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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Chapuis/Godino L'OURS n°370
Un nouvel horizon pour le capitalisme
par Robert Chapuis,

a/s de Roger Godino, Réenchanter le travail, Pour une réforme du capitalisme, La Découverte 2007 188 p 15€

Roger Godino est incorrigible : après avoir publié en 1997 Les sept piliers de la réforme (Editions Albin Michel), voilà qu’il se mêle de vouloir réformer le capitalisme lui-même ! À cette fin, ce n’est pas sur le capital qu’il s’appuie, mais sur le travail, en bon social-démocrate : il faut lui redonner toute sa valeur, individuelle et collective, il faut le « réenchanter ».

Il est vrai que dans nos sociétés qui furent industrielles, le travail a cessé d’être le moteur de la vie sociale. Il subit l’internationalisation d’un capitalisme devenu essentiellement financier : les travailleurs sont sur la défensive, tandis que les actionnaires tiennent le haut du pavé. Les cadres subissent la loi du profit maximum et les managers eux-mêmes en sont réduits à négocier leurs indemnités en cas de départ anticipé. De ce fait, la mondialisation crée de nouveaux rapports de force : nos vieux pays en subissent les conséquences, mais le monde lui-même peut devenir le champ de nouveaux conflits entre des puissances concurrentes et la guerre commerciale ou la nécessité de maîtriser les sources d’énergie et de production peuvent déboucher sur des affrontements sanglants où les armes de destruction massive ne seront plus maîtrisables.
La révolution mondiale à travers l’internationale des travailleurs ayant fait long feu (sauf pour quelques tenants de la IVe Internationale), il faut finalement tenter de sauver le capitalisme de lui-même par une réforme consciente et organisée. Après une analyse des risques du « capitalisme total », selon l’expression de Jean Peyrelevade, Roger Godino constate qu’il existe encore plusieurs types de capitalisme et qu’il est urgent de s’engager dans le renforcement d’un capitalisme de type européen capable de réduire les inégalités, de réhumaniser le travail et de sauvegarder les équilibres naturels. À cette fin, ses propositions s’orientent dans deux grandes directions : l’évolution de l’entreprise dont le statut doit devenir plus associatif et la réforme de la fiscalité dont la capacité redistributrice doit être mieux utilisée.

Réformer l’entreprise
Pour l’entreprise, il préconise de distinguer le conseil de surveillance, fondé sur les partenaires du capital investi (salariés, actionnaires, sous-traitants, clients…) et le directoire chargé de mettre en œuvre un développement profitable pour tous. Ce mécanisme devra bien entendu être adapté pour les PME, mais dans tous les cas il demande transparence, simplification, compétence, sens du compromis (donc de la négociation). S’il faut maintenir la notation financière qui doit aider à rentabiliser au mieux le capital et à soutenir l’investissement tout en améliorant les salaires, il faut donner la même importance à la notation sociale ou sociétale qui doit, sous le contrôle de l’État, garantir les finalités sociales et environnementales de l’entreprise : un système de bonus/malus à travers la fiscalité directe ou certains droits accordés à l’entreprise (du type « droits à polluer ») doivent permettre d’améliorer aussi bien les conditions de travail que l’efficacité de l’entreprise dans un environnement mieux protégé. Enfin, la fiscalité doit être simplifiée, au service de l’emploi, mais aussi des bénéfices de l’entreprise : une CSG calculée sur la valeur ajoutée de l’entreprise remplacera le système complexe des charges sociales et un impôt modéré sur le capital viendra progressivement remplacer l’impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle.

Pour une politique des revenus
Pour résorber la pauvreté et réduire les inégalités, une politique des revenus est nécessaire. Elle doit à la fois respecter la valeur du travail et donner à chacun les moyens de son existence. D’où le maintien de la CSG assise sur les revenus, avec un système de franchise variable selon l’importance des revenus sur les dépenses de santé. D’où la distinction entre un revenu minimum d’existence (RME) qui s’inspire de l’actuel RMI, garanti à chacun, et un revenu normal d’existence (RNE) qui se calcule sur des bases proches du SMIC, en tenant compte de la situation familiale. Le RNE doit représenter un avantage par rapport au RME, ce qui incitera au travail, il servira aussi de référence par rapport au revenu réel pour déterminer l’imposition sur le revenu, soit sous forme d’un impôt progressif de plus en plus lourd, soit sous forme d’un impôt négatif qui se substituerait au mécanisme assez pervers de la prime pour l’emploi (Allocation compensatrice de revenu). Enfin, la fiscalité sur le patrimoine serait également simplifiée, avec une imposition modérée (par exemple 0,72 %) sur la totalité du patrimoine (hors outil de travail, résidence principale, etc.) qui remplacerait l’ISF et l’impôt sur la succession, étant entendu que chaque jeune à 18 ans se verrait doté d’un capital de 10 000 e, auquel peuvent s’ajouter des prêts remboursables sur l’activité ultérieure : libre à lui de l’utiliser, jusqu’à 25 ans, pour ses études, son logement ou la création de son activité.

La dimension européenne
Mais le capitalisme n’est plus national : sa réforme implique de passer à l’échelle de l’Europe. Roger Godino fait le constat qu’elle est en panne, sur le plan politique, mais d’abord sur le plan économique et social. Sa croissance est très inférieure à celle des États-Unis et des états émergents (Chine, Inde, Brésil…), d’où un endettement dangereux. Sa démographie est stagnante, quand elle n’est pas en régression, alors que le monde va passer de 6 milliards d’habitants à 9 milliards en 2050. Le budget de l’Union européenne ne permet pas de tenir les objectifs de Lisbonne (Europe de la connaissance) et elle est incapable de définir une politique en matière d’énergie dans un univers qui doit faire face aux conséquences du réchauffement climatique. Après un tel diagnostic, Roger Godino estime qu’il faut faire un choix : ou bien l’Europe se délite progressivement ou bien il faut fédérer les pays de l’Euroland et les intégrer à pleine puissance dans une Union plus large qui bénéficiera en retour de leur croissance. Il y faudra une Banque centrale européenne plus soucieuse de croissance, un impôt européen (au moins à terme), un effort considérable sur la Recherche-Développement et les Universités, une politique de l’énergie analogue à celle qu’avait permis la création de la CECA, une politique démographique fondée sur l’allongement de la durée du travail, une immigration maîtrisée et une politique de natalité dont la France a jeté les bases.
C’est dans ce cadre que doit s’inscrire la réforme négociée du capitalisme, avec un cadrage politique où les parlements nationaux doivent tenir une place suffisante et avec un encouragement constant à la négociation, grâce à un renforcement du syndicalisme européen.
Ce résumé ne donne qu’une mince idée de la vigueur réformatrice qui caractérise Roger Godino. Carrément « post-social-démocrate », il ne craint pas de faire des propositions concrètes, chiffrées, référées aux meilleures sources. À un moment où la gauche s’interroge sur son avenir et sur sa façon de se rapporter aux réalités du travail et de la vie sociale, cet ouvrage nous incite à réveiller notre intelligence et notre imagination, à être des réformistes conséquents et à ne pas seulement nous excuser de n’avoir pu faire la révolution.
Robert Chapuis
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