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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Paul Lussault/Duclert
Paul LUSSAULT
Tours, le 25 juin 2009

A Alain BERGOUNIOUX et Vincent DUCLERT

Chers Camarades,
J’ai lu avec intérêt les dernières « pages roses » de l’Ours, dont vous avez animé et partagé la rédaction. Je vous dis donc – et à destination de toute l’équipe – le plaisir que j’ai pris à cette publication. Militant ancien je note – sans flagornerie – qu’il y a eu peu de publications du parti ou de ses “organismes associés”dont l’intérêt et les qualités aient été aussi forts.

J’ajouterai à ces compliments ceux que je destine à Vincent Duclert lui-même pour son ouvrage La Gauche devant l’Histoire ; compliments que je compléterai de remarques, ci-dessous.

Quant aux « pages roses » même le grognon grand-père Lionel – bloqué dans « son ministère » – n’a pas réussi à en atténuer la qualité : son article est presque le témoignage du contre-exemple de ceux qui ne peuvent quitter leur ornière.

Mes remarques relatives à l’ouvrage de Duclert tiennent à deux éléments contradictoires.

Le premier est que le titre lui-même est un masque puisqu’il faudrait plutôt écrire « La deuxième Gauche devant l’Histoire ». Cela est mineur puisqu’en lui-même l’ouvrage est riche. Et notamment pour un militant comme moi qui a formé son esprit dans les « fourgons » de Jean Poperen ; celui-ci pendant une période longue se consacrant à l’opposition – sinon à l’hostilité – envers la « deuxième gauche ». Je souligne cependant qu’il sût modifier profondément son attitude de 1985 (approximativement) à 1995. Là, le funeste congrès de Rennes restituât chez Jean Poperen les anciens fantasmes « anti-deuxième gauche » mais, personnellement je ne suivais plus alors sa ligne.

Donc en me situant d’un point de vue « poperenien » – mais sans excès – je vous fais part de deux ou trois « grandes questions » que le livre de Duclert ne prend pas en compte. Il s’agit de « la puissance du PCF » , de la « laïcité », et également, mais avec réserve, de la qualité du personnel politique de la deuxième gauche .

Je rejoins par là l’analyse de Daniel Lindenberg qui montre très clairement comment et pourquoi les intellectuels ne fréquentaient pas la « vieille maison » mais plutôt les bâtisses d’Oscar Niemeyer.

1. « La puissance du PCF » explique-t-elle (et peut-elle « justifier » ?) l’orientation régressive de la SFIO et notamment l’action politique de Guy Mollet à partir, principalement, de 1956 ?

Par « puissance du PCF », j’entends, vu d’un esprit socialiste, la menace permanente (et intrinsèque à la doctrine et à la pratique communistes) que le PCF a fait peser sur la forme démocratique des institutions françaises.

Cela (sans prendre en compte ici l’héritage de 1920 et celui des années « 30 ») marque l’esprit des socialistes dans la Résistance, dès la libération et les premières années de la IVe république. On ne peut oublier que la force électorale du PCF pouvait approcher les 30 % et que l’année 1947 fut difficile pour la démocratie. La démission forcée des ministres communistes – par la volonté de Paul Ramadier – est une marque sans ambiguïté. Donc, pour revenir à Guy Mollet ce dernier est confronté à trois épreuves majeures. Même si – il ne faut pas l’oublier – le total SFIO+PCF représente souvent la majorité de l’opinion qui, cependant, n’était pas fanatiquement acquise à l’idée de Maurice Thorez, Président du Conseil !

Donc la première épreuve est celle de la décolonisation qui est, certes, très mal comprise par la SFIO (et une partie importante de l’opinion française). La seconde épreuve est celle de la construction européenne (dont Duclert souligne à juste titre qu’elle doit figurer dans le plateau très positif du jugement de l’histoire). Dans les deux cas, la SFIO et Guy Mollet se heurtent durement non seulement au PCF – ce qui n’était pas peu – mais également à la politique de l’URSS dont on sait, maintenant, de quoi elle était capable.

Pour résumer – si l’on ose dire – sur la décolonisation, les socialistes et Guy Mollet étaient dans l’erreur et l’ont payé... Quant à l’Europe – pour laquelle ils ont mené une politique positive – cela ne leur a guère été compté…

Notons encore que, sur ces deux thèmes, la position progressiste des groupes de la deuxième gauche était ambiguë ; très opposés – et militants – face aux politiques coloniales, ils ne furent pas en pointe ni visibles sur l’Europe.

La troisième épreuve fut la « laïcité ». C’est peu de dire qu’elle ne faisait pas partie des priorités de la Deuxième Gauche. Le plus souvent elle était classée dans les « vieilles lunes » contraires aux projets de rénovation de la politique française. Nombre de propositions reprise ensuite par la droite modérée sur « une nouvelle laïcité » venaient souvent des réflexions de la deuxième gauche. Et il est vrai que cette distorsion de pensée fut utilisée par nombre de responsables de la première gauche (je pense à Jean Poperen) pour barrer l’accès des militants de la Deuxième gauche à l’union de la gauche. Il est vrai aussi qu’après les « Assises du Socialisme » nombre de responsables et de militants de la deuxième gauche pratiquèrent sans réserve la politique laïque ; sans oublier que Mitterrand et nombre de responsables surent modérer ce que certaines positions laïques pouvaient avoir « d’excessif » (on s’aperçoit cependant mieux aujourd’hui d’ailleurs que la laïcité ne peut pas s’affadir…).

En résumé cette incidence de la laïcité a toujours été notable. Pendant la IVe république, elle fut un des instruments de manoeuvre pour bloquer toute alliance avec les Chrétiens progressistes du MRP et les couches modernistes de la SFIO. Dans la Ve il y eut, évidemment, une pratique renouvelée mais constante de ce jeu. Je pense donc que ce thème, lui aussi, mériterait une étude approfondie d’autant plus que son actualité demeure .

Enfin, dernière remarque : les hommes et les femmes de la deuxième gauche n’ont pas tous eu la qualité des « leaders » et (mais c’est un phénomène constant) certains ont utilisé ce mouvement comme porte d’accès aux responsabilités et aux mandats accessibles à partir du PS (ou de la SFIO). Ce mouvement-là s’est reproduit à de multiples reprises avec les « verts » (je pense que Daniel Cohn-Bendit saura y mettre de l’ordre…). Ce phénomène « d’entrisme » est, probablement, humain mais il laisse des traces et des rancoeurs qui ne simplifient pas l’unification.

Pour achever cette « communication » quelques mots sur les grands hommes.

Pierre Mendès France, indiscutablement un maître de la pensée et de l’action politique. Son éviction progressive des premières places reste, pour moi, un mystère. Vincent Duclert en sait sans doute plus qu’il n’en écrit…
Les dirigeants « rocardiens », Rocard en tête : là où j’ai milité dans les années 1970 ; l’image était désastreuse puis peu à peu, et notamment à partir de 1981, la conjonction a pris et il fut frappant de considérer Poperen et Rocard (et leurs entourages) se re… trouver avec intérêt puis avec plaisir. Ils firent plein de choses ensemble (surtout évidemment à partir de 1988…)

Quant à l’action de F. Mitterrand dans ce domaine là, elle n’est pas facilement compréhensible !

Conclure un courrier déjà long… Oui, bien que j’aie peu discuté les « points de vue » des feuilles roses ; j’y reviendrai un autre jour.

Je fais donc seulement deux propositions :

La première à Alain Bergougnoux et à son équipe : arracher à la direction du parti les moyens pour diffuser ce « huit pages » à tous les militants ; cela peut être décisif !

La seconde à Vincent Duclert : écrire et éditer le tome 2 de La Gauche devant l’Histoire ; il a encore beaucoup à dire .

Merci à tous les deux et à ceux qui vous entourent pour ce travail fondamental
Très amicalement
Paul Lussault
 

 
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