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Bergounioux/Simone 402
Un boulevard pour la droite ?
Par Alain BERGOUNIOUX

A propos de Raffaele Simone, Le monstre doux. L’occident vire-t-il à droite ?, Le Débat/Gallimard 2010 175 p 17,50 €

Article paru dans L’OURS n°402, novembre 2010


La gauche européenne a-t-elle perdu la bataille idéologique, les vertus du
collectif et la solidarité ayant cédé devant le triomphe de l’individu roi, égoïste et fier de l’être ? La droite serait-elle plus en phase avec l’évolution de nos sociétés ?


La revue Le Débat, en organisant une confrontation sur « Le déclin de la gauche européenne », a mis en lumière cet essai paru en Italie, il y a trois ans. Raffaele Simone, professeur de linguistique à Rome, essayiste reconnu, prend en compte les difficultés de la gauche européenne – incontestables quand on compare sa situation électorale actuelle à ce qu’elle était encore il y a dix ans – par l’analyse des raisons qui font les droites mieux adaptées à l’évolution des sociétés européennes que les gauches qui, faute d’avoir pris à la mesure d’un renouvellement nécessaire, après la faillite des communismes, ont été conduites à l’insignifiance.

Des sociétés plus égoïstes
Sa thèse est rude. Sans doute est-elle trop frappée au coin du déterminisme. Mais elle contient des analyses convaincantes sur l’état de nos sociétés. Fragmentées et divisées, elles sont commandées par trois impératifs, la consommation, le divertissement, le jeunisme qui se cumulent pour enfermer les individus dans un égoïsme, qui érode le lien social, et explique les formes de rejet de l’autre qui se multiplient aujourd’hui. L’argent devient alors la valeur qui étouffe toutes les autres. C’est cet état de fait qui amène l’auteur, familier des écrits de Tocqueville, à forger la notion de « monstre doux ». Étudiant, en effet, dans De la démocratie en Amérique, la logique d’évolution des démocraties modernes, en des propos souvent cités, Tocqueville écrivait : « Si le despotisme venait à s’établir chez les nations démocratiques de nos jours, il serait étendu et plus doux, il dégraderait les hommes sans les tourmenter. » Les droites, de manière plus ou moins affirmées, explicitement en Italie, avec Silvio Berlusconi, et en France, avec Nicolas Sarkozy, prennent non seulement le parti de cette évolution – que constate Raffaele Simone sans en analyser vraiment les causes – et l’encouragent, à la fois en naturalisant les différences et les inégalités et en conflictualisant la société. Cette évolution frappe évidemment de plein fouet la valeur centrale des gauches, la solidarité, qui légitime les politiques de redistribution sociale. Elle discrédite le débat démocratique pour le transformer en spectacle. Elle amène à minorer le rôle des institutions collectives qui ont permis à la gauche d’organiser des contre-pouvoirs dans la société, d’imposer des compromis entre le travail et le capital, l’État et le marché, la solidarité et la compétition. Bref, Raffaele Simone n’hésite pas à parler d’un véritable « bouleversement civilisationnel » qui créé un terrain répulsif pour la gauche.

Quelles valeurs de gauche ?
Alors que faut-il qu’elle fasse ? C’est là – et cela n’est guère surprenant – que le livre tourne un peu court. L’auteur appelle les gauches à être à « la hauteur des temps », à renoncer à ses « complexes » qui l’ont désarmée – il est fort sévère avec les tentatives de « troisième voie » influentes en Italie – sans pour autant renouer avec les « illusions » destructrices du communisme. Concrètement, moins dans son livre que dans les interviews qu’il a données autour de son livre, il appelle à définir le rôle des États, à restaurer des services publics efficaces, à défendre fermement la laïcité, à privilégier l’éducation et la culture, à veiller au pluralisme des média, etc. Tous termes qui sont quand même familiers aux hommes et femmes de gauche. Il y faudra seulement beaucoup de volonté. Car, il est vrai que les normes des droites modernes ont su s’imposer et rallier des populations désorientées dans les dernières décennies. La bataille culturelle – « l’hégémonie » aurait dit un autre italien – n’est pas gagnée et elle est aujourd’hui comme hier décisive.

La tâche est difficile. Mais il faut l’entreprendre sans se décourager à l’avance. Les valeurs des européens, en effet, sont plus composites que cet essai stimulant le pense. Ceux-ci sont, en fait, partagés et aimeraient trouver des raisons d’espérer. Le politologue Albert Hirshman avait mis en évidence, il y a quelques années, dans nos sociétés des cycles d’action et de retraits civiques, de « bonheurs publics » et « bonheurs privés ». La considération des évolutions aux États-Unis mêmes – patrie du capitalisme – montre que tout n’est pas figé et qu’il y a place pour la volonté.

Alain Bergounioux

Note de la rédaction :Comme le rappelle Alain Bergounioux, Le Débat a ouvert depuis plusieurs mois ses colonnes à des contributions sur le devenir de la gauche, plus particulièrement celui de la social-démocratie européenne à partir des analyses de Raffaele Simone et d’Ernst Hillebrand notamment. Sa propre contribution a été sollicitée et publiée sous le titre : « Demain la social-démocratie ? », dans le numéro 161, septembre-octobre 2010. Cet article est aussi consultable sur le site de l’OURS.
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