ACTUALITE
L'OURS
PUBLICATIONS
DEBATS DE L'OURS
LIVRES DIFFUSÉS
SEMINAIRE OURS
ARCHIVES BIBLIOTHEQUE
TEXTES, IMAGES, DOCUMENTS
L'OURS Signale (colloque,
LIENS UTILES
NOUS ECRIRE
 
Nous joindre
L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris
Tél. 01 45 55 08 60
Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique :
e-mail : info@lours.org
 
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Desaix/Couple franco-allemand/L'OURS 425
À la UNE Les noces d’or du couple franco-allemand
par JEAN-FREDERIC DESAIX

à propos de Reiner Marcowitz et Hélène Miard-Delacroix (dir.), 50 ans de relations franco-allemandes, Fondation Charles de Gaulle / Editions Nouveau Monde, 2012, 234 p, 24 € et Hélène Miard-Delacroix, Histoire Franco-allemande, le défi européen de 1963 à nos jours, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012, 394 p, 39 €)

Article paru dans L’OURS n°425, février 2013

Signé en 1963 entre l’Allemagne et la France, le Traité de l’Elysée a 50 ans. Cette année commémorative ne manque pas d’occasions et de sujets pour jeter un regard sur les relations entre les deux pays. Deux ouvrages offrent une analyse assez complète de ces relations à la fois fraternelles et tumultueuses. Liens personnels, stratégie politique, prospérité économique, ou sens de l’histoire, sont autant d’angles pour aborder la construction de la relation franco-allemande depuis la fin de la guerre. La question récurrente reste celle du rôle de cette relation dans l’édification et l’approfondissement de l’Union européenne : pilier ou nécessité ?

Comme le rappelle Alfred Grosser dans l’ouvrage collectif, ce traité n’est pas le point de départ de l’amitié entre les deux pays dont l’histoire franco-allemande alterne depuis plusieurs siècles entre paix et guerre. Il est plus un symbole qu’un engagement bipartite. Hélène Miard-Delacroix souligne aussi que ce traité, mort-né du côté allemand, est signé en pleine essor économique des deux côtés du Rhin et qu’il sera ébranlé par les premières crises. Il est vrai qu’il a peu de conséquences pratiques en 1963 mais il relance un processus bloqué depuis quelques années. En réaffirmant le lien entre deux peuples, il met en place les prémices d’une mécanique de collaboration nécessaire et basée sur une paix durable. Le Traité de l’Elysée témoigne aussi des difficultés à construire une communauté européenne solide et déterminée, à l’instar de l’échec de la CED en 1954 dont il faut mesurer les conséquences encore aujourd’hui. En 1963, la relance de la construction européenne passe par la stabilisation des relations, notamment du point de vue économique, puisque c’est sur cette voie que s’engage l’Europe en 1957 à l’occasion des traités de Rome. Les relations deviennent rapidement un mariage de raison entre la crédibilité économique allemande et le poids international de la France. La communauté de destin qui en découle est alors régulièrement alimentée par un « couple franco allemand », devenu une véritable institution.

Un couple, des couples
Les relations personnelles entre les dirigeants des deux pays sont une constante de l’entente franco-allemande et les deux ouvrages le rappellent : De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Chirac-Schroeder… Plus ou moins stables, ces couples sont une nécessité de l’histoire européenne. À certaines époques, les relations semblent d’autant plus fortes à titre personnel que les contenus de la collaboration sont faibles. La poignée de main entre François Mitterrand et Helmut Kohl marquera l’histoire. Pourtant, en 1984, les relations franco-allemandes restent divergentes sur bien des points. L’enjeu est de « désintoxiquer » les relations, de leur donner de la contenance et de l’élan, notamment côté français, où le sentiment alterne entre crainte et admiration. Si les personnalités jouent un rôle indéniable, le rapport entre les deux pays dépasse les hommes qui les dirigent. Il s’inscrit dans un processus largement enclenché, malgré les résistances des uns et des autres : celui de la création d’une union des pays européens. En 1963, de Gaulle et Adenauer se convertissent à ce qu’ils avaient combattu jusqu’en 1958. Non pas qu’une « providence » appelle à ce que la paix règne définitivement entre l’Allemagne et la France, mais parce que l’homme politique se doit de considérer, en pleine conscience, qu’il ne peut en être autrement.

Une relation à l’image de la construction européenne
Durant les 50 dernières années, les auteurs relèvent que les mésententes s’accentuent en période de crise, malgré les accords et traités successifs dans les domaines culturel, économique, éducatif ou de défense. C’est le cas encore aujourd’hui dans une crise sans précédent depuis 2008. En dépit de contact permanent entre l’Allemagne et la France et d’une habitude de travail renforcée depuis la réunification de l’Allemagne, les modes de pensée et d’action ne progressent que très lentement. Dans la recherche de positions communes, les divergences, génératrices de frictions et d’attentisme entre deux pays, nuisent forcément à la dynamique globale européenne.

Ces rapports ambigus sont un révélateur de l’impuissance des pays européens à construire un intérêt public commun. Si on ne peut nier la force de relations tissées au cours des années, il ne faut donc pas en sous-estimer leur fragilité avec toutes ses conséquences sur le dessein européen. C’est le questionnement de ces deux ouvrages qui s’interrogent, en conclusion, sur la possibilité d’une société commune franco-allemande. Ses contours sont encore flous mais elle est le symptôme d’une utopie indispensable à la pensée politique.

Jean-Frédéric Desaix
 

 
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris