ACTUALITE
L'OURS
PUBLICATIONS
DEBATS DE L'OURS
LIVRES DIFFUSÉS
SEMINAIRE OURS
ARCHIVES BIBLIOTHEQUE
TEXTES, IMAGES, DOCUMENTS
L'OURS Signale (colloque,
LIENS UTILES
NOUS ECRIRE
 
Nous joindre
L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris
Tél. 01 45 55 08 60
Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique :
e-mail : info@lours.org
 
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Vals Europe 1967
Allocution de Francis Vals
Député maire de Narbonne
président du groupe socialiste au Parlement européen

Nous, socialistes démocrates, ne nous sommes jamais contentés de l’affirmation selon laquelle le despote éclairé et paternel s’efforce de prendre des décisions bonnes et justes.
Pour nous, l’élément déterminant pour apprécier un régime est et reste la mesure dans laquelle il est possible au peuple d’exercer une influence et à ses représentants d’y prendre part. En ce dixième anniversaire de la signature des Traités de Rome, nous ne pouvons que constater que les institutions créées par ce Traité s’apparentent plus aux formes de gouvernements technocratiques qu’à un régime de démocratie fondé sur des parlements représentatifs.
Ce serait manquer de sincérité que de nier que les traités de Rome ont enlevé aux parlements nationaux des pouvoirs importants pour les confier à un Conseil composé de ministres.
Ce n’est pas le Parlement, mais ce Conseil siégeant à huis clos qui est le véritable législateur de la Communauté européenne. On estimera peut-être que la mise en place de ces institutions était la condition préalable de la réalisation des objectifs de la première étape. Cependant, aujourd’hui, aucun démocrate ne saurait accepter un renforcement d’un tel système.
Ces États-Unis d’Europe que nous, socialistes, nous efforçons de construire, ne peuvent être créés au prix d’un affaiblissement de la puissance des peuples et de leurs représentants. Vouloir élaborer des lois européennes en dehors de l’approbation préalable par les parlementaires européennes équivaudrait à renoncer à l’idée de l’intégration européenne.
Pour les socialistes, la Communauté européenne ne peut qu’aller de l’avant.
L’objectif, c’est un parlement européen formé de représentants élus au suffrage universel et doté de pouvoirs législatifs réels qui devrait naturellement être complété par une deuxième chambre composée des représentants des États membres.
Mesdames, Messieurs, certains seraient tentés de prétendre que c’est une utopie. Certains seront d’avis que des hommes politiques réalistes ne devraient pas se laisser entraîner à poser des exigences politiques qui se heurteraient à des oppositions en apparence insurmontables…
Accepter ces objections, renoncer à nos points de vue serait renoncer à l’Europe des peuples, à l’Europe démocratique. Les sociaux-démocrates que nous sommes ne sont pas prêts à accepter un tel renoncement.
C’est dans le domaine du budget qu’apparaît le plus clairement le fossé qui sépare actuellement la Communauté européenne d’une véritable démocratie parlementaire.
Ce ne sont ni le Parlement européen, ni les Parlements nationaux qui déterminent le volume des budgets de la CEE et de l’Euratom, mais six ministres siégeant avec leurs experts ! Et pourtant il s’agit de sommes considérables.
À lui seul, le FEOGA dépensera au cours de l’exercice 67-68, près de mille milliards d’anciens francs.
Si, dans le cadre du Kennedy-Round, on parvient à un accord sur l’utilisation des excédents de denrées alimentaires dans la CEE, pour aider de cette manière les pays en voie de développement, la communauté supportera des dépenses d’un montant de 500 milliards d’anciens francs environ.
À ces dépenses s’ajoutent encore 300 milliards d’anciens francs destinés aux dépenses administratives, au Fonds social et de développement de la CEE, au budget de recherche de l’Euratom. Ces 300 milliards sont d’ailleurs les seules dépenses qui puissent être contrôlées par les Parlements nationaux.
De plus, il n’est pas possible de déterminer par avance le montant des dépenses très importantes affectées à la politique agricole commune. De trop nombreux facteurs interviennent à cet égard.
Il est aussi difficile d’évaluer par avance l’évolution des prix sur le marché mondial que les résultats d’une récolte. Ce n’est qu’avec deux ans de retard, au moins, qu’on peut calculer les recettes et les dépenses du Fonds agricole.
Il en serait autrement si le Parlement européen était habilité à s’occuper du problème des prix qui ont une portée décisive pour arrêter les dépenses du FEOGA.
Ce qui est en tout cas inconcevable, c’est que, dans une Europe à régime démocratique, on aboutisse à une communauté dont le budget n’est pas arrêté par un parlement et dont l’exécution n’est pas soumise à un contrôle démocratique quelque peu valable. Car le jour n’est pas loin où le développement de la politique agricole commune, mais aussi les efforts considérables à déployer dans les domaines de la politique sociale et de la politique régionale, feront monter le budget de la communauté jusqu’à environ cent milliards de nouveaux francs.
Permettez-moi de montrer par un autre exemple que le processus d’intégration exige le renforcement des pouvoirs du Parlement Européen : pour éviter de sérieuses distorsions de concurrence dans le marché commun et supprimer les frontières fiscales à l’intérieur de la Communauté, tous les États membres introduiront avant le 1er janvier 1970 le système de la taxe à la valeur ajoutée.
Qui d’autre qu’un parlement choisi par les peuples européens pourra fixer les taux d’une telle taxe ?
La libre circulation des capitaux rendra inévitable l’uniformisation de l’imposition à la source pour les dividendes et les revenus des obligations.
La création souhaitable d’une forme de société européenne exigera le rapprochement des taux et des systèmes d’impôts sur les sociétés.
Cependant est-il concevable pour les démocrates européens que l’on décide du taux de l’impôt sans qu’il y ait une participation effective d’un Parlement issu d’élections libres ? L’adoption, il y a quelques semaines, d’un premier programme de politique économique à moyen terme fut un pas décisif sur la voie d’une véritable union économique.
La construction de cette union économique est déjà en elle-même indispensable car, par suite de l’enchevêtrement croissant des économies des pays membres, l’emploi d’instruments de politique conjoncturelle à l’échelon national a perdu une partie de son efficacité.
L’accomplissement de l’union économique est, par ailleurs, indispensable car l’industrie doit, en définitive, avoir l’assurance de pouvoir se développer dans un marché intérieur élargi qui lui permettra d’accroître sa productivité et de supporter la concurrence américaine.
Sans un Parlement européen fort, il ne peut y avoir dans la Communauté aucune politique économique démocratique, aucune programmation économique démocratique.
La Communauté se trouve devant le danger de voir, de plus en plus, des décisions politiques de première importance prises en dehors du système parlementaire et de l’opinion publique par des pouvoirs qui n’ont aucune responsabilité parlementaire devant les peuples européens. Ce danger est particulièrement sérieux et tous les partis démocratiques doivent en prendre conscience et en faire prendre conscience.
Pour l’instant, nous avons cependant des doutes sérieux et tous les partis démocratiques doivent en prendre conscience et en faire prendre conscience.
Il est certain que les organisations professionnelles, les syndicats, les organisations agricoles portent de plus en plus leurs espoirs vers le Parlement européen. Quand toutes ces organisations professionnelles ou syndicales importantes auront compris que seule la Communauté peut harmoniser leurs intérêts justifiés, que seuls les parlementaires européens élus au suffrage universel direct peuvent être responsables devant les peuples européens, alors le jour ne sera pas loin où la Communauté aura trouvé sa « charte de démocratie ».
Comme par le passé, nous, socialistes, serons toujours au premier rang dans le combat pour l’institution de cette charte. Nous avons depuis trop longtemps lutté pour l’Europe pour perdre la foi dans l’idée européenne bien que les chemins qui mènent aux États-Unis d’Europe soient difficiles, mais nous avons aussi lutté depuis trop longtemps pour la démocratie pour sacrifier le système parlementaire, fût-ce à l’idée européenne.
Les parlementaires, bien sûr, doivent lutter pour conquérir ces droits, mais ils ne seront pas seuls : les peuples européens les soutiendront quand tous seront conscients que, dans l’antichambre de la Communauté véritable, des décisions sont déjà prises qui influencent profondément la vie quotidienne de l’Européen.
Quand le peuple souverain sera conscient de ce fait, nous, socialistes, avec tous les démocrates de la Communauté, nous devrons nous demander si nous pouvons porter la responsabilité de poursuivre l’intégration européenne si, parallèlement, il n’y a pas un renforcement des pouvoirs du Parlement Européen.
Cette question, qui ne pourra être éludée, correspond à notre souci de voir la Communauté, dont nous fêtons aujourd’hui le dixième anniversaire, continuer son développement.
De mois en mois se dessine plus précisément un danger que nous ne devons pas sous-estimer : l’absence d’un véritable régime communautaire démocratique et parlementaire et le fait d’être tenu à l’écart de décisions de grande importance pour la vie de nos peuples. Ceci pourrait en effet nous conduire à nouveau vers le nationalisme étroit que nous avons combattu. Ce retour au cadre national ne servirait ni la paix entre les peuples, ni le bien-être des populations.
Pour nous, socialistes, il ne peut y avoir et il ne doit y avoir que la marche en avant vers une Europe démocratique.
 

 
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris