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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Candar/Gazier 361
Albert Gazier, un expert socialiste, par GILLES CANDAR (a/s de Albert Gazier, Autour d’une vie de militant. Écrits autobiographiques 1908-1997, L’Harmattan 2006 320 p 20 €)

Un beau début pour cette nouvelle collection, que lancent en commun la Fondation Jean-Jaurès et l’OURS. On sait que la première a pour vocation de s’intéresser, outre ses tâches de formation, à l’histoire du Parti socialiste depuis 1969 et le second de traiter de l’histoire plus ancienne, notamment autour de la SFIO. Mais les frontières sont faites pour être franchies et les recherches en histoire politique, sociale et culturelle sur le socialisme pas si foisonnantes que ne soient salutaires rapprochements et coopérations. Les deux maîtres d’œuvre de l’entreprise, Frédéric Cépède et Gilles Morin, ont voulu faire connaître le trésor constitué par les archives Gazier déposées à l’OURS. Ces archives, comme d’autres, avaient besoin d’être classées, organisées, présentées : elles contiennent, entre autres, un « journal », tenu de manière discontinue, et des « témoignages » rédigés après-coup. Frédéric Cépède et Gilles Morin en ont fait un livre, dense et clair, grâce à une solide introduction, avec des annexes bienvenues, et respectueux de la diversité un peu composite du matériau d’origine. Des hommages de Pierre Mauroy, Lionel Jospin et Marc Blondel complètent l’ensemble.

L’ascension d’un déclassé
Albert Gazier (1908-1997) fut un personnage-clef du socialisme et du syndicalisme français pendant plusieurs décennies. Socialement, il commence un peu à la manière de Jaurès en déclassé, ou plutôt comme quelqu’un qui vécut à l’intersection de milieux et d’expériences contrastés. Petit-fils d’un universitaire spécialiste du jansénisme, qui siégea au jury de thèse du jeune Lucien Febvre, fils d’un agrégé de lettres classiques, officier tué à la guerre, Albert Gazier fut contraint par des malheurs familiaux et la maladie (tuberculose) à travailler jeune comme employé de librairie (coursier-commis aux PUF) après avoir passé le baccalauréat. Militant, il fonda une section syndicale et prit des responsabilités dans la fédération des employés de la CGT, où il se constitua « un réseau d’amis fidèles », au premier rang desquels un autre jeune « déclassé » (pour d’autres raisons), Christian Pineau.
La Résistance bouleversa sa vie, comme celle de bien d’autres militants de sa génération, qui par leur courage et leurs choix furent appelés à remplacer ceux qui avaient failli ou laissé faire. Gazier rencontra de Gaulle, connut Londres et Alger, fut élu député socialiste de la Seine à la Libération et le resta jusqu’en 1958. Il fut plusieurs fois ministre, spécialisé dans les questions économiques et sociales : sous-secrétaire d’État à l’Économie (1946), ministre des Affaires sociales (1956-1957), mais aussi ministre de l’Information (1950-1951 et pendant la crise de mai 1958). Homme de dossiers et de réalisations, resté proche du monde syndical, désintéressé, il exprima le personnage de l’expert qui avait émergé dans la vie politique française au début du siècle et pendant la Grande Guerre. Il avait d’ailleurs siégé au Conseil national économique à la fin des années 1930. En revanche, il n’était ni un chef, ni un homme de pouvoir, plus à l’aise dans le travail d’équipe.
La perte des mandats électoraux en 1958, une mise à l’écart certaine à l’intérieur du milieu dirigeant de la SFIO auraient pu le contraindre à une retraite anticipée. Sa deuxième carrière – ou troisième sinon quatrième, après celles de syndicaliste et de résistant – l’amena à occuper des postes moins en vue, mais non négligeables. Il ne rompit pas avec la SFIO et y conserva une position assez forte pour pouvoir peser sur son orientation et sur son organisation. Il souhaitait une évolution, des changements de méthode dans la vie du parti, mais aussi sur le fond. Ancien délégué à la conférence de Brazzaville (1944), il comprenait les changements du monde et l’aspiration des peuples colonisés à l’indépendance. Comme Pineau ou Jaquet, il pouvait assurer le lien avec les rivaux internes de Guy Mollet, tel Defferre, ou protéger des jeunes partisans de la modernisation et de l’ouverture comme Mauroy. Il fut donc actif dans le processus des années 1960 qui trouva son débouché dans le congrès d’Épinay (1971). Il anima un temps le groupe des experts du PS mais, s’il avait pris sa part de la transition, il ne put être vraiment un homme des temps nouveaux. Mitterrand ne cherchait pas à trop s’entourer de responsables de sa génération, hormis, tant que cela fut nécessaire, Gaston Defferre, toujours puissant maire de Marseille. Ce fut donc à l’amitié, au sens de la continuité historique et des traditions socialistes de Pierre Mauroy, qu’Albert Gazier dut d’exercer des responsabilités encore notables après 1981 : animateur d’un groupe d’experts informel auprès du Premier ministre et membre du Conseil supérieur de la Magistrature (1983-1988) à la suite de Daniel Mayer.
Les moments forts du livre concernent la guerre, la Résistance et la Libération, d’un point de vue très vivant et concret plus qu’institutionnel ou académique, la conférence de Brazzaville et la crise de mai 1958 aussi, pour ce qui concerne l’événementiel. Albert Gazier se révèle ici comme une personnalité attachante, homme d’honneur, infatigable travailleur toujours à la recherche « d’un peu de ciel bleu » pour lui comme pour les autres.
Gilles Candar
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