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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
BoulouqueLAfon / NPA
Les habits pas très neufs du NPA
par Sylvain Boulouque et Éric Lafon

à propos de :
Olivier Besancenot et Daniel Bensaid, Prenons parti. Pour un socialisme du XXIe siècle, Mille et une nuits, 2009, 372 p, 16 € ;
Philippe Pignare, Etre anticapitaliste aujourd’hui. Les défis du NPA, La Découverte, 2009, 180 p, 15 € ;
François Coustal, L’incroyable histoire du NPA, Demopolis, 2009, 234 p, 14 €)

Article paru dans L’OURS n°388 mai 2009, p. 4

L’extrême gauche fait l’actualité : journaliste, politique, sociale et livresque. Cette affirmation est loin d’être abusive au vu des nombreuses publications qui lui sont consacrées et à la couverture médiatique qui lui est dédiée. Le phénomène tourne d’ailleurs – première limite de cette « percée » – autour du seul leader du tout nouveau parti anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot, ancien porte-parole de la LCR dissoute pour laisser la place à cette nouvelle formation politique. La couverture du livre de Coustal est à cet égard révélatrice : pas moins de trois photos du dirigeant trotskiste.


NPA ? Curieux nom qui évoque l’émission télévisée « Nulle part ailleurs ». On pourrait s’arrêter à la surface des choses et ajouter au décryptage médiatique, un autre décryptage… médiatique. Mais prendre la mesure de la réalité politique de cette nouvelle formation est, nous semble-t-il, nécessaire. Nous proposons aujourd’hui une grille de lecture et nous la soumettons au débat. Nulle prétention de notre part, bien évidemment, de donner les clés du savoir encore moins la réponse politique adéquate. C’est parce que les analyses jusqu’à maintenant diffusées ne nous apportent pas grand-chose mais aussi parce qu’elle, nous le pensons, surévalue l’impact de cette extrême gauche sur la société française. Cette surévaluation créant même, chez certains responsables politiques, notamment à gauche, une crainte en terme électoral.

Observer le NPA comme les autres partis
L’histoire et les sciences politiques ont mis à notre disposition des outils d’analyses affûtés pour disséquer un parti, sa force, son implantation, son impact sur la société. Car un parti et sa réalité politique ne s’appréhendent pas au travers d’innombrables prestations cathodiques ou de dossier sur « la fabuleuse histoire d’Olivier » ou sur les prétendues menaces de « la gauche rouge ».

Un Parti c’est d’abord un programme (en l’occurrence, disponible sur Internet et dans sa version longue dans l’ouvrage signé par Bensaïd et Besancenot). C’est aussi des rapports de force et de concurrence qui peuvent être évalués comparativement à la place et à ce que représentent d’autres partis politiques, ce parti étant dès lors jaugé en fonction de son degré d’influence sur la société. Si l’extrême gauche a pris du poids dans le champ politique et électoral, c’est à l’aune de l’affaiblissement de la gauche traditionnelle, notamment de son courant communiste, qui par un phénomène de vase communicant s’est vidé en partie au profit de LO et du NPA. Cette percée politique s’est accomplie sur ce que l’on peut considérer comme un « champ de ruines » : l’effondrement électoral du PCF relatif à sa crise structurelle et politique, l’affaiblissement et la crise qui touchent aussi le PS. Toutefois, cette « percée » affiche elle-même toute sa limite parce qu’elle a lieu dans un contexte de perte de crédibilité du politique qui affecte aussi l’extrême gauche. Plus que toute autre force politique, et quoiqu’elle en dise, l’extrême gauche, LCR/NPA, tout comme Lutte ouvrière, est assimilée à l’idéologie communiste à laquelle une frange minoritaire, classe ouvrière comprise, a adhéré. L’idée même de changement de société a perdu toute crédibilité depuis les déceptions générées par les reculs accusés par le seul engagement réformiste au lendemain de la victoire de la gauche en 1981. Ce contexte pèse aussi sur l’extrême gauche, même si la LCR/NPA et/ou LO considèrent toujours que seule la révolution est à même de changer la vie. Depuis la fin de l’URSS, la LCR, contrairement à LO, a considéré qu’une refonte théorique, au moins partielle, était nécessaire. Elle a été engagée sous l’égide du théoricien historique de la LCR, Daniel Bensaïd. Le trotskisme s’est alors fondu dans l’altermondialisme, l’écologie politique, les nouveaux secteurs de la gauche sociale et radicale. Ces nouveaux habits libertaires ressemblent à la redingote du fondateur de l’URSS dans sa version tactique de l’État et la Révolution.

Cet aggiornamento ne s’est pas fait sans tension au sein de l’organisation. Il manquait à la LCR un porte-parole incarnant ce nouveau look et qui soit un aussi bon produit médiatique que la leader de LO. La LCR l’a trouvé en la personne d’Olivier Besancenot. La réussite est réelle mais elle doit être mesurée. Alors que la LCR d’Alain Krivine n’a jamais guère dépassé les 2 %, celle d’Olivier Besancenot n’a atteint que 5 %. Un résultat électoral très faible mais qui toutefois a pris une réelle importance du fait de l’affaiblissement électoral du PCF et, à un degré moindre, du PS. Cependant la comparaison avec les scores du PCF entre 1995 et 2002 est sans appel et participe d’une perception surévaluée. D’autant plus qu’un tel résultat électoral lors d’une présidentielle pèse sur le propre résultat du premier parti de la gauche, le PS.

Les limites
Le NPA n’a pas encore de résultats électoraux, et s’il est probable qu’il gère le matelas électoral de la LCR, voire qu’il l’épaississe, parions qu’il demeurera dans les limites de celle-ci. L’adoption d’un même schéma catastrophiste pour dépeindre la réalité, la reprise du vieux discours léniniste sur la crise et la dégénérescence du système capitaliste, l’exaltation d’un militantisme pur et entier, la prétention à s’ériger comme le seul représentant de la « vraie » gauche, la commercialisation médiatique de figures tutélaires comme le Che ou Louise Michel – l’utilisation de ce verni libertaire permettant ainsi d’oublier le caractère dictatorial du guévarisme au pouvoir – ou la défense du caudillo vénézuélien, Hugo Chavez –, quand bien même tout cela est explicité chez Michel Drucker, ne suffit pas à provoquer l’adhésion conséquente d’une part importante de nos concitoyens. Dès lors, la force supposée du NPA n’est-elle pas seulement perçue à l’aune de la faiblesse des engagements et des réponses politiques de ses concurrents ?
Sylvain Boulouque & Éric Lafon
 

 
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