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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Bergounioux/Van Middelaar 419
Identification de l’Europe,
par ALAIN BERGOUNIOUX

à propos du livre de Luuk Van Middelaar, Le passage à l’Europe. Histoire d’un commencement, Gallimard, Bibliothèque des Idées, 2012, 480 p, 27,90 €

Article paru dans L’OURS n°419, juin 2012, page 1

Voici un livre important. Il y a certes déjà eu beaucoup d’études sur l’histoire et les problèmes de la construction européenne. Les crises actuelles et les incertitudes sur son avenir redoublent cependant nos interrogations. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que l’Union européenne est un « objet politique non identifié » ! Nous voyons bien que son cours a échappé aux chemins simples de la « fédération » ou de la « confédération ». Jacques Delors a parlé déjà, à la fin des années 1990, d’une « fédération d’Etats Nations ». Ce qui est simplement nommer le problème. Luuk Van Middelaar, qui travaille auprès du Président du Conseil européen, Herman Van Rompuy (excellent poste d’observation !) reprend toute la question. Et, il le fait d’un double point de vue, celui de l’historien et celui du philosophe. Ce qui confère à son étude un intérêt tout particulier.

Le point clef est la part décisive que fait l’auteur à l’apparition, dans l’ensemble européen, d’une « sphère intermédiaire », entre celle des Etats, qui obéissent à la logique du « concert des nations », et celle de la « communauté», relevant des institutions et d’une logique d’intégration. Le Conseil européen en a été l’expression institutionnelle depuis 1974. Mais cette « table » des Etats est plus qu’une confédération. Elle est en gestation depuis les débats mêmes de la Construction européenne dans les années 1950. Nous ne sommes pas ainsi passés de « l’Europe fédérale » des Pères fondateurs à « l’Europe intergouvernementale » de la crise de l’Euro. Plusieurs logiques ont toujours coexisté. Ce sont les évènements extérieurs – les chocs historiques que l’Europe a connus qui ont été décisifs pour les équilibres de la construction européenne et pour donner un rôle clef à cette « sphère intermédiaire » qui a permis d’agir pour que l’Union européenne assume plus de responsabilités et élargisse ses domaines d’action, mais, en même temps en limitant l’intégration.

Trois stratégies

Trois stratégies ont été mises à l’œuvre pour forger un sentiment d’appartenance et un peuple européen. L’auteur distingue ce qu’il appelle une « stratégie à l’allemande », tendant à favoriser une identité culturelle, une « stratégie à la romaine », mettant en œuvre des droits et des avantages pour les européens, une « stratégie à la grecque », cherchant une participation démocratique. L’Union européenne a avancé dans ces trois directions. Mais toutes les trois ont trouvé leurs limites et n’ont pas supplanté le rôle des nations. Les analyses qui sont faites pour suivre ces trois stratégies qui partent des débuts, pour prendre en compte jusqu’à notre actualité, permettent de mettre de l’ordre dans toutes les initiatives prises depuis plus d’un demi-siècle.

Elles ont été cumulatives et importantes. Mais aucune n’a pu faire que le fondement de l’Union ne soit plus « un collectif de publics nationaux » et que, par conséquent, plusieurs légitimités ne continuent pas de coexister. L’évolution du rôle du Parlement européen est, à ce titre, significative. L’élection directe des députés a été obtenue en 1974 que pour faire accepter la création du Conseil européen des Chefs d’Etats et de gouvernement. Sa fonction législatrice s’est étendue. Mais il manque « un pouvoir exécutif » qui soit réellement responsable devant lui. Des voies nouvelles se cherchent. Mais l’échec du projet de Constitution, en 2005, montre toute la difficulté de dépasser les contradictions actuelles.

Une Union peu compréhensible

Cela dit, le temps a déjà à ce point entremêlé les solidarités que l’Union européenne est plus forte qu’il ne peut y paraître. Ce sont les grands évènements et les crises qui, jusque là, l’ont amené à s’inventer et à se réinventer. Mais, en mêlant toujours les trois logiques sans qu’une ne l’emporte définitivement. Cette situation, cela dit, crée de la complexité et rend l’Union peu compréhensible par les opinions nationales qui demeurent à son fondement. Le temps de sa construction s’étire sans qu’un horizon soit clairement perceptible. La difficulté de l’incarnation dans un « récit » unifié crée un manque. La méthode du « consensus » ne cesse de montrer ses limites. Mais l’union peut-elle supporter un conflit qui serait structurant ? La réponse n’est pas évidente. Et l’auteur se garde de conclure avec trop de certitudes.

Alain Bergounioux
 

 
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