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L'OURS n°422 pages Culture
La page CULTURE de l’OURS 422, novembre 2012

Cinéma : Deux grands maîtres du temps, par JEAN-LOUIS COY
à propos de Vous n’avez encore rien vu , de Alain Resnais (France, 2012, 1 h 55) avec Sabine Azéma, Anne Consigny, Pierre Arditi… et Gebo et l’ombre de Manoel de Oliveira (franco-portugais 2012 1 h 25) avec Michael Lonsdale, Jeanne Moreau, Claudia Cardinale…

Alain Resnais et Manoel de Oliveira, âgés ensemble de presque deux siècles, nous offrent deux films, adaptations théâtrales, prouesses de forme, méditations sur le chemin.

N’est-il pas étonnant, surtout stimulant, d’observer sur les écrans d’aujourd’hui deux exercices de style pratiqués par des maîtres que nous pourrions nommer d’un autre temps, s’ils n’étaient l’un et l’autre créateurs doués de pérennité, c’est-à-dire un défi à l’éphémère que représente l’image.

Le sujet de Resnais, inspiré par Jean Anouilh, ce trop oublié dramaturge, se rattache à ses œuvres antérieures d’abord Hiroshima…, Providence, L’Amour à mort, Mélo également, la mémoire, les fantômes, l’imaginaire côtoient la manipulation, le mensonge ludique, l’amour cynique que l’auteur d’Antigone savait tellement décrire avec cette élégance désabusée alliée à une authentique exigence de caractère. Resnais joue donc avec ses personnages, ironique retour des choses, ses vedettes apparaissent aussi fragiles que la désinvolte Eurydice, tour à tour jeunette timide, sensible distinguée, délurée casse-pieds, selon les âges où nous les voyons. Nous retrouvons la thématique du temps déjà découverte dès les fameux premiers courts-métrages.

Ici s’impose encore le styliste, le monteur, l’architecte, car bien au-delà du sujet d’Orphée et de cette quête d’Eurydice, aux confins de l’enfer où rôde le destin, bavard et falot, où se dessine la tragédie du passé, il s’agit de savoir filmer, donner sens à la forme alliée à l’esprit.
Tout est jeu, subtilité, beau à regarder, surtout cette Eurydice de la trentaine, la belle et tendre Anne Consigny qui m’a rappelé cet autre visage inoubliable de la jeune fille de Nevers. Resnais ou le cinéma par lui-même.

Le théâtre du cinéma
À la même heure, Manoel de Oliveira nous réapprend à contempler ; cela est très difficile, il ne s’agit pas seulement de poser une caméra devant une table où sont assis deux personnages, l’un écrit ses comptes sur un énorme cahier, la femme pleure et geint après un fils qu’on ne voit plus, la bru passe derrière, sert le café, se tait, nous sommes à la fois chez Rembrandt et Dreyer. Est-ce du cinéma ou du théâtre filmé (une pièce de Raul Brandâo) ? L’erreur serait de ne pas saisir dans cette histoire où se traite un problème de morale que tout ici est du cinéma, certes contemplatif, mais où existe la profondeur de champ, l’éclairage inventif de Renato Berta capable de faire exister un chapeau, une porte, un porte-plume, car rien n’est statique. Le langage, rare, se répand comme dans un kammerspiel, l’irruption des voisins alimente la plaisanterie du sujet, le brio de l’interprétation comme l’espèce de décalage des mondes destinés à ne plus se rencontrer, là où le sacrifice devient dérisoire, tout cela ressemble aussi à une tragédie domestique strindbergienne. Mais il y a une interrogation : quelle solution ?

Gebo, hors du temporel, plongé dans sa médiocrité de comptable mal payé, le manque d’argent, la misère quotidienne, sait-il ce qui se déroule ? Oliveira semble nous montrer que le fils plus ou moins maudit est peut-être le personnage clé de cette histoire : il représente la révolte, la prise de conscience certes un peu désordonnée mais la tentative de s’échapper de cette morosité ambiante, de la noirceur du lendemain, de cet enfermement. Finalement, Gebo et l’ombre, film sur la morale ou film amoral parce qu’incitation à réagir ?

Jean-Louis Coy


L’actu des bulles : Holmes Kids, par VINCENT DUCLERT
à propos de Djian, Etien, Legrand, Les Orphelins de Londres, tome IV, Les Quatre de Baker Street, Vents d’Ouest, 2012, 56 p, 13,50 €

Librement adaptée de l’univers de Conan Doyle, la série Les Quatre de Baker Street a été imaginée par Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand, et dessinée par David Etien.

Deux jeunes garçons, Billy et Black Tom, une fille intrépide, Charlie, et un matou tigré du nom de Watson, vivent dans l’East End, font les quatre cents coups, et assistent parfois le maître détective Sherlock Holmes. Les Orphelins de Londres, le tome IV, vient de paraître.
L’album s’ouvre sur l’annonce de la mort d’Holmes. Voici les quatre de Baker Street soudain plus vulnérables, livrés à leur pire ennemi, Bloody Percy. La bande se désunit, chacun part de son côté. Charlie, interpellée pour vol, fait l’expérience des maisons de correction londoniennes. Watson erre à sa recherche. Mais, au moment de la bataille finale, les quatre se retrouvent et combattent Bloody Percy sur les toits de Londres. Sherlock Holmes, qui n’est peut-être pas tout à fait mort en réalité, pourrait dire une nouvelle fois : « Je reconnais ma police auxiliaire, les francs-tireurs de Baker Street ».

Ce nouvel album confirme le charme de cette série, avec ses héros des rues qui témoignent d’une société brutale, de l’ordre bourgeois et des solidarités du petit peuple. Les trois enfants défendent une liberté chèrement acquise et un royaume au cœur de Londres.
Vincent Duclert

L’actu des sons, Flux lillois, par FREDERIC CEPEDE
à propos de Flu(o), « Encore remuants », Circum disc, 2012

Les musiciens du quintet Flu(o) (ex-Impression) – Christian Pruvost, trompette, Olivier Benoit, guitare, Stefan Orins, piano, Christophe Hache, Basse, Peter Orins, batterie et compositeur de la plupart des titres de cet album – font partie du collectif Muzzix basé à Lille. La plupart sont quarantenaires, tous excellents instrumentistes, mais aussi compositeurs, chefs d’orchestre, engagés dans des projets individuels et collectifs, entre jazz, rock (au sens très large) et musique(s) contemporaine(s). Cet album, « Encore remuants », vient huit ans après un précédent (d’où son titre ?).

Avec Dévorait l’air (11’16), il s’ouvre par un voyage à l’intérieur d’un piano, cordes griffées. Entrée de la basse, le beat de la batterie, la guitare, puis la trompette pour une cadence de plus en plus urbaine. Le morceau joue sur les ruptures de rythme, de styles. À 4’27, retour au calme, séquence menuet piano trompette. À 5’23, guitare et basse dialoguent, font vibrer l’air, d’abord calmement dans une espèce de danse shamanique, puis l’électricité sature l’espace. Nouvelle séquence, à 7’30, un slow langoureux lyrique, bal de province, d’un pied sur l’autre, corps qui se dévorent, la guitare envoie des plaintes rauques et envoûtantes, soutenue par la souffle de la trompette, puis le quintette entre dans la danse, pour à partir de 10’30 un final énervé, très remuant.

Frigorifique, second titre, offre à la trompette de Christian Pruvost un bel écrin pour faire apprécier son souffle puissant et tonique. Pas si froid, on retrouve des terres jazzistiques plus courantes, matinées de fanfare. Mais les ruptures ne sont pas loin. Les quatre pièces suivantes malaxent ces ingrédients, invitant à d’autres flux, apaisant parfois mais Toujours remuants (titre 5). À découvrir et savourer.
Frédéric Cépède


L’OURS au théâtre : Six personnages plus deux auteurs, par ANDRE ROBERT
à propos de Luigi Pirandello, Six personnages en quête d’auteur,
mis en scène par Stéphane Braunschweig,
théâtre de La Colline, puis tournée en France

Le théâtre de Pirandello (1867-1936), s’il fut novateur en son temps – du moins pour la partie de l’œuvre qui traite du théâtre dans le théâtre1- apparaît aujourd’hui assez daté, voire désuet (notamment pour sa partie vériste, dont les traces subsistent dans Six personnages en quête d’auteur à travers précisément les rôles des « personnages », nimbés d’un misérabilisme pathétique manifeste). Bien que non contraint, comme beaucoup d’élèves assignés à ce passage obligé parce que cette thématique classique motive toujours leurs professeurs, nous nous sommes rendu à la représentation de cette pièce néanmoins avec une certaine appréhension, et ce d’autant plus que la critique avignonnaise s’était montrée peu favorable.

Or Stéphane Braunschweig, directeur du théâtre de La Colline, metteur en scène et véritable recréateur des Six personnages, nous livre un magnifique spectacle, remarquablement interprété (Claude Duparfait mérite complètement son nom réel dans le rôle du metteur en scène, qui se substitue au « régisseur » et au « directeur de troupe » d’origine), spectacle sobrement mais efficacement scénographié, et où l’intervention de la vidéo ou des procédés hologrammatiques sont toujours justifiés et maîtrisé , contrairement à bien d’autres cas. Ayant réécrit un prologue et certains passages, Braunschweig modernise d’un coup le texte pirandellien (1921) sans le trahir et en lui faisant acquérir une dimension de méta-réflexivité que celui-ci n’avait évidemment pas initialement, se contentant de la réflexivité propre à la technique de la mise en abyme.

Mise en abyme
En effet, là où nous avions antérieurement affaire à une dialectique : auteur (Pirandello, très directif dans ses didascalies)/metteur en scène/ personnages (ensemble des rôles de la pièce incluant les rôles spécifiques de « personnages » soi-disant libres et venant, à partir de la vraie vie, troubler le jeu théâtral), nous sommes désormais mis en présence d’une profondeur de champ supplémentaire : un nouvel auteur (Braunschweig) dialogue avec l’auteur originaire (Pirandello, dont l’effigie apparaît à la fin), mais aussi avec lui-même – en tant qu’également metteur en scène réel – sur le rapport du théâtre pirandellien au théâtre contemporain (et sur le sens de ce dernier), par le truchement du metteur en scène fictif (évoqué ci-dessus), qui assume ce dialogue et semble (re)créer la pièce sous nos yeux avec les deux catégories de personnages, pseudo-réels et pseudo-fictifs. La profondeur de la perspective s’accroît lorsqu’on apprend comment s’est opérée cette recréation avec les acteurs réels : « En amont des répétitions, j’ai proposé à mes acteurs d’improviser sur cette situation en y exprimant leurs propres questionnements et leurs propres doutes… ». Cela donne un résultat certes plus cérébral qu’émotionnel (il n’est pas possible, et sans doute pas souhaitable, de s’émouvoir des propos grandiloquents du « Père » et de la mort de la fillette dans l’histoire censée réelle des personnages livrés à eux-mêmes), mais constamment intéressant et stimulant, particulièrement quand on est sensible à la question de la place du théâtre dans la cité.
André Robert

*Après Paris, Rennes, Mulhouse, ce beau spectacle sera prochainement joué à : Perpignan, Toulouse, Combs-la-Ville, Saint-Brieuc, Orléans, Valence, Besançon, Lorient, Caen.

(1) Ce soir on improvise, 6 personnages en quête d’auteur, Chacun à son idée.


ALBUM : Croquis de Tchernokyl, par SYLVAIN BOULOUQUE
à propos de Emmanuel Lepage, Un printemps à Tchernobyl, Futuropolis, 2012, 264 p, 24,50 €

Documentaire dessiné, tel est le sous-titre de cette BD. L’illustrateur s’est rendu près de la zone interdite de Tchernobyl pour étudier, vingt ans après, l’explosion du réacteur nucléaire et rapporter de magnifiques croquis de voyage. Ces dessins en noir et blanc et en couleurs donnent le frisson. Un no man’s land de paysages désertés et dévastés. Le trait renforce le sentiment de frayeur en lisant et en regardant l’ouvrage.

Emmanuel Lepage souligne l’ampleur de la catastrophe par des détails en apparence insignifiants : un crayon tombé qui ne peut être ramassé, les légumes en vente sur les marchés contaminés ou non. Et, aussi, le temps qui s’est arrêté avec les villes vides, les vestiges du passé soviétique : un insigne militaire, un symbole du pouvoir, une commémoration de la grande guerre patriotique, etc. Élément terrifiant, sa visite de la centrale. Il y décrit aussi sa vie quotidienne dans une datcha (l’équivalent soviétique d’une maison de campagne) à consigner ses observations et à préparer ses planches avec des croquis.
Sylvain Boulouque

 

 
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