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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Lafon/Castagnez 342
Socialistes : portrait de groupe en IVe, par François Lafon

A propos de Noëlline Castagnez, Socialistes en République, Les parlementaires SFIO de la IVe République, Préface de Jean-Marie Mayeur, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004, 414 p, 21 e

Article paru dans L’OURS 342, novembre 2004

On connaissait depuis Jean Maitron l’intérêt de l’approche prosopographique dans la connaissance du mouvement ouvrier. Tout le mérite de l’étude du groupe parlementaire socialiste sous la IVe République menée par Noëlline Castagnez est, tout en participant pleinement de ce genre de littérature historique, de le renouveler profondément.

En effet, cette présentation de ces élus " socialistes en République " débouche sur une grille de lecture de l’histoire socialiste qui permet de mieux mesurer l’originalité de ce Parti à travers un triple questionnement.
En premier lieu, à travers le renouvellement des parlementaires socialistes après l’Occupation, Noëlline Castagnez s’attache à mesurer la rénovation du Parti socialiste. Ce faisant, elle met à jour, après avoir souligné combien domine l’enjeu de la mémoire de la Résistance, un phénomène de continuité : il s’est davantage agi de la promotion de militants socialistes au long parcours avant guerre que d’un " renouvellement endogène ", toujours sensible aux nécessités électorales. L’absence d’ouverture est flagrante. L’échec de la direction de la SFIO lors du congrès de 1946 en atteste.
En second lieu, l’historienne s’attache au décryptage des itinéraires socialistes, notamment à travers le questionnement : " comment sont-ils devenus socialistes ? " Là encore domine la pluralité des parcours. Mais émergent aussi quelques tendances lourdes : le poids des Jeunesses socialistes (qui apparaissent comme un véritable vivier) et du milieu enseignant, pour ne citer que ces deux exemples est ici mesuré avec la plus grande précision. De même l’influence de la franc-maçonnerie (puisqu’on apprend que près de 40 % du groupe socialiste élu en 1956 appartenait à une obédience maçonnique) est évidente. Quant à l’imaginaire ouvriériste (encore que les élus SFIO se soient plus aisément réclamés d’une extraction " populaire "), il est mis en valeur, l’étude prosopographique débouchant évidemment en la matière sur une histoire des mentalités.
Pourtant, Noëlline Castagnez se garde de toute modélisation réductrice en pointant les exceptions. Ainsi en est-il de l’itinéraire de jeunesse de Gaston Defferre. Pour compléter le portrait robot, la fonction d’élu local apparaît primordiale. Faute de comprendre que la SFIO est d’abord un parti provincial, l’on se condamnerait à ne rien comprendre à sa réalité.

Une biographie collective
Enfin, la confrontation à travers les cultures politiques avec les crises majeures de la IVe République permet d’approcher la réalité du Parti socialiste. De ce point de vue, la présentation de la relation " fascination-répulsion " au communisme permet de comprendre les différencers entre ceux pour qui l’anticommunisme était consubstantiel à l’engagement socialiste et ceux pour qui la rupture fondamentale data de l’hiver 1947 s’avère particulièrement éclairante. De même, la relation au pacifisme puis au réarmement allemand témoigne du choix européen. Dans une démarche (sans doute un peu perverse) de concordance des temps, le lecteur se précipitera sur la relation des débats sur la Communauté européenne de défense, et tirera peut-être de l’attitude d’un Alain Savary qu’être opposé à certains aspects de la construction européenne un jour ne signifie pas pour autant que l’on soit antieuropéen toujours.
Evidemment, la question algérienne et la crise de 1958 lors du retour du général de de Gaulle sont ici abordées en mettant en avant la diversité des comportements, ce qui contribue à s’éloigner des caricatures officiellement dominantes qui tiennent lieu d’histoire du socialisme.
Ces parlementaires, pour plagier le vieux Bracke qu’aimait à citer Guy Mollet, n’étaient en rien des surhommes, mais justes, avec leurs faiblesses et leurs doutes, des hommes sûrs pour le socialisme français. Là n’est pas le moindre apport de ce travail magistral, qui est aussi une contribution à une biographie collective qui mobilise une partie de la recherche actuelle sur le mouvement socialiste.
François Lafon
 

 
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