ACTUALITE
L'OURS
PUBLICATIONS
DEBATS DE L'OURS
LIVRES DIFFUSÉS
SEMINAIRE OURS
ARCHIVES BIBLIOTHEQUE
TEXTES, IMAGES, DOCUMENTS
L'OURS Signale (colloque,
LIENS UTILES
NOUS ECRIRE
 
Nous joindre
L'OURS 12 Cité Malesherbes 75009 Paris
Tél. 01 45 55 08 60
Pour être informé de nos activités (réunions, parutions, séminaires…), laissez nous un message électronique :
e-mail : info@lours.org
 
L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Prochasson / Le PS et les intellectuels
Esquisse d’un nouveau pacte entre les intellectuels et la gauche

Extrait de l’article de Christophe Prochasson, Les intellectuels et le parti socialiste : vieux schémas, nouvelle donne
Recherche socialiste 39-40, juin-septembre 2007, p. 111-120
(Intellectuels… de gauche ? / Histoire d’un désamour / L’heure des techniciens / Penser et débattre dans l’univers médiatique / L’éthique du savant contre celle de l’engagement / Pitié pour les intellos / Esquisse d’un nouveau pacte entre les intellectuels et la gauche)


« Il revient donc d’imaginer aujourd’hui un nouveau pacte entre les intellectuels et la gauche politique qui ne repose plus sur les malentendus légués par les pratiques d’une histoire morte. Celles-ci réservaient aux intellectuels une place en surplomb : consultants techniques ou garants d’une morale universelle, à l’écart des exigences dures du combat politique. À moins qu’ils n’aient renoncé à faire valoir toute autonomie comme dans le modèle guesdiste, si bien représenté par Bracke-Desrousseaux, ou, autre variante, par le modèle communiste.
La première mission des intellectuels revient à exercer une veille critique. Ils alertent sur les pièges du sens commun, dénoncent les périls de la langue de bois, secouent les catégories épuisées. Cette tâche ne doit pas pour autant faire d’eux des observateurs vétilleux et détachés comme s’en esquisse la formule chez quelques historiens de gauche qui réduisent leur rôle à veiller aux « bons usages » de l’histoire et à dénoncer, au nom de la « vérité historique », les emprunts tactiques habilement opérés par la droite actuelle au pouvoir. La gauche politique est en droit d’attendre des savants autre chose que cette fonction frileuse de veilleur de nuit obnubilé par la garde de son coffre uniquement rempli de références historiques.
C’est d’un autre modèle d’intellectuel dont la gauche a besoin que celui que l’histoire du XXe siècle lui a transmis. Ce modèle héroïque a fait long feu comme bien des héritages du siècle passé, nés d’ailleurs dans le siècle précédent. Il faut proposer une alternative plus démocratique qui contredit l’idée que les intellectuels disposeraient naturellement de prérogatives morales et politiques. Ils n’ont finalement, comme le disait Durkheim au temps même de l’affaire Dreyfus, que des « habitudes professionnelles », utiles, comme d’autres, à la réflexion que peut développer une famille politique à un moment donné. En réintégrant simplement les intellectuels dans le débat politique, sans user d’une vieille dramaturgie attribuant à ceux-ci des qualités éminentes parfois imaginaires, la gauche contribuera à sortir du piège dans lequel l’a enfermée sa croyance dans « la parole des gens », dans cette dictature calamiteuse d’une « opinion » aussi insaisissable que toxique. Redonner leurs droits aux idées, et non se noyer dans les « valeurs », reprendre confiance dans la volonté née de l’analyse du réel et de convictions enracinées dans une culture et une morale, c’est redonner à la politique un espace qu’elle semblait avoir perdu. »

Christophe Prochasson
 

 
© L'OURS - 12 cité Malesherbes 75009 Paris