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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Castagnez/Programme commun/L'OURS 422
L’union de la gauche est un combat ,
par NOELLINE CASTAGNEZ

à propos du livre dirigé par Danielle Tartakowsky et Alain Bergounioux L’union sans unité. Le programme commun de la gauche 1963-1958, avant-propos de Claude Bartolone, Rennes, PUR, 2012, 307 p, 19 €
Article paru dans L’OURS n°422, novembre 2012, page 1

Cet ouvrage est la publication remaniée des actes du colloque éponyme des 19 et 20 mai 2010 à Pantin, organisé par les Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, la Fondation Jean Jaurès, l’OURS et la fondation Gabriel Péri.

La signature, le 27 juin 1972, du programme commun de gouvernement entre le Parti communiste et le Parti socialiste, bientôt rejoints par les Radicaux de gauche, tient une place singulière dans l’histoire et la mémoire de la gauche. Il fut à la fois le symbole de l’union et le prétexte à la désunion ; il évoque encore aujourd’hui un moment de ferveur militante, mais aussi le souvenir d’une désillusion. Grâce aux archives des organes dirigeants, souvent inédites, et aux témoignages des protagonistes, cet ouvrage collectif, qui réunit une vingtaine de chercheurs et une dizaine de témoins, revisite par conséquent la genèse de ce moment singulier, son contenu et ses effets tant sur le terrain national qu’à l’étranger, jusqu’à la rupture de 1978.

Le « moment » programme commun
Les quatre parties sont précédées d’une double introduction : l’une de Danielle Tartakowsky qui, en synthétisant les apports majeurs du livre, constitue en fait une excellente conclusion, l’autre d’Alain Bergounioux qui contextualise la place du programme commun dans la dynamique politique française des années 1970. La première partie est consacrée à l’élaboration du texte du point de vue partisan des trois signataires (D. Lefebvre, J. Vigreux et F. Fogacci) et sous l’angle thématique d’enjeux brûlants et délicats à traiter, tels que la rupture économique (M. Fulla), les Droits de l’Homme en URSS (H. Chauvin) et les questions agricoles (F. Conord). La seconde partie ouvre la perspective en étudiant les différents regards posés sur le programme commun, tant en France à gauche (M. Lazar) et à droite (B. Lachaise), dans l’opinion publique (P. Goetschel) ou à la FEN (I. Ferhat), qu’à l’étranger chez les socialistes européens (G. Vergnon). Cet élargissement de l’étude de la réception du texte est très neuf et permet de mieux saisir l’ampleur du « moment » programme commun dans l’histoire politique européenne. Plus classique mais nécessaire, la troisième partie propose un panel de mises en œuvre sur le terrain, avec deux exemples locaux en Bretagne (F. Prigent) et Seine-Saint-Denis (E. Bellanger), lors des échéances électorales (F. Gougou), au niveau municipal (R. Lefebvre) et entre les différentes tendances du PS (G. Morin). La quatrième partie, enfin, regroupe les témoignages de Roland Dumas, René Piquet, Pierre Mauroy, sur la genèse du texte et, en aval, ceux sur la rupture de Charles Fiterman, Lionel Jospin et Roger-Gérard Schwartzenberg, issus de la table ronde animée par Gérard Grunberg.

La stratégie de l’union « froide »
L’ouvrage montre ainsi le long cheminement du programme commun depuis 1962, qui dut contourner nombre de contraintes telles que la loi municipale du 27 juin 1964 (qui interdit de fusionner les listes au second tour dans les communes de plus de 30 000 habitants), la candidature unique à la présidentielle de 1965 ou encore l’échec de la gauche en juin 1968. En fait, ce programme « marxo-keynésien » accélère la recomposition idéologique et culturelle de la gauche en affirmant le primat de la régulation administrée. Mais, à la différence du Front populaire de 1936 et du CNR en 1944 – dont les souvenirs peuvent être réactivés – les syndicats ne sont cette fois-ci pas directement impliqués et les conflits s’autonomisent des débats engagés autour du texte. Si le programme commun ne bouleverse pas en profondeur le clivage gauche/droite avec la création du MRG, d’une tendance gaulliste de progrès qui s’y rallie et, à l’inverse, la sécession d’une frange des socialistes inconciliables, il interpelle à la fois le gouvernement, la droite et l’opinion publique dans son ensemble, bien conscients du tournant qu’il constitue dans la culture politique de gauche. Le programme fait enfin l’objet de diverses instrumentalisations, par les syndicalistes pour justifier leur stratégie (telles que la CFDT et la FEN qui se rapprochent du PS), par François Mitterrand et le PS pour prendre la tête des luttes sociales, les radicaux de gauche pour assurer leur survie, et même par le PC qui, en réclamant sa réactualisation, entraîne sa rupture. À terme, la victoire de mai 1981 révèle que la stratégie d’union « froide » avec les communistes, voulue dès Épinay par Mitterrand, était la bonne.

Réorganisé et complété par les mises en perspectives de D. Tartakowsky et A. Bergounioux – ce qui n’est que trop rare dans les publications d’actes de colloque – doté d’un gros cahier de 33 pages de documents en couleurs et d’un index des noms propres, cet ouvrage constitue, par conséquent, la référence incontournable pour qui veut comprendre ce que fut le programme commun dans l’histoire politique de la gauche et de la Ve République.

Noëlline Castagnez

 

 
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