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Prévot/Georgi Autogestion
AUTOGESTION : QUE RESTE-T-IL DE NOS AMOURS ?
par Maryvonne Prévot
Cet article est paru dans L'OURS n° 335, février 2004)
a/s de
Frank Georgi (dir),
L’autogestion. La dernière utopie ?
Publications de la Sorbonne 2003 612 p 30 e

Augestion : ce mot chargé d’idées censées révolutionner la société fleure bon ses années post-soixante-huitardes. Comment et pourquoi a-t-il si vite disparu ? Réponses dans cet ouvrage collectif qui offre de nombreuses pistes de recherche.

Ce livre – important et passionnant – est le fruit d’un colloque organisé par le CHS du XXe siècle (Paris I), en 2001. Il est parti d’un constat a priori sans appel : marginale avant 1968, l’autogestion est devenue la référence absolue et obligée dans les années 1970. Célébrée (L’ge de l’autogestion par Pierre Rosanvallon en 1976), promise (Demain l’autogestion par Edmond Maire), revendiquée ou récupérée dans les discours politiques, du PCF (ici remarqublement traités par Serge Dandé) à certains libéraux, elle a débordé les frontières de l’entreprise (la grève de Lip en 1973 faisant figure de symbole) pour irriguer les " nouveaux mouvements sociaux " qui entendaient alors changer la vie au quotidien : écologie, reconquête de la ville, féminisme, régionalisme, pédagogie antiautoritaire ou utopies communautaires. Vingt ans plus tard, nul référent spécifique dans les savants dictionnaires : Dictionnaire historique de la vie politique française (1995), Dictionnaire des intellectuels (1996), Nouvelle histoire des idées politiques (1987). Le mot semble officiellement avoir disparu des registres intellectuels, politiques ou sociaux.
L’ouvrage s’efforce dès lors de retracer l’émergence, l’apogée et l’abandon d’un terme et d’une idée, d’un projet de vie et de société. Et de poser d’emblée plusieurs questions qui ont aujourd’hui toute leur pertinence – c’est ce qui fait l’intérêt de ce livre même s’il n’y répond pas complètement : quelles sont les sources de l’autogestion ? Fut-elle à la fois une utopie positive ou un rejet des modèles existants et notamment marxiste ? A-t-elle exprimé la recherche, dans un monde en constante mutation, de nouveaux modes d’articulation entre l’individu et le collectif ? La crise de la représentation actuelle, la démocratie participative, la valorisation du " terrain ", de la " base ", du " local ", de la " proximité ", l’aspiration à une maîtrise " citoyenne " de la mondialisation et à une économie solidaire ne seraient-elles pas l’écho, même lointain ou déformé, de quelques-uns des thèmes rassemblés sous la bannière autogestionnaire ?

Une idée et des pratiques
Pour tenter d’y répondre historiquement, l’ouvrage collectif – difficile de citer les quarante-cinq historiens, politiques, sociologues, doctorants, et praticiens sollicités – est articulé en quatre parties, assez équilibrées. La première est essentiellement consacrée à la construction théorique de l’autogestion (Pierre Naville, Henri Lefebvre, Victor Fay, Victor Leduc, Hyacinthe Dubreuil), de ses modèles et mythes référents, auxquels s’ajoute l’expérience singulière de la Belgique. La deuxième décrypte les usages politiques de l’autogestion, de son rôle dans la recomposition d’un champ politique de gauche à des expériences de terrain comme les Groupes d’action municipale (GAM), en passant par l’irrigation des courants socialistes – qu’ils soient rocardien (F. Georgi) ou chevénementiste (Émeric Bréhier) – ou la mise en place d’un organisme - l’Adels, association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (Françoise Tétard) – qui continue aujourd’hui son action sous d’autres formes et avec d’autres mots qu’il serait fort intéressant d’analyser. La troisième partie est dédiée à l’entreprise et au travail. La contribution de Georges Ribeill placée en première partie, analysant La République industrielle de Hyacinthe Dubreuil et ses diverses considérations sur l’entreprise y aurait, à mes yeux, tout aussi bien trouvé sa place même s’il s’agissait ici de retracer des conflits qui ont marqué les luttes sociales des années 1970 et 1980 à travers le territoire, jusqu’à devenir des symboles (Lip).
La dernière partie, " Vivre autrement ", est plus hétéroclite. On y trouve pêle-mêle des contributions sur l’autogestion en milieu étudiant avant et après 1968 (Robi Morder), ou sur l’idée d’autogestion au sein du syndicat de l’enseignement privé FEP-CFDT (Bruno Poucet). Cette contribution, ajoutée à la conclusion d’Antoine Prost, n’épuise pas, de l’aveu même de Frank Georgi, les liens entre pédagogie et autogestion. Des contributions, par exemple, sur les Cemea (Centres d’entraînement aux méthodes de l’éducation active, pédagogie Freinet) ou sur des expériences comme la Villeneuve de Grenoble manquent ici. On y trouve encore des études sur la création collective au théâtre (Jean Caune), la Fédération sportive et gymnique du travail, (Marianne Borrel), les mouvements familiaux (Dominique Loiseau et Annie Dussuet), les féministes (Michelle Zancarini-Fournet), pour retrouver une certaine unité dans les deux derniers articles qui posent la question de " l’animation dans le béton : autogérer les grands ensembles ? " (Annie Fourcaut) suivie du seul exemple véritablement actuel d’un quartier " alternatif ", la Croix-Rousse à Lyon (Mimmo Pucciarelli).
On peut regretter – mais est-ce la vocation d’un ouvrage historique ? – une conclusion plus rétrospective que véritablement prospective sur les manifestations et les usages politiques actuels de ces " lointains échos " – utopiques ou pas (Forum social européen, mouvement altermondialiste, etc.) – et qui auraient mérité de s’interroger davantage sur leur sens en lançant quelques pistes de réflexion à la lumière des études publiées. Mais sa lecture est intellectuellement et politiquement stimulante.

Maryvonne Prévot
Le Sommaire de l'OURS 335 (février 2004)
 

 
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