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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Bréhier/ProximitéLefebvre356
Plus près de toi, citoyen ! par Emeric Bréhier

a/s de Christian Le Bart, Rémi Lefebvre (dir), La Proximité en politique, Presses universitaires de Rennes, 2005, 305 p, 20 €

Proximité : mot valise ou la politique autrement ? Des analyses érudites.

Le sous-titre est instructif « usages, rhétoriques, pratiques ». La proximité en politique a fait un retour tonitruant depuis quelques années bien souvent présentée, par les acteurs eux-mêmes, comme le soulignent avec justesse les contributions à cet ouvrage collectif, comme le remède, sinon ultime, en tout état de cause indépassable à la crise du politique. Indéniablement, la baisse des taux de participation aux différentes élections nationales et locales, l’éclatement des votes au profit de partis ou de listes situées explicitement en dehors du système partisan traditionnel en sont, parmi d’autres, des signes révélateurs. Pour beaucoup, l’urgence du ré-enchantement démocratique passe nécessairement par la proximité en politique. Pour autant, comme le soulignent avec raison dans leur propos introductif les deux directeurs de cette publication, « de manière cyclique et pendulaire, le local est tantôt décrié comme le lieu du clientélisme, du notabilisme, du clochermelisme ou du particularisme […], tantôt exalté comme le lieu naturel de la citoyenneté, de la participation, de l’innovation, de l’expérimentation ou de la souplesse. Les vertus du local sont ainsi régulièrement redécouvertes. »
Au-delà de cette évidence, François Rangeon montre avec pertinence la manière dont l’idéal de l’intérêt général a déserté la seule sphère étatique pour prendre une consistance locale. Assurément, la conquête de mairies par la gauche, et le Parti socialiste en particulier, dans les années soixante-dix (essentiellement en 1977) n’a pas été pour rien dans l’émergence de la reconnaissance de la légitimité de l’intérêt général local. Évolution en quelque sorte légalisée à l’occasion des lois de décentralisation de 1982. Et si le même auteur a raison de rappeler que la distance était traditionnellement considérée comme nécessaire à un exercice serein du pouvoir, et qu’aujourd’hui, à l’inverse, « la proximité est présentée comme la condition indispensable à l’exercice d’un pouvoir efficace, démocratique et juste », il n’en demeure pas moins que cette évolution ne date pas du gouvernement Raffarin, mais est bien le fruit d’une évolution profonde du système politique. Toutefois, et l’ensemble à sa manière le souligne : la propension des élus à s’arroger des compétences qui ne sont pas les leurs contribue à brouiller les niveaux de responsabilités des uns et des autres. Et ce ne sont pas les dernières lois de décentralisation d’août 2004 qui permettent d’aller à l’encontre de cette évolution néfaste au principe même de la démocratie : la responsabilité.

Proximité : quoi de neuf ?
Rémi Lefebvre, dans sa contribution, n’a pas tort de rappeler que la proximité dont se parent les élus est tout sauf nouvelle, mais qu’elle prend une force nouvelle dans le cadre de la crise de la représentation. Car, en effet, quoi de nouveau dans des comptes rendus de mandat effectués par tel ou tel maire, ou conseiller général ? Quoi de neuf, dans des visites de quartier avec des rencontres préparées à l’avance avec les habitants de ces mêmes quartiers ? À cet égard, la multiplication des repas de quartiers soutenus par les collectivités est un symptôme éclatant de l’affaissement des solidarités primaires qui pouvaient auparavant exister. La recherche du temps perdu de la solidarité villageoise (largement mythifiée) est bien le symbole d’une société en manque de lieu de partage. La thématique de la proximité, en politique comme ailleurs, s’entend ici comme une réponse. Mais, comme le souligne là encore Rémi Lefebvre avec raison, le risque est grand que proximité rime parfois avec dépolitisation.
Une contribution souligne bien l’évolution très importante du rapport de la classe politique française, et de la population en générale, pour le moins étonnant avec l’intérêt général forcément, génétiquement, représenté par l’État. Ainsi, en matière de sécurité quotidienne, Tanguy Le Goff rappelle avec justesse que la nationalisation de la police urbaine n’est in fine que le résultat d’un régime politiquement policier foncièrement hostile aux pouvoirs locaux, repris à son compte par la nouvelle République issue de la Seconde Guerre mondiale.
Dans sa conclusion, Philippe Genestier montre bien que « la thématique de la proximité offre au premier abord le mérite d’être une tentative de ressaissement par le bas, comme si par le local on pouvait à nouveau pétrir la communauté, nouer du lien social. » Mais, alors, cette mythification de la proximité ne risque-t-elle pas au contraire de favoriser la fragmentation de la société que chacun ressent ?
La proximité, finalement, participe de ce lent travail de reconstruction du sens en politique aux différents échelons que sont les intercommunalités, les régions et l’Europe. Aucun d’entre-eux ne délégitime les niveaux traditionnels (communes, départements, État), mais clairement il les interroge.
Émeric Bréhier
 

 
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