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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Castagnez / Mai 68 Mots Tournier
Mai 68, les mots d’une révolution

par NOELLINE CASTAGNEZ

a/s de Maurice Tournier, Les mots de mai 68, Toulouse Presses universitaires du Mirail 2007 127 p., 10 €)

Voici un petit livre, fort pratique et ludique comme tout abécédaire, qui pointe la révolution verbale que fut avant tout mai 68.

Cette collection, qui a pour objectif de définir les contours et les concepts d’une discipline ou d’un objet, compte déjà plusieurs réussites auxquelles vient s’ajouter cette étude du langage de mai 68. Son auteur, Maurice Tournier, ancien directeur de recherche au CNRS en sciences du langage, a créé et dirigé le Laboratoire de lexicométrie politique de L’ENS de Saint-Cloud. Fondateur de la revue Mots, il étudie l’étymologie sociale, le discours électoral et syndical et a également publié plusieurs romans.

En mai 68, les mots ne furent pas de simples signes, sorte de buttes témoins pour l’historien d’aujourd’hui, mais bien des acteurs de cette histoire, par leur force de mobilisation et de provocation. « La parole aux travailleurs ! », « La parole est à nous ! », « Parlez à vos voisins ! », tels étaient les slogans d’un mouvement qui décréta « le droit à la parole », comme le constata Michel Rocard. C’est pourquoi l’auteur cite, en avant-propos, une phrase, datée de 1968, de Michel de Certeau : « Les révolutionnaires de mai ont pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789. »

Après une brève chronologie des événements, l’ouvrage se présente sous la forme d’un abécédaire où sont recensés et expliqués tous les mots essentiels, sous la forme de bouquets thématiques, tel que par exemple : « Grève ; Grévistes ; Occupation ; occuper », lequel renvoie à « Autonomie, autogestion, CFDT, CGT, Grenelle et Revendication ». Cette présentation en grappes, si elle crée une véritable circulation à l’intérieur du livre somme toute assez ludique, rend l’index final particulièrement nécessaire et pertinent. Moins heureuse, est l’indication systématique, sous la forme de chiffres assez mystérieux entre parenthèses, de l’indice de fréquence de chaque mot dans chacun des corpus. L’ouvrage est, en effet, fondé sur trois corpus de sources distincts : tracts, slogans et graffitis et discours émanant de l’État, et utilise la lexicologie sociale.

Les mots des deux camps
Le lecteur trouvera entre autres : autogestion, barricades, base, CGT, Charléty, enragé, et étudiants bien sûr, mais aussi Grenelle, groupuscule, mouvement, Nanterre, pavé, troskystes et UNR... Chaque entrée est présentée de façon sobre et factuelle en citant les déclarations, slogans et graffitis de l’époque, qui ne manquent pas de saveur. Ainsi, à la lettre L, lundi est défini comme le « jour préparé par le dimanche en jour d’affirmations de la “base” ». On y apprend que certains termes sont également utilisés dans les deux camps, mais avec des sens différents : « dictature » sous-entendu gaulliste pour les uns, gauchiste pour les autres. Un mot tel que « démocratie » ne signifie plus tant la prise du pouvoir d’État que celle du pouvoir dans l’entreprise. Il est confirmé que « femmes » n’apparaît pour ainsi dire jamais – il faudra attendre août 1970 pour que soit créé le Mouvement de libération de la femme. Certains mots, tels que « Désirs ; Jouir ; Plaisir ; Amour ; Bonheur, heureux ; Cœur », qui ont pourtant tant marqué les mémoires comme étant le sel de mai 68, furent en fait l’apanage des graffitis et slogans oraux. « Jouissez sans entraves » déclare le graffiti de la faculté de médecine de Nanterre. Licence de l’anonymat ?

À la fin, sous forme de clin d’œil, Maurice Tournier a pris le soin de laisser aux lecteurs nostalgiques une page vierge intitulée « Mes mots ». Ce petit livre invite donc à un vagabondage très dans l’esprit de mai 68. Mais, alors qu’une multitude de documentaires, discours, affiches etc. risque de nous faire perdre le sens de cette histoire, il se révèle avant tout comme un outil précieux pour décrypter toute la production verbale de mai 68.

Noëlline Castagnez
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