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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Candar/Moreau, Réformisme 371
Jacques Moreau, L’Espérance réformiste. Histoire des courants et des idées réformistes dans le socialisme français
préface d’Alain Bergounioux
L’Harmattan « Des poings et des roses » 2007 186 p 14 €

La collection « des poings et des roses », coéditée par la Fondation Jean Jaurès et l’Ours chez L’Harmattan, me semble s’être vite imposée comme une référence des débats d’histoire et de doctrine du socialisme français, et même européen. Sa dernière publication, L’Espérance réformiste, de Jacques Moreau, contribue à ce renom, même si on peut discuter certains partis pris de méthode.


Hélas, nous ne pouvons plus mener cette discussion avec l’auteur, puisqu’il s’agit d’un ouvrage posthume. Jacques Moreau (1927-2004) fut, on le sait, non seulement un haut fonctionnaire et un acteur important du monde économique et social, longtemps à la tête du Crédit coopératif, mais aussi un socialiste, engagé depuis sa jeunesse, membre de plusieurs clubs (Jean Moulin, UCRG…) et d’organisations politiques (JS, SFIO, PSA, PSU, PS…), proche surtout d’Alain Savary. Outre ses travaux sur l’économie sociale, il a publié une étude sur Les Socialistes français et le mythe révolutionnaire (1997), qui fut justement remarquée.
Ce socialiste était un homme de culture, qui lisait et réfléchissait. Cela donne du poids et de la consistance à son dernier ouvrage et lui permet d’éviter bien des pièges. Ainsi, il a le grand mérite de ne pas commencer son étude avec le XXe siècle, mais de savoir qu’une bonne part de notre histoire politique et sociale se joue dès la Révolution française, et donc d’y remonter. Un historien qui sait évoquer Babeuf comme Ledru-Rollin, Armand Carrel comme Louis Blanc, est forcément quelqu’un à lire et à écouter avec sérieux. Ce n’est pas un faiseur. Ajoutons que Jacques Moreau sait exposer des idées complexes avec clarté et pertinence.

Révolutionnaires contre réformistes ?
Son parti pris est net. Jacques Moreau est de ceux qui pensent possible de comprendre l’histoire du socialisme français comme mettant aux prises un courant révolutionnaire, souvent ramené au religieux par les appréciations de l’auteur (credo, eschatologie, messianisme…) et un courant réformiste, une espérance certes, mais surtout ce qui serait « à l’origine de ses meilleures réussites » et aussi son « avenir » qu’il lui faudrait aujourd’hui assumer. Une telle conception est forte, pédagogique et structurante à la fois. Un chercheur aussi estimé du socialisme que Jacques Kergoat (1939-1999), par exemple, tout en se situant dans le courant « d’en face », le « révolutionnaire », la partageait pour l’essentiel.
Ce n’est pas mon cas, car il me semble qu’en procédant ainsi, on court le risque de forcer un peu trop le trait et de placer des équivalences abusives. Ce que dit Jacques Moreau est le plus souvent fin et informé, mais, dans sa volonté d’arriver à une synthèse ramassée (son texte représente environ cent quarante pages, fort bien accompagnées de préfaces, index, bibliographie, iconographie, etc. où se reconnaît la main experte de quelques oursons), il privilégie les idées, voire les abstractions, et agglomère parfois trop facilement du même côté des « réformismes » bien différents. Au fond, après 1871 (et encore !), la France ne connaît plus de révolution. Le socialisme, dans son action pratique, y a donc été volens nolens, réformiste. Certes, il se réclame longtemps de la révolution, mais Jaurès tout autant que Guesde, Blum aussi bien que Paul Faure ou Zyromski : il souhaite en principe une société débarrassée de l’exploitation capitaliste, où aurait disparu la propriété privée des moyens de production et d’échange. Sans doute, nous ne pensons plus cela maintenant : les valeurs fondamentales de la gauche et du socialisme ne passent plus nécessairement par une économie collectivisée et à l’inverse, celle-ci ne garantit pas la fin de l’oppression et de la domination.
Mais évitons l’anachronisme, péché majeur de l’historien ! Jaurès, Guesde, Blum, Bracke et d’autres étaient collectivistes et leurs débats ne portaient pas sur l’accommodement ou non avec le marché et la propriété privée des banques ou des industries. C’est ainsi, et même si on voulait raffiner et rechercher des prémisses, on pourrait être surpris : les guesdistes n’étaient pas des abrutis par principe et en ce qui concerne le monde rural, ils sont souvent en pointe pour la défense de la propriété privée, la terre aux paysans, « outil de travail » nécessaire comme sait très bien le démontrer l’astucieux Lafargue.

Un essai ancré dans l’actualité
Venons-en à une période plus récente : je ne disputerais pas à Jacques Moreau ses appréciations sur les aspects tactiques et opportunistes du congrès d’Épinay (1971), je crois que ce n’était pas la première fois, peut-être même pas la dernière… mais il est significatif qu’il soit conduit à faire le silence sur le PSU de la même époque. Pour le meilleur et le pire, ce que celui-ci exprimait alors avec Michel Rocard n’était pas la seule aspiration gestionnaire et réformiste que ses animateurs se sont depuis convaincus avoir toujours soutenue… Cela d’ailleurs n’enlève rien à l’intérêt des propositions finales de Jacques Moreau pour définir le socialisme contemporain. Mais il me semble que, passionnante, la lecture de cet ouvrage renvoie moins à l’histoire du socialisme qu’au débat doctrinal d’aujourd’hui.
Gilles Candar
 

 
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