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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Guy Mollet, discours au congrès de 1945
1945. Le 37e Congrès de la SFIO


Le 37e congrès national de la SFIO se tient à Paris du 11 août au 15 août 1945. Le secrétaire général du Parti socialiste est alors Daniel Mayer, proche entre tous de Léon Blum. La France est dirigée par un gouvernement provisoire de la République, présidé par Charles de Gaulle, soutenu par les forces politiques issues de la Résistance : socialistes, communistes, etc.
Ce congrès débat des grandes questions de l’heure : rapports avec le PCF, mode de scrutin, action des socialistes au sein du gouvernement, et le mécontentement monte. Pour la première fois, Guy Mollet participe à un congrès national de la SFIO. Il s’y affirme comme un orateur capable de défendre ses idées politiques.
Le 12 août, dans une première intervention, il présente le point de vue de la fédération du Pas-de-Calais : le gouvernement doit changer dans ses orientations fondamentales, sinon les socialistes devront partir. Le lendemain, il prend de nouveau la parole, pour commenter la motion qu’il dépose, confirmant les propos qu’il a tenus la veille. Au vu du compte rendu du Populaire, il termine son intervention sous les "applaudissements" des délégués. A signaler que, pour Le Parisien libéré, c’est sous des "acclamations" qu’il descend de la tribune. En commission des résolutions, il défend son texte, mais il est largement battu, dans la mesure où il ne recueille qu’une voix - la sienne - pour soutenir sa position.
Il revient cependant à la charge, à la tribune, dans le débat du 15 août, et le congrès doit se prononcer entre son texte et celui présenté par la majorité du Parti. Il est certes de nouveau battu, mais, à la surprise générale il obtient près de 28% des mandats, score non négligeable.
Ce congrès de 1945 révèle aux cadres du Parti socialiste une nouvelle figure, une nouvelle forme d’expression politique, un militant qui ne s’encombre guère de précautions oratoires, pour dire ce qu’il estime être juste.
D. L.


GUY MOLLET , 5E SEANCE, DIMANCHE 12 AOUT :
Camarades, la fédération du Pas-de-Calais qui a l’honneur d’être la première de France avait espéré que son point de vue - que je suis chargé de vous exposer sur le problème de la Constitution- j’aurais pu l’apporter au congrès et non devant ce qui reste du congrès, à onze heures du soir.
Un certain nombre de questions doivent être reprises.
D’abord, le problème de la Constitution. Sur ce point, beaucoup trop de choses ont été dites, à notre avis. Le projet établi par nos camarades, une fois étudié par la commission, avec quelques amendements qu’il peut comporter, donnerait, j’en suis sûr, satisfaction à tous les camarades du Parti.
Mais, à côté du projet socialiste, auquel on ne peut faire que le reproche de n’être pas assez imprégné de socialisme, il y a le projet gouvernemental, et sur ce projet gouvernemental nous avons à prendre une position nette.
Le projet gouvernemental nous impose un certain mode électoral. Permettez à des fédérations représentant des départements importants, comme le Nord et le Pas-de-Calais, de vous dire que ces départements vont être particulièrement lésés dans leur représentation. C’est ainsi que, pour 2 millions d’habitants, nous aurons 22 députés, alors que, dans le midi, pour une population égale, le nombre des représentants sera de 44.
Il serait vraiment angoissant que nous venions dire ici notre mécontentement, si le congrès ne devait pas en tirer les conclusions qui s’imposent, à notre avis.
C’est encore une promesse qui avait été faite et qui n’est pas tenue. Elles commencent à s’accumuler, les promesses qu’on ne tient pas. On va en parler demain, et j’espère qu’une place sera faite dans l’ordre du jour, pour nous permettre de dire que l’épuration n’a pas été faite et de rappeler que les belles promesses de la période clandestine, nous sommes toujours à en attendre la réalisation ; pour nous permettre de dire qu’après avoir entendu pendant des mois et des années la radio de Londres nous répéter promesses et encouragements, nous attendons toujours que la justice républicaine fasse son oeuvre. Car elle passe, la justice républicaine, mais à côté (Applaudissements).
On nous a dit qu’il y aurait une assemblée consultative et qu’on la consulterait. On la consulte ; ou on ne la consulte pas ; et quand on la consulte, c’est pour ne pas tenir compte des avis qu’elle a donnés (Applaudissements).
Après quoi, on nous à dit : "Allez aux élections municipales ; vous ferez entendre votre voix". Et, quand on a su quelle était l’opinion du pays, on a refusé d’en tenir compte.
On nous avait promis qu’avant de faire les élections générales, on aurait nationalisé le crédit, la banque, l’électricité et le gaz. Nous irons aux élections générales avant d’avoir aucune des nationalisations - je ne dis pas des socialisations - qu’on avait promises (Applaudissements).
Enfin, on nous avait promis un mode de scrutin qui permettrait à chacun d’exprimer sa volonté, d’apporter son vote dans la clarté et la justice. Et au lieu de cela, on nous apporte ce scrutin bâtard que nous sommes unanimes à dénoncer.
Camarades, voilà le problème qui se pose à vous. Et je vous pose la question : Allez-vous permettre longtemps encore que des militants socialistes figurent dans le ministère et mettent leur signature, notre signature au bas de telles décisions ? (Cris : Non, non. Démission).
Camarades, c’est là le problème qui se pose.
Nous avons entendu très souvent expliquer qu’il est des unions impossibles, que nous ne pouvons pas nous tenir sur un terrain vraiment trop large, en compagnie de gens qui ne pensent pas comme nous. Est-ce que vous ne croyez pas que la formule actuelle soit précisément une de ces décisions impossibles ? (Applaudissements)
Il faut poser la question sous sa forme brutale. Demain, nos militants responsables doivent aller devant le chef du gouvernement et lui dire : "Des gaullistes, il y en a beaucoup dans le pays ; il y en a même trop ; il y a ceux qui, il y a un peu plus d’un an, hurlaient "Maréchal, nous voilà", qui viennent aujourd’hui s’affirmer gaullistes." (Applaudissements).
Nous ne devons pas avoir peur de dire cela au général de Gaulle, parce que nous savons que c’est nous qui sommes restés dans la véritable ligne de ce que nous étions, quand il y avait quelque danger à être gaulliste.
Il faut que nos militants aillent trouver le chef du gouvernement pour lui dire que nous ne voulons pas deux choses précises : 1., nous ne voulons pas que les élections au Conseil général aient lieu avant les élections à la Constituante ; 2., nous ne voulons pas que le mode de scrutin soit celui qui a été annoncé ; nous voulons une véritable proportionnelle, celle qui permettra à tous les électeurs d’exprimer leur volonté dans la justice et la clarté.
Et nos militants devront conclure : Si vous acceptez cela, nous restons dans le gouvernement ; sinon, nous entrons dans l’opposition (Applaudissements).
Qu’on ne nous oppose pas que les communistes resteront au gouvernement. Ce serait une faute de plus qu’ils commettraient en y restant dans de telles conditions (Vifs applaudissements. Cris : Bravo ! Bravo ! Démission !)

6E SEANCE, LUNDI 13 AOUT :
Camarades, au cours de la séance de nuit, hier, j’ai déjà été amené à aborder cette situation et cette discussion, et le succès que le congrès a fait, non pas à l’homme, mais aux idées qu’il a défendues, m’autorise à dire que j’avais la conviction que cela représentait la volonté unanime du Parti.
C’est bien dans le même sens que Jules Moch que j’interviens, mais je vais un peu plus loin que lui dans les conclusions que j’en tire au nom de la fédération du Pas-de-Calais (Applaudissements).
Je vous lis la motion de la fédération du Pas-de-Calais que, unanime, elle m’a autorisé à déposer :
"Le congrès
Constatant que s’accentuent les désillusions essuyées par le peuple français depuis la libération du territoire : justice incomplète, épuration sabotée, inobservation totale des avis de l’assemblée consultative, mépris des indications données par les élections municipales, non-réalisation des promesses faites quant à la nationalisation du gaz, de l’électricité, etc. ;
Constatant en outre que le gouvernement provisoire aujourd’hui vient de nous enlever l’espoir de voir réaliser la dernière promesse faite : celle de choisir nous-mêmes notre régime futur, grâce à des élections loyales ;
Constatant que le système proposé est une véritable duperie pour les régions ouvrières ;
Invite le comité directeur du Parti...",

- et nous rejoignons Jules Moch -
"... à entrer immédiatement en contacts avec le chef du gouvernement et à lui demander de revoir les décisions prises.
Si le gouvernement maintient les dates prévues pour les élections, dates qui font venir les élections cantonales avant les législatives, si le gouvernement se refuse à appliquer le scrutin proportionnel intégral avec quotient unique pour toute la France, le congrès invite alors le comité directeur à en tirer la seule conclusion possible : les militants socialistes, membres du gouvernement provisoire doivent quitter le ministère
(Applaudissements prolongés).
Le congrès estime, en effet, impossible de maintenir plus longtemps une coalition dans laquelle nos camarades ministres ne peuvent que compromettre inutilement le parti, puisqu’il n’est tenu aucun compte de leurs revendications essentielles." (Applaudissements).
Jules Moch : Je me félicite que cette motion ait provoqué ce bref débat, mais je pense que pour aujourd’hui lundi, nous devons faire tout ce qui dépend de nous pour essayer d’améliorer pratiquement le régime électoral.
Il y a un conseil des ministres demain. Si vous acceptez cette motion qui traduit, je crois, le sentiment unanime actuel, le gouvernement en sera saisi à son conseil de demain. Il vous restera la journée de mercredi, et mercredi, vous aviserez. (Bruit dans la salle).
Guy Mollet : D’accord.

8E SEANCE, MARDI 14 AOUT
Camarades, un certain nombre de nos camarades appartenant à différentes fédérations m’ont demandé d’être leur interprète à cette tribune. Ces fédérations sont celles du Tarn, de la Seine-et-Oise, du Gers et de la Vendée.
Ce n’est pas qu’il s’agisse de la constitution dans ce congrès d’une de ces tendances comme on en a connu. En effet, parmi les camarades au nom desquels je parle, il en est qui, avant-hier et hier, ont eu des positions différentes sur les divers problèmes et il en est d’autres qui, demain, probablement, quant nous aurons la réponse du gouvernement à notre démarche, se trouvent encore dans des positions différentes.
Il ne s’agit donc pas d’une tendance et, ici, qu’il me soit permis de vous présenter une remarque.
Vous me serez témoins que, lorsque je suis intervenu pour demander que ceux de nos camarades qui sont ministres dans le gouvernement soient invités à en sortir, je n’ai pas critiqué leur action ni apporté de blâme contre aucun d’eux.
Or notre journal, Le Populaire, ce matin, a affirmé que j’avais apporté, ici, une critique véhémente au sujet de la position de nos camarades socialistes au sujet des nationalisations. Il y a là un procédé inqualifiable. Une telle déformation des faits est inadmissible (Assentiment).
Le jour où, en Angleterre, nos camarades ont obtenu que les ministres socialistes quittent le cabinet Churchill, avaient-ils attaqué leur politique ? Non et si, demain, notre congrès prenait une décision analogue, il n’y aurait là aucun geste de défaveur à l’égard de nos camarades qui font partie du gouvernement.
J’en reviens au problème de l’unité proprement dit. A propos de l’unité, il est quatre positions possibles :
1°- Il y a ceux qui répondent : Non ! A ceux-ci, je leur demande puisqu’ils reprochent au Parti communiste sa déloyauté, de ne pas procéder de la même façon.
S’il faut répondre par un non au Parti communiste, du moins, allez y franchement, comme notre parti a l’obligation de le faire, et disons "non", mais pas avec des prétextes et en nous cachant derrière de fausses argumentations.
2°- Il y a la position qui consiste à répondre "oui", tout de suite et sans condition. Pour nous, oui, nous sommes disposés à faire le plongeon, mais que les autres le disent avec la même netteté.
3°- Ensuite, il y a les camarades qui, après avoir étudié avec nous tous la position défendue par le camarade Léon Blum, ont senti qu’entre le Parti communiste et nous des divergences profondes existaient encore, qui disent qu’entre ce parti et nous il y a des différences essentielles, que nous allons souligner dans quelques minutes.
Seulement, en ce qui concerne l’établissement de ces différences, on peut tirer deux conclusions différentes.
Il y a ceux qui disent que ces différences sont telles, qu’à la proposition d’unité il faut répondre par un non ;
4°- et il y a ceux, dont je suis, qui disent qu’il y a des différences qu’il faut constater, mais qui se défendent d’en tirer comme conclusion un "non", qui disent qu’il faut en tirer un "oui" et que nous devons engager des pourparlers avec le Parti communiste en vue d’atténuer ces différences, que nous connaissons (Assentiment).
Si notre ami Léon Blum était ici, je me permettrais de lui demander l’autorisation de lui faire un respectueux reproche : je lui reprocherais d’avoir donné la conclusion de ses articles avant d’avoir donné ces articles eux-mêmes.
Je lui reprocherais d’avoir dit : "A la proposition d’unité, je répondrai non", et de n’avoir pas dit pourquoi.
Et je lui reprocherais cela pour les raisons suivantes...
Ici, je me défendrai de faire parler le camarade Léon Blum contre sa volonté, de lui faire dire des choses qu’il n’eût pas dites et de présenter la question sous un jour qui porterait à faire croire qu’il est anti-unitaire, ce qui n’a pas été sa pensée.
J’ajoute que, si nous voulons faire l’unité, ce n’est pas parce que nous sommes des candidats au suicide, que nous sommes disposés à être la volaille qu’on plume. Non, se laissent plumer seulement les gens qui ont des âmes de volaille ! Les conditions que nous émettrons à l’unité constitueront des garanties, et nous les fixerons de la façon suivante : il faudra que, dans la charte du parti nouveau, figurent les engagements auxquels personne, à moins de forfaire à l’honneur, ne pourrait refuser de souscrire.
Par exemple, dans la charte du nouveau parti, devrait être spécifié l’attachement du parti à la sécurité collective afin d’affirmer cette position qui fut la nôtre et celle de Litvinov avant la guerre.
Je ne veux pas entrer dans les détails d’un problème et je veux essayer d’être bref, mais nous voulons que soit affirmée la position démocratique du nouveau parti. Nous sommes de ceux qui voulons que la condition humaine soit améliorée, nous n’acceptons pas la position de trop d’entre parmi nos camarades communistes qui sont obligés d’attendre L’Humanité du matin pour savoir ce qu’ils doivent penser dans la journée suivante.
En ce qui concerne les différences entre les méthodes des deux partis, les mêmes problèmes se posent, et nous voulons que nos camarades renoncent à cette sorte de machiavélisme qui est la base de l’action d’un certain nombre de militants qui l’ont depuis trop longtemps pratiqué.
Dénoncer les erreurs de nos camarades, vouloir qu’ils changent de méthode, ce n’est pas être anti-unitaire, mais, au contraire, procurer peut-être des adhérents au Parti communiste, en faisant la preuve que la véritable unité ce n’est pas l’unité de ceux qui se servent de l’unité comme d’un moyen (Applaudissements).
Je vais, maintenant, vous dire, camarades, après cette sorte de réquisitoire, pourquoi je suis partisan de répondre "oui" à la proposition d’unité.
C’est parce qu’à mes yeux il est deux sortes de communistes.
D’abord, il y a les anciens, qui n’ont rien appris, qui ne se sont pas aperçus qu’il s’était passé quelque chose entre septembre 1939 et septembre 1944. Aussi longtemps qu’ils seront les seuls à diriger leur parti, l’unité sera difficile, sinon impossible à réaliser.
Mais il y a aussi les autres, il y a les camarades communistes qui ne sont pas tenus par la philosophie ou même par les mots d’ordre d’activité, qui ne sont pas entrés dans l’étude des grands problèmes.
Quant à tous ceux d’entre nous qui avaient répondu "non", ce n’est pas qu’ils fissent tous figure d’anti-unitaires, mais nous sommes un certain nombre à penser qu’il faut répondre "oui !" (Applaudissements).
Je conclus qu’il nous faut répondre "oui", parce qu’un "non" serait le triomphe de ceux qui ne veulent pas le triomphe de l’unité et que l’unité, nous, nous la voulons de toutes nos forces.
Nous vous supplions donc, camarades, non pas de vous battre sur des motions différentes, mais de réaliser, d’abord, cette affirmation de notre foi quasi unanime que l’unité, vous la voulez et, ensuite, cette autre affirmation que vous la voulez, parce que vous savez que, si on ne fait pas l’unité dans ce pays, on ne fera pas la Révolution (Nouveaux applaudissements).

11E SEANCE, MERCREDI 15 AOUT :
Camarades, dans ce débat qui sera bref, je l’espère, mais qui est important, je vais m’efforcer de n’apporter dans la discussion aucune espèce de passion et de la maintenir sur le ton de gravité et de sérieux qui s’impose.
Vous connaissez les faits. Vous savez que lorsque nous avons eu, les uns et les autres, à dire quelle était notre opinion sur l’attitude politique du gouvernement depuis la Libération, c’est unanimement, sous une forme variée, parfois nuancée, que le congrès a manifesté son désappointement de ce qui avait été fait jusqu’alors.
Je dis sous une forme nuancée, en ce sens que, dimanche, nous nous sommes tous ralliés à la motion présentée par notre camarade Jules Moch, espérant que cette dernière tentative de conciliation nous apporterait des apaisements auxquels nous estimons qu’un parti comme le nôtre a droit.
Certains diront, certains ont probablement pensé que la manifestation qui a suivi le dépôt fait par moi-même d’une motion demandant le retrait des ministres socialistes, au cas où nous n’aurions pas satisfaction, avait pu être gênant au cours même des pourparlers. D’abord, je ne le crois pas ; et si je le croyais, je ne le regretterais pas, car j’estime qu’il est heureux que le pays ait été informé par la presse et par la radio que, dès ses premières assises, peu de mois après la libération, le congrès socialiste avait unanimement affirmé qu’il se désolidarisait de la politique qui a été, jusqu’ici, poursuivie (Applaudissements).
Donc, des camarades ont été reçus. Qu’il vous suffise de savoir, laissait de côté les détails, qu’à nos différentes démarches il a été répondu par une fin de non recevoir.
Le problème donc se repose aujourd’hui devant nous et j’ai l’obligation de dire en quelques mots quelle est aujourd’hui ma position.
Un certain nombre de faits se sont déroulés, depuis le jour où j’ai déposé la motion. J’ai déjà eu l’occasion de dire que c’était mon premier congrès national, malgré mes vingt-deux ans de Parti, et j’ai appris ici des choses que j’ignorais. J’ai été amené à constater qu’à côté des débats, nous avons à tenir compte des avis qui peuvent nous être donnés dans les couloirs par différents camarades. C’est ainsi que j’ai été, dans ces quelques jours, impressionné par la quantité et je dirai par la qualité des divers camarades qui sont venus m’affirmer et essayer de me démontrer que je me trompais.
J’ai entendu tous les arguments ; je suis allé, cette nuit, à la commission des résolutions, et quand nous sommes revenus à notre sous-commission de l’unité, nos camarades nous ont mis au courant de la position prise sur ce débat. Un échange de vues a suivi et j’ai été très vite convaincu que tout le monde, tout au moins à la commission, estimait qu’une démission de nos camarades ministres était soit inopportune soit même maladroite.
On ne m’a pas convaincu et, lorsque la commission a été appelée à voter, c’est à l’immense majorité, que dis-je ? c’est à l’unanimité moins ma seule voix que la motion que j’avais déposée l’autre jour a été repoussée.
C’est donc bien l’opinion de l’infime minorité de la commission que je viens aujourd’hui non pas réexposer, mais redéposer devant vous.
Je vous répète qu’il n’entre pas dans mes intentions, bien que mon intervention ait été assez passionnée, d’introduire dans ce débat une passion quelconque. Ce que je veux simplement, c’est vous dire que, dans le conflit sur la tactique qui se pose actuellement, nombreux sont les camarades qui pensent avec moi que ce serait un acte heureux que de savoir partir.
Sans doute, il y aurait eu des occasions plus heureuses pour justifier ce départ. Je regrette qu’on ne les ait pas saisies. Ce que je voudrais, c’est que vous fassiez un effort semblable à celui que je m’impose, celui de ne vous laissez guider ni par la passion ni par l’amitié et de juger en toute sérénité ce qui sera vraiment l’intérêt supérieur du Parti.
Ceci dit, j’en arrive à la lecture de ma motion :
"Le congrès,
Constatant que s’accentuent les déceptions essuyées par le peuple français depuis la libération du territoire : justice incomplète, épuration ratée, inobservation des avis de l’Assemblée consultative, mépris des indications données par les élections municipales, politique financière, non-réalisation des promesses faites quant aux réformes de structure, etc.
Constatant que le système électoral proposé est en fait une véritable duperie pour les régions de population dense ;
Constatant enfin que, malgré les insistances pressantes des ministres socialistes, le gouvernement n’a pas accepté de modifier sa position sur ces divers points ;
Invite les camarades du Parti, membres du gouvernement, à donner immédiatement leur démission.
Le congrès estime, en effet, impossible de maintenir plus longtemps une coalition dans laquelle nos camarades ne peuvent que compromettre inutilement le Parti, puisqu’il n’est tenu aucun compte de leurs revendications essentielles".
Voilà le texte qui s’oppose à l’autre texte. Je demande au congrès de se prononcer en toute indépendance et en toute sérénité (Applaudissements. Mouvements divers).
De Gauche à droite : Daniel Mayer, Guy Mollet en 1947.
 

 
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