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Le Bot / Crise de 29 / 404
1929, LES LECONS D’UNE CRISE MONDIALE,
par FLORENT LE BOT

à propos du livre de Pierre-Cyrille Hautcœur, La crise de 1929, La Découverte, 2009, 127 p, 9,50 €

Article paru dans L’OURS n°404 janvier 2011, p. 8

Voici un court ouvrage, utile, précis, clair et très stimulant, qui fait le point sur les diverses interprétations à propos de la grande crise des années 1930.

L’intérêt de cet ouvrage est de décentrer une histoire qui est généralement présentée à partir d’un déclenchement de la crise aux États-Unis sous la forme d’une crise financière, du 24 octobre 1929 (Jeudi noir) au 29 octobre 1929 (Vendredi noir), puis de sa transmission aux autres pans de l’économie du pays (industrie, agriculture, commerce), ainsi qu’au reste du monde, plus ou moins rapidement, plus ou moins profondément et plus ou moins durablement. La récession, souligne Pierre-Cyrille Hautcoeur, commence dès 1928 en Allemagne, en Pologne, mais aussi en Argentine, au Canada, en Australie et au Brésil. Il s’agit d’envisager la crise à la fois dans sa dimension internationale et dans ses fondements structurels.

Un épisode d’une guerre de trente ans
De ce point de vue, les suites de la Première Guerre mondiale, les effets de la révolution russe, et l’incapacité des européens à faire la paix paraissent d’un examen essentiel. Les États-Unis sont devenus le grand créancier international. Les réparations exigées de l’Allemagne à la suite du traité de Versailles (132 milliards de marks-or, soit 2,7 fois le PIB allemand en 1913) s’inscrivent du point de vue français dans la poursuite d’une pratique imposée à la France en 1815 déjà, puis en 1870, mais ouvre une période d’instabilité et d’hyperinflation en Allemagne (1923). Le plan Dawes (1924) – étalement des réparations et prêt américain – solidarise les États-Unis au sort de l’Allemagne, « rempart contre le bolchevisme », tandis que la France, liant dettes de guerres et question des réparations, se voit refuser l’accès au marché financier américain. Avec la guerre, les dépenses budgétaires des belligérants ont explosé. Les mesures pour rétablir les équilibres monétaires et budgétaires se révèlent variable et de dosages divers : hausses des impôts, baisse des dépenses publiques, réduction de la dette publique par le jeu de l’inflation. L’hyperinflation qui en découle en Allemagne, Autriche, Hongrie et Pologne, contribue à la crise sociale et au traumatisme des populations et rend inenvisageable le retour de telles politiques durant les années 1930. La Grande-Bretagne mène une politique de forte austérité pour rétablir la parité livre-or (1925) au prix d’une décennie de stagnation économique, d’un chômage massif et de la répression sociale (1926, grève générale violemment réprimée). Par ailleurs, la géographie du commerce mondial s’est modifiée : nouveaux acteurs sur les marchés (États-Unis en Amérique latine, Japon en Asie, Scandinavie pour la construction navale, etc.), multiplication des frontières en Europe, etc., contribuant aux tendances protectionnistes. À la fin des années 1920, la situation internationale est fragile, l’Europe s’avère trop faible et divisée pour contrôler l’économie mondiale ; les États-Unis, bien que premiers exportateurs de capitaux, investissent insuffisamment à l’étranger dans la poursuite d’une tradition protectionniste.

La crise de la première
mondialisation

À côté des bouleversements structurels ancrés dans la guerre et la transformation du commerce international, l’auteur rappelle les analyses de la dépression des années 1930 centrées sur deux catégories d’explication : l’instabilité durable des marchés de produits primaires, en particulier agricoles ; la tendance à la surproduction dans le capitalisme le plus avancé, en particulier aux États-Unis. Il rappelle également les explications par les chocs conjoncturels dont l’accumulation semble avoir joué un rôle déclencheur aux États-Unis : la baisse des prix sur les marchés de matières premières et le surendettement des ménages conduisant à un début de crise, qui se voit aggravé par le krach boursier, débouchant sur des crises bancaires qui ont contribué à multiplier les faillites et à faire chuter la production et les prix. Toutefois, Hautcoeur insiste sur le fait que la crise américaine n’est pas indépendante d’une crise insérée dans une économie en partie mondialisée. Le XIXe siècle, rappelle-t-il, est indissociablement celui de la mondialisation (capitaux, marchandises et hommes) et celui du nationalisme (mises en places des banques centrales, tarifs douaniers, politiques d’immigration). Les années 1920, correspondent à la volonté des grandes puissances de réorganiser la mondialisation en renforçant la concertation et ses institutions (Société des Nations, Organisation internationale du travail, Banque des règlements internationaux, etc.). Ainsi, jusqu’à la crise, un certains nombre de règles de bonnes conduites semblent plus ou moins respectées : le protectionnisme protège mais n’empêche pas le commerce ; les migrations peuvent être freinées, non bloquées ; les capitaux taxés, mais leur circulation maintenue ; les politiques monétaires peuvent atténuer l’impact des crises, mais pas remettre en cause le cadre de l’étalon-or. La crise renverse ces fondements, approfondissant les effets de la dépression et radicalisant les tensions et les conflits entre États qui débouchent sur la Seconde Guerre mondiale.

Un constructivisme social
toujours à renouveler

Les politiques de sorties de crise telles qu’elles ont pu être menées en matière monétaire et budgétaire, industrielle et d’emploi et de protection sociale, présentées par l’auteur, se sont heurtées d’une part, à la complexité de l’évaluation des causes multiples et entremêlées de la crise, d’autre part, à celle des bénéfices et des coûts de chacune de ces politiques. Depuis, la recherche n’a cessé d’avancer sur ces évaluations, sans aboutir de manière complète à la définition de la part respective des causes, à la mesure des bénéfices nets des politiques. Pour l’auteur, il est clair qu’il s’agit de trouver des solutions collectives à des interdépendances accrues par la spécialisation. De premiers diagnostics en ce sens se mettent en place dès la grand dépression, pour trouver à s’exprimer pleinement avec les Trente glorieuses. Avec la crise ouverte en 2007, Pierre-Cyril Hautcoeur en appelle à « un constructivisme social renouvelé, qui ne cherche pas à imiter les leçons du New Deal – le monde a changé –, mais à repenser et construire une société nouvelle, sans doute à l’échelle internationale plus que selon le nationalisme dominant de la grande dépression. »

Florent Le Bot
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