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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Girard/Duhamel L'OURS 370
Mitterrand, homme de parti
par PASCAL GIRARD

a/s de Éric Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, Préface de Hubert Védrine, CNRS Editions 2007 371 p 25 €

Ce livre est en fait la version remaniée de la thèse sur l’UDSR soutenue en 1993 par Éric Duhamel (à la mémoire duquel cette parution rend hommage). Le titre est donc en partie trompeur, puisqu’il s’agit avant tout de l’étude d’un parti politique, l’Union démocratique et sociale de la Résistance. Toutefois, elle remet en effet en perspective le parcours hors-norme de François Mitterrand qui, on l’oublie un peu parfois, fut d’abord une des personnalités les plus prometteuses de la Quatrième République.


L’UDSR naît à l’été 1945 de la volonté des dirigeants du MLN de créer un vaste mouvement travailliste issu de la Résistance. Cette initiative ne devait cependant rien à la faiblesse des anciens partis qu’il aurait fallu suppléer : elle visait au contraire à sauvegarder l’esprit et la lettre du programme du CNR face à des partis renaissants et dynamiques.

L’échec du parti de la Résistance
Logiquement, ce furent uniquement des mouvements de résistance qui s’agrégèrent à cette union, pour l’essentiel l’OCM, Libération Nord et Ceux de la Résistance. Le comité directeur du nouveau mouvement comprenait ainsi une liste impressionnante de résistants prestigieux représentant (hormis les communistes) une vaste gamme de sensibilités : socialistes, démocrates-chrétiens, gaullistes, etc. – hétérogénéité appelée à devenir rapidement problématique. Si l’objectif de créer un grand parti travailliste répondait aux vœux de Léon Blum, la SFIO, qui se défiait d’un mouvement prétendant phagocyter l’héritage de la Résistance et rassembler laïques et chrétiens, accepta seulement de modestes rapprochements tactiques. Isolée sur sa gauche, mais aussi sur sa droite par l’absence de soutien du général de Gaulle, l’UDSR n’obtint que 31 députés à la Constituante d’octobre 1945 et entama dès lors un lent et inexorable déclin.
Elle se dota progressivement des structures d’un parti de masse, mais demeura malgré tout bien faiblement implantée en dehors de Paris et de quelques départements où les personnalités résistantes jouèrent un rôle crucial. Même si François Mitterrand apporta par la suite les bataillons des prisonniers de guerre, l’UDSR restera un parti de cadres vivant principalement autour de l’activité de son groupe parlementaire. Mis en danger par le départ des gaullistes en 1949, puis par la défaite des législatives de 1951, ce groupe fut sauvé par l’arrivée des députés du RDA, accentuant le poids dominant que tint la question de l’Union française dans les préoccupations des dirigeants. Mais à mesure qu’elle s’affaiblit, l’UDSR abandonna l’objectif de régénérer la vie politique pour y participer pleinement et se transformer en une pépinière de ministres, son président René Pleven devenant par deux fois un président du Conseil relativement pérenne. S’identifiant à un régime qu’elle n’avait ni la volonté ni le pouvoir de réformer, elle le suivra dans l’opprobre et mourra sans élu ni réelle filiation au tout début de la Cinquième République.

Mitterrand antigaulliste
Prenant acte de la nature même de l’UDSR, Éric Duhamel avait truffé son travail de nombreuses biographies, parmi lesquelles domine la figure de François Mitterrand. Suivant la trame de l’ouvrage que l’auteur lui avait consacré en 1998, cette étude redonne sa véritable dimension au personnage et fait justice d’une légende parfois poussée au noir. Entré à l’UDSR en 1947, François Mitterrand devint vite le leader d’une aile gauche anti-gaulliste et opposée à l’attitude trop opportuniste de Pleven. Il s’assura d’une majorité au sein de l’Union dès 1951 et en fut le président à partir de 1953. Sa conquête du parti ne devait rien au hasard, mais en plaçant ainsi ses pions son but était en premier lieu de contrecarrer la ligne de René Pleven. Ce dernier laissa la place sans lutter à celui qui s’affirma par la suite comme un authentique chef de parti. Meneur d’hommes, François Mitterrand s’attacha d’ailleurs a sein du RNPG-MNPGD puis à l’UDSR nombre de fidèles qui le suivirent et soutinrent souvent jusqu’à l’orée du pouvoir. S’il se révéla effectivement un homme politique ambitieux – mais est-ce un défaut en politique ? – qui fut en dépit de sa jeunesse onze fois ministre ou secrétaire d’Etat, il sut également se montrer intransigeant lorsque ses principes étaient en jeu. C’est ainsi lui qui fait basculer l’Union dans l’opposition en 1953 en rejoignant les vues de Pierre Mendès France sur la question de l’Indochine.
Un des intérêts principaux de ce livre est sans doute d’analyser de façon claire et détaillée l’attitude de François Mitterrand vis-à-vis des deux chevaux de bataille de son mouvement durant les années 1950 : l’Europe et l’Union française. Force est de constater que dans l’ordre des priorités, le souci de sauvegarder les liens avec les territoires d’outre-mer – ce qui pour lui signifiait en fait l’Afrique – l’emportait largement sur la volonté de construire une Europe (qu’il soupçonnait même de les menacer).
Sans être toujours ni un précurseur ni le plus libéral, il se rallia néanmoins à des positions avancées que lui dictaient à la fois son réalisme devant les faits et la fidélité à ses idéaux. Conscient par exemple de l’étendue de l’injustice coloniale et soucieux de ne pas faire couler le sang, c’est entre autres lui qui en tant que ministre pris le risque politique de faire revenir le RDA au Parlement – ce qui lui valut des attaques haineuses. Son attachement proclamé à l’Algérie témoigne, certes, qu’il fut un homme de son temps mais, durant les années d’agonie du régime, il fit montre d’une fermeté d’opinion et d’une résolution qui manquèrent cruellement à ses contemporains.
Cette histoire de l’UDSR est donc celle d’un échec – celui de la constitution d’un parti de centre gauche héritier de la Résistance. Mais elle est aussi le récit des origines d’un « homme exceptionnel, atypique et inclassable », qui surmonta – et de quelle façon ! – la fin sans gloire de son parti, de la Quatrième République et d’une grande partie de la classe politique d’alors.
Pascal Girard
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