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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
CAndar/Pech-Maurin 1907Mutins
1907, LA GLOIRE DES MUTINS, DU MYTHE A L’HISTOIRE
par Gilles Candar

a/s de Rémy Pech et Jules Maurin, 1907. Les mutins de la République, Toulouse Privat 2007 336 p 19 €


Le Midi a commencé la célébration des événements si fameux du printemps 1907 : la révolte vigneronne, avec ses manifestations, ses émeutes, ses drames (six morts à Narbonne les 19 et 20 juin) et, à l’acmé de cette crise, la mutinerie du 17e régiment de ligne (20 et 21 juin), avant que le gouvernement Clemenceau ne parvienne à apaiser la situation, maintenant l’ordre et
acceptant certaines revendications.


Rémy Pech et Jules Maurin, deux historiens majeurs de la société méridionale et de la République, deux anciens présidents d’université aussi, mais également co-auteurs d’un film documentaire (FR3), Lo darnier crostet sur ce sujet en 1982, se sont retrouvés et associés pour publier un livre passionnant et original. Il ne s’agit pas d’un nouveau récit des événements, mais pour l’essentiel de la transcription et du commentaire de documents originaux : les souvenirs écrits peu ou longtemps après par plusieurs soldats, ainsi que les chansons et poèmes issus de ce moment de révolte vite devenu légendaire.

Un conflit situé dans son temps
Comme l’indique très nettement Maurice Agulhon dans sa préface, la crise de 1907 peut être replacée dans l’histoire séculaire des affrontements nationaux, qui voient se conjuguer conflits politiques, sociaux et régionaux. Au début du XXe siècle, la lutte politique entre Révolution et Contre-Révolution, est pour l’essentiel close avec la victoire affirmée et consolidée de la République. Les oppositions les plus fortes portent sur la question sociale ou les oppositions régionales. C’est ce qui donnerait son aspect particulier à la crise de 1907, à la fois intense et vive, mais fondée sur un unanimisme social d’un Midi globalement républicain, qui empêche malgré tout, à une exception près, les pires dérives.
Cette lecture est plutôt confortée par les textes publiés et analysés par Rémy Pech et Jules Maurin. Des soldats guère tentés par l’antimilitarisme, qui réagissent surtout pour éviter d’être malgré eux utilisés de manière répressive et dans l’émotion particulière de toute une région en effervescence et que viennent de meurtrir les fusillades de Narbonne. En somme, des soldats citoyens, solidaires de leurs parents et amis, pas des révolutionnaires ou des insoumis.

Les enjeux de mémoire
Les auteurs s’emploient d’ailleurs à expliquer la formation, et donc aussi à démonter les légendes tenaces sur la répression ou les conditions de vie des soldats dans le sud tunisien. On retrouve bien sûr l’immortel Gloire au 17e de Montéhus, mais aussi d’autres chansons, plus populaires dans le Midi, et au message politique moins formalisé. Sans trop s’y attarder d’ailleurs, avant même que s’impose la tradition rouge entretenue par le PCF et l’extrême gauche languedocienne, ou le régionalisme le plus revendicatif, Rémy Pech et Jules Maurin notent le rôle joué par L’Humanité et Jaurès dans l’élaboration d’une mémoire qui transforme quelque peu les données factuelles pour faire du « geste hardi » un acte plus conscient et déjà quasi-révolutionnaire. Face à un Clemenceau habile, mais aussi mesuré et raisonnable, s’expriment plutôt ici à la fois la voix des « mutins » et celle des chansonniers et journalistes qui bâtissent la légende.
La mémoire de la mutinerie est vive et source d’histoire elle-même. Les auteurs évoquent Lénine chantonnant Montéhus (mais la Kroupskaïa donnait Ils ont brisé mon violon comme sa chanson favorite, en tout cas, il semble bien attesté que Lénine chantait en français…).
Mais il faut aussi avoir vu et entendu Rémy Pech entonner ses beaux refrains et les faire reprendre par tout un public de sages universitaires pour en apprécier toute la force. Ici, c’est la parole des intervenants qui est privilégiée. On le comprend et on l’approuve, même si sans doute quelques mises en perspective auraient pu être indiquées de manière moins elliptique.
Puisqu’il s’agit d’un moment important de notre histoire sociale et républicaine, le lecteur aurait pu apprécier de savoir par exemple quand et comment le code militaire a pris en compte le complexe refus d’obéir ? Il est vrai que cela se trouve ailleurs, tandis qu’ici, pour une fois, parlent en priorité les Castan, Guiraud, Batut, Durand, Moulières, Rabat, Gaches, Bozon et Fondecave, ces « braves pioupious » qui ont bien mérité, enfin, qu’on les écoute un instant…
Gilles Candar
L’OURS 369 juin 2007 p. 6
 

 
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