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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Chapuis / Valeurs partagées, Fondapol, L'OURS 420
Valeurs actuelles, par ROBERT CHAPUIS
A propos du livre Valeurs partagées. Face au bouleversement des valeurs, la recherche d'un nouveau consensus, Sous la direction de Dominique Reynié, L’innovation politique/PUF, 2012, 362 p

Critique parue dans L’OURS 420, juillet-août 2012, page 1.

Face à la crise de la légitimité démocratique et de l’État providence, peut-on retrouver un consensus sur les valeurs qui fondent notre « vivre ensemble » ?
Telle est la question posée par Dominique Reynié, directeur de la Fondapol (Fondation pour l’innovation politique), à une dizaine de personnalités qui exercent leur intelligence sur une approche particulière du sujet. Si l’on en juge par les réponses, il y a encore du chemin à faire… Il n’y a d’ailleurs pas de conclusion et Dominique Reynié se contente de faire appel au jugement public, en choisissant de présenter les exposés par ordre alphabétique des auteurs.


Un consensus difficile
Ceci dit, il vaut la peine de les lire, car ils permettent, dans la différence de leurs points de vue, de circonscrire le débat interne à la droite comme à la gauche sur l’avenir de notre démocratie. Certains se confrontent à des valeurs essentielles, celles de la trilogie républicaine (André Gluksmann), de l’engagement (Dominique Schnapper), de la responsabilité (Alain-Gérard Slama), ou de la fraternité (Paul Thibaud). D’autres partent de leur situation ou de leur spécificité pour aborder un versant important de la vie sociale, ainsi Emmanuel Hirsch sur « une éthique du soin », Henri Madelin sur « la liberté religieuse » ou Corinne Pelluchon sur « écologie et libéralisme ». D’autres enfin recherchent une nouvelle base pour une morale à la fois individuelle et collective (Raymond Boudon, Luc Ferry, Michel Maffesoli). Si l’on s’en tient à quelques comparaisons, on voit mal comment concilier « le spectateur impartial » que Raymond Boudon emprunte à Adam Smith, avec « l’observateur social » qui, selon Michel Maffesoli, « se contente de ronronner quelques incantations convenues ». Dans le premier cas, c’est l’opinion qui, par son bon sens, va donner force morale à une démocratie qui ne peut être que représentative, sous le régime de la majorité, loin de la tyrannie des minorités. Dans le second cas, il faut prendre garde à l’énoncé de toute morale qui verse inéluctablement dans le moralisme et l’ordre moral ; il vaut mieux parler d’éthique parce qu’elle est particulière et s’accomplit parfaitement dans la déontologie pour « une expérience commune où chacun trouve sa place ». À la différence de Raymond Boudon, là encore, Corinne Pelluchon prône une démocratie délibérative et participative, fondée sur de nouvelles procédures (inspirées par Dominique Bourg), telles l’Académie du futur ou les conférences citoyennes, pour respecter le dialogue entre les droits de l’humain et ceux de la nature.

Vers un minimum moral
Luc Ferry cherche pour sa part à concilier la mondialisation, inévitable, et une « vision du monde qui donne sens à l’action collective ». Il doit se résoudre à ne retrouver de nouvelles valeurs que dans la vie privée où l’amour l’emporte désormais sur l’intérêt. Un peu court pour un nouveau programme politique… Gluksmann ne croit pas trop, lui, aux valeurs en soi : elles n’existent que dans la crise, par le conflit. Si la liberté est, pour les Français, surtout celle de Maître Renard, il vaut la peine de redonner du sens à l’égalité : « la volonté d’égalité, pas toujours triomphante, pas toujours vaincue, anime le travail de la société sur elle-même et l’exigence de dignité du citoyen ». Quant à la fraternité, elle sert à faire face « aux maux et à l’adversité ». Une « fraternité négative » qui redevient positive, sous la plume de Paul Thibaud, pour recréer du lien social, du lien entre les personnes à une époque où les bases de la solidarité (forcément nationale) sont sérieusement ébranlées.

Pour Alain-Gérard Slama, la solidarité la plus efficace est assurantielle, comme on l’a vu dans le mutualisme ou le solidarisme de Léon Bourgeois. Il faut retrouver l’inspiration des Lumières et le langage de la raison. Entre la droite qui veut la sanction et la gauche qui parle prévention, il y a une autre voie, celle de la responsabilité individuelle. Foin de l’excès de normes et de précautions de toutes sortes, il faut savoir comment commuer la peur en responsabilité. On retrouve ainsi le débat qui marque notre époque : comment la célébration des valeurs individuelles peut-elle aller de pair avec une démocratie qui exige un dépassement de la personne au sein d’un sujet collectif dont le sens nous échappe. Recréer au moins un débat sur le sens, dans ses limites, cette série d’exposés d’hommes (et une femme…) pétris de culture classique et d’intelligence moderne y contribue utilement.

Robert Chapuis
 

 
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