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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Hohl/Chapuis368
Du rocardisme sans Rocard, par Thierry Hohl

a/s de Robert Chapuis, Si Rocard avait su…témoignage sur la deuxième gauche ,
L’Harmattan 2007 248 p 20 €

Tout au long de son livre, Robert Chapuis nous livre un témoignage passionnant sur ce que fut son parcours, individuel mais aussi collectif, au sein de la « deuxième gauche ».

Membre du PSU, rejoignant le Parti socialiste au moment des Assises du socialisme en 1974, éminent rocardien, secrétaire d’État chargé de l’enseignement technique sous le gouvernement Rocard (1988-1990), animateur des Clubs Convaincre, Robert Chapuis fut militant parisien, puis ardéchois, maire, conseiller général, conseiller régional et député. L’ouvrage foisonne d’aperçus sur les aléas de la vie militante, la figure du « traître » revient régulièrement, sur le fonctionnement des cabinets ministériels, sur les confrontations au sein du Parti socialiste, en particulier entre rocardiens et mitterrandistes.

Un courant rocardien ?
L’apport de l’ouvrage est dans ce qu’il nous donne à lire de l’activité militante de ce courant socialiste né dans les années 1970 mort à la fin des années 1990, le courant « rocardien ». Pour Robert Chapuis, cette appellation « rocardien » apparaît finalement peu pertinente pour qualifier le regroupement né des Assises du socialisme, poursuivi les décennies suivantes. Ce compagnon de toujours de Michel Rocard nous fait part de sa « surprise » au moment du discours de Nantes sur les deux cultures : « Si le discours de Michel Rocard a surpris Mitterrand, il nous a également surpris et même stupéfait », de son agacement devant l’incapacité de Rocard à mettre en place une stratégie politique victorieuse après la défaite socialiste aux élections législatives de 1993 : « Ce qui a été manqué en 1980, manqué en 1987 ne pouvait réussir en 1993, tant qu’on en restait à une bataille interne ».

De fait, il met en évidence les différents cercles du « rocardisme », de l’entourage aux instances du courant. Cette diversité mérite étude, enquêtes pour démêler les différentes strates de ce courant à la fois interne au Parti socialiste et externe à travers les Clubs, les liens avec la CFDT et un certain nombre d’intellectuels qui apparaissent au fil des pages, Patrick Viveret, Pierre Rosanvallon, Jacques Julliard. Ce qui donne sens à cette « constellation » militante, l’expression convient sans doute mieux que « courant » pour nommer cette pluralité d’engagements, c’est l’appartenance à la « deuxième gauche ». Cela apparaît tout de suite dans la structure de l’ouvrage puisque à la narration de l’enfance catholique de l’auteur, succèdent cinq pages sur la « notion de deuxième gauche », surplomb du récit postérieur de Robert Chapuis, militant de la « deuxième gauche » plus que rocardien.

Ce dispositif met en évidence un des ressorts de cette constellation, aujourd’hui morte, sa capacité à nommer sa position hors des clivages internes au Parti socialiste, à partir de l’érection de la culture comme fondement de sa mobilisation, de l’invention d’une tradition historique à partir des écrits de Saint-Simon, Proudhon. À partir de ce point de vue, le classement habituel en droite/gauche au sein du Parti socialiste ne saurait rencontrer leur assentiment puisque leur point de vue s’organise autour d’un passé, la première gauche étatiste, etc. à laquelle la « deuxième gauche » a vocation à succéder.

Leur qualification de courant de droite, par tous les autres courants, renvoie à leur capacité à mobiliser contre le discours majoritaire, des ressources contemporaines issues des sciences sociales – à nouveau le rôle des intellectuels – la culture politique contre l’idéologie, la société civile contre l’État, l’autogestion contre la planification autoritaire, ce qui pour leurs détracteurs situe les « rocardiens » hors de la tradition socialiste, dans la « gauche américaine ». Les deux discours s’entrechoquent, se défient, se confrontent avant de se rejoindre dans les années 1990.

En témoignent les difficultés rencontrées par Robert Chapuis pour faire durer le courant à travers les clubs Convaincre, la volonté de regrouper différents clubs dans une structure commune, toutes tentatives qui échouent suite à la victoire aux élections législatives de 1997, qui mobilise les acteurs de ces groupements dans les cercles du pouvoir.

La deuxième gauche a-t-elle gagné ?
Si dans la dernière partie de son livre, « Jalons et Balises », Robert Chapuis fait retour sur l’expérience collective et personnelle que fut l’engagement dans la « deuxième gauche », il démontre son intégration au courant majoritaire du Parti socialiste lors des dernières confrontations, laissant ouverte une double question : la « deuxième gauche » a-t-elle gagné culturellement et perdu politiquement au sein du Parti socialiste, ou son évolution – sa disparition ? – témoigne-t-elle de son adaptation aux nécessités du pouvoir au sein d’une « culture de gouvernement » commune à l’ensemble des socialistes ?

C’est sans doute une des grandes vertus du livre de Robert Chapuis que de suggérer de nombreuses pistes de recherches sur les années 1970 et 1980.

Thierry Hohl
(article paru dans l’OURS n°368 mai 2007)
 

 
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