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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Lafon Eric Sembat Agutte
Exposition

MARCEL ET GEORGETTE, UN HOMME ET UNE FEMME

par ERIC LAFON

Le 4 septembre 1922, Marcel Sembat meurt à Chamonix, victime d’une hémorragie cérébrale. Quelques douze heures plus tard sa compagne et épouse, Georgette Agutte, se donne la mort d’une balle dans la gorge.
Les Archives nationales leur rendent hommage depuis le 2 avril 2008 par un merveilleux et beau travail d’exposition et de catalogue.


Entre Jaurès et Matisse
Marcel Sembat & Georgette Agutte à la croisée des avant-gardes

du 2 avril au 13 juillet 2008
l’Hôtel de Soubise, Salle des Gardes,
musée de l’histoire de France
60 rue des Francs-bourgeois 75003 Paris. Tél. 01 40 27 62 56.

De Marcel Sembat il ne nous reste qu’une station de métro à Boulogne-sur-Seine et des dizaines de rues un peu partout en France à Marseille, à Lens, à Bègles, à Rennes, mais aussi dans cette banlieue ouvrière que l’ancien député socialiste de Paris à connu (Saint-Denis, Montreuil, Aulnay-sous-Bois, Villetaneuse). À gauche, un souvenir mitigé entre l’ancien socialiste révolutionnaire qu’il a été en rejoignant en 1895 le parti d’Édouard Vaillant, le Parti socialiste révolutionnaire, né au lendemain de la mort d’Auguste Blanqui, et le ministre des Travaux publics du gouvernement d’Union sacrée (1914-1916). Un parcours que beaucoup jugent comme un « écart », au pire « une trahison ». Mais l’historien s’essaye à ne jamais revêtir les habits du procureur, d’autant plus quand ce dernier n’assène que des « vérités » sur les uns et se complait le plus souvent dans l’amnésie la plus coupable à l’endroit de ses proches. Passons.

La visite de l’exposition aux Archives nationales ne peut que conduire les plus curieux d’entre nous à lire ou relire les travaux anciens et récents1 sur l’homme pour en approcher tout l’intérêt, la complexité.

Mais ce n’est pas tant l’histoire du dirigeant socialiste que les commissaires de l’exposition ont souhaité nous inviter à découvrir que la relation entre un homme et une femme vivant dans le Paris de la « Belle époque »

Agutte, peintre à part entière
Le suicide de Georgette, et auparavant son mariage conduisent les plus féministes à considérer que cette femme avait perdu tout de sa liberté et de son indépendance. Sa correspondance et ses œuvres présentées dans l’exposition montrent tout le contraire. À moins de considérer qu’aimer un homme de toute son âme témoigne d’une négation de sa propre individualité. Cette mise en scène de leur amour qu’est cette exposition n’a rien de vulgaire ou de pathétique. Elle fait preuve d’une vraie originalité et d’un défi relevé. La relation amoureuse, amicale, car Marcel et Georgette sont deux amis aussi, ne parvient pas à disparaître au profit du seul engagement du militant, dirigeant socialiste et homme d’État qu’a été Marcel Sembat. Entre deux affiches de Paul Poncet ou des brochures maçonniques, l’œuvre de la peintre Agutte est là bien présente dans toute sa diversité (nature morte, nus, paysages, portraits) et les correspondances, catalogues d’exposition de l’époque attestent de la reconnaissance par ses « maîtres » de son art. Cette peinture vient dialoguer avec le combat que l’une et l’autre ont mené contre l’académisme et le conformisme en art.

Agutte peint et Sembat défend la liberté des artistes cubistes face aux conservateurs qui entendent interdire les « atteintes à la morale » mais aussi face aux dirigeants de son parti pour lesquels l’art se doit d’être au service du prolétariat. C’est dans ces combats, autour de ces convictions partagées et discutées que l’on retrouve les deux amoureux dans leur jardin de la maison de Bonnières ou lors de leurs escapades à Chamonix, c’est en cela qu’ils fusionnent. Une fusion existentielle qui disparaît un jour d’été 1922, quelques jours après la mort de Jules Guesde, huit années après celle de Jaurès, après les millions de morts de la Grande guerre.
Une très belle exposition sur deux êtres, deux intellectuels, deux collectionneurs d’art à découvrir pour notre bonheur.

Eric Lafon
(1) Voir le superbe catalogue de l’exposition publié sous le même titre (Archives nationales, Somogy éditions d’art, 2008, 200 p, 30 €) et la récente publication des Carnets noirs. Journal, 1905-1922 (Viviane Hamy, 2007) que l’on doit à l’OURS qui conserve une grande partie des archives Marcel Sembat. Enfin aux ouvrages de Denis Lefebvre publié en 1995, 2001, 2003 et dont les titres figurent en annotation de son texte sur Sembat dans le catalogue de l’exposition. Un cycle de conférences accompagne l’exposition. Renseignements au 01 40 27 62 83.
 

 
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