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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Lafon Marynower Begarra 384
BEGARRA, l’ALGERIE REVEE

par François Lafon, à propos de Claire Marynower, Joseph Begarra. Un socialiste oranais dans la guerre d'Algérie, L’Harmattan 2008 240 p 20 €

Resituer avec brio l’itinéraire de Joseph Begarra dans la guerre d’Algérie, c’est accepter de se confronter à un pan de l’histoire socialiste en se gardant à bonne distance de toutes les analyses réductrices. La tâche était difficile et il convient de saluer le résultat auquel parvient Claire Marynower.


Pour ceux qui, présents à Lille en 1986 lors du premier (et à ce jour unique) colloque que l’Université a daigné consacrer à Guy Mollet, se souviennent de quelle manière Joseph Begarra prit la parole pour évoquer pour la première fois en public les négociations qu’il mena, à la demande du président du Conseil, avec Mohamed Khider au printemps 1956 et son dialogue avec Alain Savary, la parution de ce livre s’apparentera à un bain de jouvence.
Instituteur et donc socialiste, à une époque où l’intégration républicaine bénéficiait à plein de la fonction émancipatrice de l’école, sauf pour les enfants musulmans ce que ce socialiste oranais dénonça dès le plan de scolarisation de 1944, Begarra devint conseiller de l’Union française en 1948. Bon connaisseur de l’Algérie à Paris, mais peut-être moins des arcanes du mouvement national algérien, son itinéraire permet, sans parti pris ni anachronisme, de comprendre ce que fut la politique algérienne du gouvernement Guy Mollet.

Evidemment, le premier semestre 1956 constitua le moment tournant. Ayant cru un bref instant pouvoir parvenir à une solution politique, Joseph Begarra fut blessé par l’échec et cessa de considérer le FLN comme un interlocuteur digne de confiance. Dans une note que Claire Marynower date de fin 1956-début 1957, Begarra confie : « Dans une discussion autour de la table ronde, les musulmans seront toujours vainqueurs. Paroles doucereuses en contradiction avec les actes, apparente bonhomie, dissimulation des vrais sentiments en font des diplomates imbattables. Nous discutons à la bonne franquette, ils ont la bouche en cœur : nous sommes battus au départ ». Rien, à nos yeux, ne pourrait mieux formuler, très au-delà du cas Begarra, ce que fut le sentiment dominant de responsables ayant espéré jusque-là pouvoir régler le problème algérien par la négociation. Nul doute qu’un Christian Pineau, par exemple, aurait pu s’exprimer ainsi à propos du Raïs égyptien Nasser.

Ayant donc cru dans la solution du triptyque – dont il attribue l’échec à la seule responsabilité du FLN –, Joseph Begarra apparaît ici comme une figure stéréotypique des socialistes français – il géra pendant vingt-deux ans la fédération SFIO d’Oran, laquelle recrutait, faut-il le rappeler, dans la population musulmane – qui, tout en croyant à la nécessité de la réforme d’une Algérie coloniale, n’eurent pas d’autre choix que de gérer l’approfondissement du conflit. Sans doute, et Claire Marynower le signale avec pertinence, les dés étaient-ils déjà pipés depuis l’échec de Chataigneau en 1947 ?

Bien des années plus tard, à l’OURS, c’est ce que Joseph Begarra, avec Laurent Preziosi, tenta de faire comprendre à de jeunes (alors) chercheurs – n’est-ce pas mon cher Gilles Morin ? – qui un peu inconscients – et forts surtout de leurs a priori – envisageaient de se lancer dans l’histoire de la période mollétiste. L’ouvrage de Claire Marynower est l’occasion pour l’un d’entre eux d’adresser un grand merci posthume à tous ces témoins qui s’employèrent à leur faire comprendre la conjoncture mentale d’une période qu’il serait faux de réduire à une opposition irréductible entre gens biens et salauds.

Ecrites à Jérusalem où je réside désormais, ces dernières lignes s’apparentent pour moi à l’abécédaire qu’ils m’ont transmis de ce que doit être le métier d’historien. Et c’est pourquoi, tout bien pesé, outre la richesse de son information, le livre de Claire Marynower me paraît mériter toute notre attention.

François Lafon

Tiré d’un mémoire lauréat du prix de la Fondation Jean-Jaurès 2007, l’ouvrage est publié dans la collection « des poings et des roses ». Il est en vente à l’OURS : 20 €
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