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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Colette, par Martine Pradoux
A L’OMBRE DE COLETTE
Par Martine Pradoux

François Caradec
Willy. Le père des Claudine
Fayard 2004 394 p 22 e

Colette
Lettres à sa fille (1916-1953)
Réunies, présentées et annotées
par Anne de Jouvenel
NRF Gallimard 2003 537 p 28 e

Le 50e anniversaire de la mort de Colette est l’occasion de nombreuses
publications sur l’oeuvre et la biographie de l’écrivain. Parmi les nouveautés, deux ouvrages de nature bien différente évoquent sa vie avec son premier
mari, Willy, et ses relations avec son unique enfant, Colette de Jouvenel.


François Caradec a consacré une biographie pétillante à Henri Gauthier-Villars dit Willy (1859-1931). Fils d’un polytechnicien et éditeur connu, cet homme de lettres, l’un des plus célèbres de la Belle-Epoque, serait aujourd’hui totalement oublié s’il n’avait été le mari de Colette et le père des Claudine. Le livre met en lumière les multiples facettes d’un auteur prolixe, cultivé et cultivant les calembours (« Othello : une tempête dans un Verdi »). Ce critique musical exigeant, fabricant de livres libertins, est aussi un bourgeois conservateur et antisémite, ardent défenseur de l’église et de l’armée. Quand l’antidreyfusard Willy refuse de signer dans La Revue blanche en faveur de ce qu’il appelle « la Zolatrie dreyfusienne », Pierre Veber, l’un de ses « collaborateurs », déclare : « C’est la première fois qu’il refuse de signer quelque chose qu’il n’a pas écrit. » Quand il épouse Colette, elle est alors une jeune provinciale qui n’existe pas, écrira-t-elle, à côté de son brillant mari. Quand ils se séparent, 13 ans plus tard, c’est Willy qui n’existe plus. Il appelle Colette « ma veuve » et signe ses lettres « feu Willy ». Elle a 34 ans, lui 48. Le livre offre un éclairage inédit sur la genèse des Claudine, écrits par Colette, corrigés et signés par Willy. Une entreprise vouée au succès, attisé par le scandale. Accusé d’outrage aux bonnes moeurs, Willy est défendu par Paul-Boncour. En 5 ans, le couple publie 28 volumes (dont 6 de Colette) dans les « ateliers » de Willy. Ce dernier, couvert de dettes, vendra les droits d’auteur des Claudine, à l’insu de Colette. Elle ne le lui pardonnera jamais.

Colette et sa fille
Dans une belle préface, Anne de Jouvenel, nièce de la fille de l’écrivain, explique comment elle a accepté de publier près de 650 lettres, souvent non datées, échangées de 1916 à 1953, classées et annotées par ses soins. Cette correspondance nous fait découvrir Colette dans un rôle qui l’embarrasse visiblement. Mère à 40 ans, en 1913, elle ne cesse d’écrire romans, articles, pièces de théâtre, dialogues de films, etc., et de voyager pour des tournées théâtrales et des conférences. Elle consacre ses rares moments d’oisiveté à ses amours et à ses amis. Au début, ses lettres sont rares et sévères pour cette petite fille qui lui est étrangère et qui ne cesse de réclamer du temps à des parents distraits et le plus souvent absents (le père, Henry de Jouvenel se consacre au journalisme et à la politique). Les relations changent de nature quand la mère vieillissante découvre chez sa fille devenue adolescente un humour, une force et un appétit de vivre dans lesquels elle se retrouve : Colette accepte sa fille quand cette dernière ne lui demande plus rien. Elle peut alors la considérer comme « un ami ». Puis, avec le temps, les rôles s’inversent. Toujours affectueuse mais lointaine, la fille voyage tandis que la mère, désormais immobile, s’inquiète de ses silences. Comment exister quand on a la malchance d’être, comme le reconnaît la romancière, « la fille de deux quelqu’un » ? Impossible pour « Petite Colette » de devenir écrivain même si elle écrit bien, comme en témoignent ses lettres. Sous l’Occupation, la fille de Colette séjourne en Corrèze et accueille des réfugiés dans un château en ruine. Elle tente, en vain, de créer pour la zone sud une revue culturelle dont Vichy empêchera la parution.
À la Libération, elle est maire de son village corrézien et effectue pendant l’été 1945 un reportage à Berchtesgaden pour le journal Fraternité. Elle devient décoratrice puis antiquaire. À la question : « Qu’est-ce que cela représente d’avoir une mère si célèbre ? » Elle répond : « Il faut toute une vie pour s’en remettre. » Elle se retire à la campagne. Son adresse ne s’invente pas : « Impasse de l’Ecritoire ».
Martine Pradoux
 

 
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