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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Castagnez/Jeuland-Combard
Socialistes, images et clichés par NOELLINE CASTAGNEZ

Le Siècle des socialistes
un film de YVES JEULAND et VALERIE COMBARD
Cinétévé 2005 109 mn

Quelles images les socialistes ont-ils conservées de leur histoire ? Telle est la question à laquelle répond ce documentaire à vocation plus patrimoniale qu’historique. Car si ses archives sont puisées aux meilleures sources et suscitent la curiosité par leur diversité et leur originalité, leur montage renvoie aux socialistes un reflet qui ne devrait guère les surprendre. Et surtout, ce film participe à cette propension à l’expiation propre aux socialistes.

On retrouve, en effet, au panthéon socialiste les grandes figures attendues, telles que Jean Jaurès et Léon Blum, et même le radical Pierre Mendès France, puisqu’il est vrai que les socialistes s’en réclament depuis Épinay. Et sont voués aux gémonies le Paul Faure pacifiste et vichyste, le Guy Mollet qui assuma « la politique de pacification » en Algérie, et le François Mitterrand qui nia les écoutes de l’Élysée. Pour les uns, comme pour les autres, le trait est appuyé par des procédés de style : musique lyrique pour Jaurès ; images de la répression dans le bled sans commentaire et sur fond de piano pour Mollet… Aucun contrepoint n’est apporté. On oublie le travail de reconstruction du parti réalisé par Paul Faure, secrétaire général au lendemain de la scission de 1920 ; on ne s’attarde guère sur la politique européenne de Guy Mollet ; et le droit d’inventaire finit par réduire les deux septennats de Mitterrand à ses mensonges.
Ce point de vue manichéen apparaît aussi dans les zones d’ombre de ce siècle. Citons deux exemples. Les socialistes basculeraient dans l’Union sacrée à cause de la mort de Jaurès, alors qu’il est peu probable qu’ils aient pu échapper à « la culture de guerre » – pour reprendre le concept cher à l’École de Péronne – dont était imprégnée la société française. Mais, dès l’entre-deux-guerres, évoquer régulièrement l’assassinat du tribun pacifiste permettait déjà aux militants d’échapper au remord d’avoir consenti à la boucherie. De même, le film stigmatise le vote des pleins pouvoirs à Pétain, le 10 juillet 1940, par 90 parlementaires socialistes, avec la même ardeur que mirent les socialistes clandestins à les exclure pour effacer une tâche jugée indélébile. Mais il omet de rappeler que certains d’entre eux entrèrent en résistance et que les 36 socialistes qui refusèrent leur confiance au maréchal représentent 45 % des « non ». On aurait donc aimé plus de nuances, lesquelles étaient rendues possibles par le renouvellement de l’historiographie de ces dernières années. Ainsi, le passage sur la reconstitution du Parti dans la clandestinité et la pluralité des engagements socialistes dans la Résistance est-il bienvenu et se fait l’écho – entre autres – des Socialistes en Résistance, 1940-1944 (Pierre Guidoni et Robert Verdier (dir.), Seli Arslan, 1999). Enfin, on peut regretter qu’après 1981, période de notre mémoire vive, le film s’emballe et nous laisse quelque peu sur notre faim. Sont-elles si difficiles à digérer ces années d’alternance et de cohabitations ?
Le film offre néanmoins de passionnantes images, qui rendent bien l’aspiration du peuple de gauche à plus de justice sociale, son exaltation en temps de victoire en 1936 ou en mai 1981, la tension de ses débats internes (Tours, guerre d’Espagne…) et la relation passionnée des socialistes avec leur frères ennemis communistes. En cela, il constitue un précieux outil pédagogique pour évoquer, en classe, l’ambiance, les cultures et les pratiques politiques de ce siècle. Mais à l’heure où la question européenne les divise à nouveau comme au temps de la querelle sur la CED (1954), ce film permettra moins aux socialistes d’objectiver leur histoire que Les Poings et les roses. Le siècle des socialistes (La Martinière, 2005). Il en dit long, en revanche, sur les crispations de leur mémoire collective.
Noëlline Castagnez
 

 
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