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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Les premiers pas de l’OURS
LES PREMIERS PAS DE L’OURS
La création de l’Office est annoncée par le Journal officiel des 9 et 10 juin 1969. Guy Mollet le place sous les auspices d’Alexandre-Marie Bracke-Desrousseaux, décédé en 1955, helléniste et marxologue de renom, surnommé le « père ours », qui a été l’un de ses maîtres à penser. Dès sa création, l’OURS publie un manifeste, annexé au présent numéro de Recherche socialiste, dont le rédacteur est Claude Fuzier. L’un des passages essentiels de ce manifeste stipule : « Le socialisme revendique le pouvoir dans la France du XXe siècle, mais pas n’importe quel pouvoir, ni dans n’importe quelle condition. »
Dans les premiers temps, Guy Mollet a concocté un conseil d’administration très oecuménique, reflet de la majorité qui a dirigé la SFIO pendant de longues années. Ses proches y figurent : Claude Fuzier, Ernest Cazelles, Denis Cépède. Ce dernier est secrétaire générale de l’office. Il est le jeune qui « monte » auprès de Guy Mollet. Cette brillante machine intellectuelle, dotée d’un humour décapant et d’un bel appétit de vivre, a séduit Guy Mollet, qui a pourtant toujours été méfiant à l’encontre des intellectuels. Fils et petit-fils de militant - cela compte, dans la SFIO - il a fait ses classes un peu à la marge de l’appareil socialiste, dans lequel il s’intègre à partir de 1969, l’un des politiques dans l’entourage d’Alain Savary, chargé des questions de formation. Il sera aussi la cheville ouvrière du Plan d’Action socialiste. On note aussi à l’OURS quelques jeunes, peu connus, venus sur une ligne politique de gauche, et se battant pour un parti « pur et dur », celui que Guy Mollet a voulu lancer dès 1963 (5).
On trouve aussi dans les organismes dirigeants de l’OURS Pierre Mauroy et ses amis, que Guy Mollet a fait venir, sans doute tant par aspect sentimental que pour maintenir les équilibres traditionnels intérieurs à une organisation politique : Pierre Mauroy est l’un des vice-présidents, Roger Fajardie est secrétaire général adjoint. Mais cette présence est de courte durée. Après le congrès d’Issy-les-Moulineaux, Pierre Mauroy et ses amis tirent la conclusion de la nouvelle donne au sein du Parti, et ils quittent l’OURS. Dans les archives de Guy Mollet, on trouve leurs lettres de démission, toutes rédigées sur le même modèle, ou presque. La rupture est totale.
Certains, rapidement, quittent l’OURS, d’autres n’y viennent pas, pour des raisons politiques, rejetant l’aspect unitaire de la pensée de Guy Mollet et de ses proches, qui ne manquerait pas selon eux de rejaillir sur les prises de position de l’Office. Après une prospection auprès des parlementaires socialistes en décembre 1969, Guy Mollet reçoit par exemple cette correspondance expéditive d’un sénateur du Gers : « Je désire adhérer à l’OURS, si l’OURS ne sert pas l’URSS, et est fidèle au discours de Léon Blum, ce qui avec Fuzier n’est pas le cas ».
L’Office, dès sa naissance, paraît donc se réduire dans son équipe dirigeante rapidement aux molletistes. Cette constatation est faite par de nombreux observateurs politiques, et par des militants, dont certains franchissent même un pas supplémentaire, en étant d’avis que l’OURS est une tendance du Parti, ou tout au moins une organisation parallèle. Guy Mollet reçoit de nombreuses correspondances à ce propos, auxquelles il répond personnellement avec le plus grand soin. Ainsi, en novembre 1969, à ce camarade de la Gironde : « Chaque fois qu’il m’a été proposé de créer une tendance sur mes positions, je l’ai toujours refusé, car je crois l’existence des tendances organisées dangereuses pour le Parti. Je ne vais donc pas commencer maintenant (…) Je ne ferai jamais rien contre mon parti ; j’espère même le convaincre que mon ‘OURS’ lui est utile, mais personne ne m’empêchera jamais de servir la cause du socialisme ».
Guy Mollet ne semble pas s’arrêter sur les départs des premiers mois, ni sur les grincheux qui ne veulent pas rejoindre l’OURS. L’équipe lance les publications. Le journal mensuel est organisé autour de rubriques qui resteront les mêmes pendant de longues années : éditoriaux, mot du secrétaire général, critiques littéraires, tribunes libres (6). On note aussi une importante rubrique de courrier des lecteurs qui, elle, disparaîtra ensuite. Le Cahier est lancé dès juillet 1969 avec les thèmes suivants : « Enoncé des thèmes mis à l’étude par l’Office » (n°1), « L’intervention de l’État dans l’organisation de la croissance économique » (n°2), « Bracke-Desrousseaux » (n°3, sous la plume de Jean Piat), reproduction du discours de Léon Blum à Tours (n°4). Très vite, parallèlement aux groupes de travail, le principe des réunions hebdomadaires du mardi est lancé.
L’OURS semble « accrocher » . Nous disposons malheureusement de peu d’éléments chiffrés. En 1970, en se basant sur un éditorial de Guy Mollet dans le Journal de mai, l’Office regroupe 3736 abonnés ou adhérents se décomposant ainsi : 536 adhérents payant une cotisation proportionnelle, 522 adhérents étudiants ou retraités, 1615 abonnés au journaux et cahiers, 1065 abonnés au seul journal. En supplément, plus de 2500 militants reçoivent chaque mois les publications en service gratuit, au titre de la prospection. Toujours au vu de ce qu’écrit Guy Mollet, le tirage du Cahier est alors de 7000 exemplaires avec, pour les numéros 4 (Léon Blum et la vieille maison) et 7 (le syndicalisme et l’État) des tirages supplémentaires de 10000 et 5000 exemplaires. Qui sont ces abonnés et adhérents ? On peut penser, logiquement, qu’il s’agit en majorité de militants originaires de la SFIO, qui continuent de partager les idées de Guy Mollet. Sans doute ont-ils besoin, aussi, de manifester, par leur adhésion à l’OURS leur appartenance à un groupe qu’ils connaissent, surtout en ces périodes de changement au sein du Parti, alors que la « vieille maison » a disparu. Mais on note également l’arrivée de militants d’autres tendances souhaitant s’intégrer dans une œuvre collective de recherche et de débats (7).
Par ailleurs, tout va pour le mieux avec le PS, puisqu’en janvier de la même année un contrat d’association a été signé, après débat avec Noël Josephe secrétaire national du Parti. Le Parti s’engage à faire de la publicité dans sa presse en faveur de l’OURS, à diffuser ses publications, à prendre en charge matériellement certaines actions menées par l’OURS, à la demande ou avec l’accord du Parti. De son côté, l’Office apportera au Parti « une contribution originale et effective, favorisant en particulier la connaissance, la diffusion et la pénétration de la doctrine et de l’action socialiste, et assurant, en définitive, une audience accrue du parti socialiste dans les milieux les plus divers. »
A cette époque, quand il n’est pas à Arras, Guy Mollet consacre la majeure partie de son temps à l’OURS. Entouré par une petite équipe permanente - Olga Duperrey au secrétariat, Pierre Herbaut (8), Suzanne Le Corre (9) -, il est tout à la fois : il s’occupe des publications, sollicite les uns et les autres pour un article, coordonne les groupes de travail, anime les réunions du mardi (10). La petite équipe permanente sera complétée ensuite par Pierre Rimbert. Sa présence, comme l’a déclaré Claude Fuzier après son décès, en avril 1992, « était hautement significative de l’esprit qui nous anime ». Il a publié dans les différentes publications de l’OURS d’innombrables articles, et de nombreux cahiers : sur Jean Jaurès, sur la CED, sur l’histoire de la SFIO, dont il a été l’artisan à partir de 1972. Un autre aspect de la participation de Pierre Rimbert aux travaux de l’Office mérite enfin d’être souligné : celui lié aux « études par correspondance » lancées dans les premières années de la vie de l’OURS, dans la tradition des universités populaires d’autrefois. Ces études - un texte de base sur un point précis, d’ordre historique ou non, suivi de quelques questions posées aux lecteurs - étaient envoyées aux membres de l’OURS qui en faisaient la demande. Ultérieurement, elles étaient regroupées en « Cahiers ». Pierre en a rédigé de très nombreuses dans des secteurs variés. Ainsi a-t-il été le rédacteur unique du cycle intitulé « De la révolution française à la naissance du mouvement socialiste ». Il a aussi participé - au côté de Pierre Herbaut, Joseph Begarra, etc.- au cycle sur l’histoire du mouvement socialiste (11).
Dans le Journal, on trouve peu de références à l’actualité même si, parfois, certains coups de patte peuvent tomber. Ainsi, en février 1970, dans un article signé « l’OURS », qui évoque les socialistes et les autres forces politiques françaises. Le rédacteur rapporte ce jugement de Guy Mollet : « Il y a un moyen sûr, pour un ‘socialiste’ de faire parler de lui dans toute la presse, de passer à la télé et d’être interviewé à la radio : c’est d’être indiscipliné et de critiquer le parti socialiste, ou, mieux encore, de le quitter (…) : il rattrapera en vingt-quatre heures le silence qui pesait sur lui, et qui lui pesait depuis vingt-quatre ans. » Dans Combat du 27 mars, Jean-Claude Vajou présente cette tribune, « dont le style, écrit-il, nous fait penser qu’elle a été directement inspirée, sinon écrite, par l’ancien secrétaire général de la SFIO », avant de conclure : « Que l’OURS sache que nos colonnes lui sont ouvertes… Nos lecteurs aiment entendre grogner ! »
L’OURS de cette époque - une époque très idéologique - réussit à être au carrefour d’une gauche qui cherche son unité, et qui a besoin de lieux de débat.
On le voit en 1971, à l’occasion du centième anniversaire de la Commune de Paris. L’Office organise, entre mars et mai 1971, cinq soirées débat sur la Commune, qui entendent constituer un lien entre l’histoire et l’actualité de l’époque, autour de cinq thèmes principaux : insurrection-révolution-prise du pouvoir ; la révolution en tant qu’anti-violence ; démocratie et pouvoir révolutionnaire ; l’homme nouveau dans une vie nouvelle ; du phénomène révolutionnaire à la situation révolutionnaire.
Ces rencontres réunissent un nombre important de participants, d’horizons très variés, tous représentatifs de leurs organisations d’origine. Des socialistes appartenant aux différentes familles non encore unifiées : Robert Verdier, Alain Savary, Pierre Joxe, Claude Fuzier, Dominique Taddéi. Des communistes : Pierre Juquin, Guy Besse. Mais aussi des syndicalistes, des personnalités diverses : les révérends père Sommet et Madelin, Jean-Marie Domenach, le biologiste Henri Laborit, etc. Ces rencontres organisées par l’OURS constituent la seule contribution intellectuelle du mouvement socialiste au centenaire de la Commune. Bien sûr, le débat historique y a très vite débouché sur l’actualité, sur le sens du combat socialiste, les voies de passage au socialisme, voire sur le programme commun de gouvernement. Nous étions à ce moment-là en plein débat d’idées, et chaque occasion était bonne pour chercher et essayer d’avancer. La Commune était décidément très actuelle... et le centenaire, pour la gauche, a été très politique.
Ces soirées débouchent sur la publication de deux Cahier de l’OURS (12). Il n’y a pas d’autre réalisation socialiste de cette qualité et de cette ambition pour le centenaire.

Notes
(5) Cf. mes études parues dans le n°22 (décembre 1993) du Bulletin du Centre Guy Mollet, «Un parti pur et dur, Guy Mollet, 1963 », et dans le n°2-1994 du Cahier et revue de l’OURS, « La galaxie Defferre dans les années soixante ».
(6) A l’époque, sans doute sous l’influence de Guy Mollet, des personnalités extérieures à l’OURS s’expriment dans nos colonnes. On trouve par exemple dans le n°4 (octobre) du Journal un article de François Perroux, professeur au Collège de France, « Profit, pourquoi ? Pour qui ? » Denis Cépède y répond dans un numéro suivant, utilisant son pseudonyme de Paul Lavergne, qui reviendra ensuite très souvent dans nos colonnes.
(7) Très régulièrement, par exemple à l’occasion de la participation de l’OURS à des congrès socialistes, nous voyons arriver vers notre stand des délégués - autrefois du CERES ou proches des idées de Jean Poperen - qui nous disent avoir été membres de l’OURS des débuts, pour le débat, avant de nous quitter ensuite.
(8) Né en 1922, ancien professeur au lycée d’Arras, Pierre Herbaut a été un des proches collaborateurs de Guy Mollet à la Cité Malesherbes : membre du comité directeur, du bureau du Parti, puis secrétaire général adjoint de la SFIO, un temps directeur politique du Populaire de Paris, et du Populaire Dimanche. Il est décédé en 1970.
(9) Guy Mollet épousera Suzanne Le Corre en juillet 1975, quelques mois avant de décéder.
(10) Sur l’ambiance à l’OURS à cette époque, et sur le rôle de Guy Mollet, se reporter à l’article de Pierre Cousteix, « Brefs souvenirs concernant l’OURS », paru dans le Cahier et revue de l’OURS n°101, juin-juillet 1969, pp. 38-40.
(11) Sur Pierre Rimbert, se reporter au Cahier et revue d’hommages publié en 1992, « Pierre Rimbert 1909-1991. Une vie pour le mouvement ouvrier » (n°208, novembre-décembre 1992).
(12) Les n°23, et 24-25, parus en octobre et novembre-décembre 1971. A signaler que l’OURS avait précédé ces rencontres par la publication d’un Cahier consacré à « La Commune par les documents » (n°20, mai 1971), et qu’il reviendra en 1980 sur la Commune en publiant un Cahier et Revue intitulé « La Commune de Paris vue à travers ses procès-verbaux » (n°110, mai 1980), s’inspirant des travaux publiés autrefois par Georges Bourgin et Gabriel Henriot.
Le repli sur soi
 

 
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