bien dans les sociétés avancées que dans les pays en développement. C’est au centre de la stratégie des socialistes, qui se préoccupent des changements économiques à grande échelle pendant une période de crise et de transition au niveau mondial. C’est aussi une partie intégrante des propositions des socialistes démocratiques pour de nouvelles structures économiques et sociales qui pourraient entraîner le monde de façon pacifique et prospère vers le 2lème siècle.

VI. AVEC L’IS VERS UNE SOCIETE
DEMOCRATIQUE MONDIALE

L’unité de l’Internationalisme socialiste
92. A une époque d’internationalisation rapide, les objectifs du socialisme démocratique ne peuvent être atteints dans quelques pays seulement. Les destins des peuples habitant dans de nombreuses et différentes parties du monde sont plus que jamais liés entre eux. Les différents partis socialistes du monde doivent donc travailler ensemble à la fois dans leur propre intérêt national et dans leur intérêt international commun. L’IS, dont l’histoire remonte à 1864, fut rétablie en 1951 pour servir cet objectif.
93. Quoiqu’elle réunisse des mouvements qui ont une histoire nationale ancienne, l’IS n’est pas une organisation supranationale centralisée. C’est une association de partis indépendants qui ont des principes communs, dont les représentants veulent apprendre les uns des autres, promouvoir ensemble les idées socialistes, et travailler à cet objectif au niveau international.
94. Le but de l’Internationale socialiste est de faciliter ce travail de solidarité et de coopération, tout en étant consciente du fait qu’il y a différentes façons de promouvoir les valeurs fondamentales du socialisme démocratique pluraliste dans chaque société. Chaque parti membre est lui-même responsable de la manière dont il met en application les décisions de l’IS dans son propre pays.
95. Ces dernières années, l’appartenance à l’IS est devenue plus proprement internationale avec une croissance très marquée en Amérique latine et dans les Caraïbes, et avec de nouveaux membres dans d’autres continents. L’objectif de l’IS est de coopérer avec tous les mouvements socialistes démocratiques dans le monde entier.
96. Depuis la Déclaration de Francfort de l’IS en 1951, le monde s’est rétréci en termes économiques et sociaux, mais pas en termes de solidarité et de communauté démocratique. Il est maintenant clair que le mouvement socialiste - tel qu’il apparaît à l’orée du 21ème siècle - est en train de devenir réellement plus internationaliste dans sa pratique et sa façon de voir.

Un nouvel ordre démocratique
97. Le défi international n’est rien moins que le début d’une nouvelle société mondiale démocratique. Nous ne pouvons permettre que les blocs, les nations et les entreprises privées modèlent la structure politique de la planète comme un simple produit secondaire de leurs intérêts propres.
98. Renforcer les Nations unies est une étape importante en vue de la création de cette nouvelle société démocratique mondiale. Là où il y a un consensus entre les principales nations, des initiatives importantes pour aider et renforcer la paix sont possibles. Les agences spécialisées des Nations unies comme l’OMS, les organes des Nations unies tels que l’UNICEF et le PNUD ont démontré que les gouvernements et les citoyens des différentes nations peuvent travailler ensemble efficacement en vue de poursuivre des objectifs internationaux communs.
99. Il n’est pas réaliste de s’imaginer que la justice et la paix peuvent être imposées par la loi dans un monde d’inégalités fondamentales où des millions d’individus ont à peine de quoi s’agripper à la vie alors que quelques privilégiés bénéficient d’un niveau de vie au delà de ce que peuvent rêver la majorité de leurs concitoyens. Les luttes des socialistes dans les premiers pays capitalistes ont permis de progresser en ce qui concerne le bien-être et la solidarité, ce qui a rendu possible à son tour l’extension de la démocratie dans chaque pays. De même, l’abolition de l’inégalité internationale sera une étape cruciale sur le chemin d’une société démocratique mondiale.
100. Il n’y a pas d’illusions à avoir quant à la réalisation rapide de cet idéal. Cependant, la création d’un monde pluraliste et démocratique, basé sur le consensus et la coopération, est une condition nécessaire pour le progrès de l’humanité. C’est à la fois un défi et une chance. L’IS est prête à relever le défi et à s’efforcer d’atteindre un monde dans lequel nos enfants pourront vivre et travailler dans la paix, la liberté, la solidarité et la dignité de l’homme.
Nous avons confiance dans le fait que la force de nos principes, la valeur de nos arguments et l’idéalisme de nos partisans contribueront à modeler un avenir socialiste démocratique pour le 21ème siècle. Nous invitons toutes les femmes et tous les hommes à nous rejoindre dans cette tâche.
 

 
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