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Girard/Marcovich387
LES DROITS DE L’HOMME AU PLACARD ?
par Pascal Girard

A propos de Malka Marcovich, Les nations désunies. Comment l’ONU enterre les droits de l’homme, Editions Jacob-Duvernet 2008 187 p 19,90 €
Article paru dans L’OURS n°387 avril 2009

Ce livre est un nouvel état des lieux, cinq ans après le cri d’alarme de Jean-Claude Buhrer et Claude B. Levenson (L’ONU contre les droits de l’homme, Mille et une nuits, 2004) et à la veille de la conférence sur le racisme de Genève.

À en croire Malka Marcovich, militante du droit des femmes qui connaît bien le fonctionnement de l’ONU, en dépit des diverses conférences et organisations qui y ont été consacrées, l’action des Nations Unies dans le domaine des droits de l’homme n’a cessé de se dégrader.

La fuite en avant
Alors qu’avec la fin de la guerre froide et de l’apartheid des verrous semblaient avoir sauté, les années 1990 ont marqué un recul, avec en particulier l’apparition de revendications en faveur de normes limitatives sur la démocratie ou les droits de l’homme.

Les années 2000 seraient celles de « la fuite en avant », avec la conjonction de la contestation de l’universalité des droits et le blocage des institutions. Tout comme la défunte Commission, le Conseil des droits de l’homme (créé en 2006), par le jeu des représentations régionales, est dominé par des États non démocratiques qui s’associent afin d’empêcher toute critique ou ingérence. Sur la base du chantage au consensus, de formulations floues et de la sacro-sainte souveraineté nationale, la refonte des institutions a même rendu inopérantes les dénonciations des violations des droits de l’homme par les « rapporteurs spéciaux », et mis les ONG sur la touche – exceptées celles appointées par les gouvernements en question. Bien sûr, les États démocratiques, en particulier occidentaux, ne se gênent pas pour privilégier leurs propres préoccupations quand cela est possible. Mais la majorité dont disposent les États autoritaires a transformé le Conseil en une tribune avant tout dirigée contre Israël et les États-Unis, facilement indulgente avec maints crimes commis sur le reste du globe. Cette attention sélective est payée au prix fort par les habitants de pays tels que le Bangladesh (sans doute le cas le plus criant évoqué par le livre) où la vague de répression politique sans précédent de 2007 et l’arrestation arbitraire du rapporteur spécial et de sa famille n’ont provoqué aucune réaction réelle de la part de l’ONU.

Défenseurs des droits de l’homme
de tous les pays…

On pourra accuser l’auteure d’avoir écrit un pamphlet « à charge », souvent univoque, qui laisse dans l’ombre des aspects positifs et exagère la portée réelle de certaines initiatives. Mais reste que les développements récents de l’action de l’ONU sur ces questions valident souvent son diagnostic. Apres le mini-scandale de Durban en 2001, le dévoiement de la lutte contre le racisme se poursuit, notamment par le biais de la priorité donnée à la lutte contre les discriminations religieuses, dans le but explicite de limiter la liberté d’expression dans un sens qui tient parfois du délit de blasphème. Les préparatifs de la conférence des 20-24 avril (suivis en France par Caroline Fourest(1)) confirment d’ailleurs certaines des craintes avancées par l’ouvrage. On est également pantois devant les proclamations de « l’Alliance des Civilisations », pourtant appuyée par des leaders progressistes et laïques occidentaux : relativisme des droits (en particulier pour les femmes), focalisation exclusive sur le Moyen Orient, exaltation du rôle des religions et essentialisation de civilisations sur des bases religieuses…

La véritable question, hélas seulement effleurée, est finalement de savoir comment sortir de cette situation. Du livre ressortent en creux deux voies à éviter : celle des États-Unis, largement discrédités et pratiquant souvent la politique de la chaise vide, et celle de l’Europe, divisée et silencieuse, que ce soit par mauvaise conscience ou par calcul économique. Il est clair que les démocraties, occidentales en particulier, sont loin d’être irréprochables et peuvent aussi se montrer oublieuses de leurs propres fautes (passées ou présentes) ; de quelle légitimité pourraient-elles se prévaloir pour décider qui doit siéger et dire le droit ? Mais l’ouvrage démontre que le sacrifice de l’universel sur l’autel du consensus mou débouche sur le statu quo, autrement dit le droit des dictateurs, théocrates et autres présidents à vie de continuer à violer impunément les droits de l’homme. Sans doute conviendrait-il de retrouver l’esprit d’un internationalisme un peu passé de mode, optimiste et ouvert au dialogue mais ferme et courageux sur les principes et les individus qu’il entend défendre.
Pascal Girard
(1) les résolutions sont consultables sur : http://www.un.org/durbanreview2009/sessions.shtml)
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