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L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHE SOCIALISTE
 
Sawicki / Pommatau 408
Mémoires d’outre-FEN

Par Frédéric SAWICKI

A propos de Jacques Pommatau, Au temps de la force tranquille…. La Fédération de l’Éducation Nationale et la gauche au pouvoir, L’OURS, 2011 155 p 14 €


Article paru dans l’OURS n°408, mai 2011

Des grandes figures de la FEN et du SNI des années 1970-1980, Jacques Pommatau est l’un des rares à n’avoir pas jusqu’ici pris la plume, soit pour témoigner (de son parcours, de ses engagements…), soit pour livrer sa vision de l’éducation et du syndicalisme. Réticent à l’écriture, critique à l’égard des livres d’auto-justification, il a fallu toute la persuasion amicale d’André Henry et de Guy Putfin pour convaincre enfin, à 77 ans, celui qui dirigea la FEN durant le premier gouvernement de gauche de la Ve République – de 1981 à 1987 – de se confier sous la forme d’entretiens très spontanés, souvent très directs, d’où des portraits parfois cinglants d’anciens ministres ou de responsables syndicaux. Les lecteurs n’en seront pas déçus.


Les plus jeunes y découvriront d’abord toute la puissance socialisatrice du milieu laïque dont les instituteurs et le SNI sont l’épicentre. En effet, pour une majorité d’instituteurs des trente glorieuses l’entrée dans le métier et l’entrée dans le syndicalisme, par le biais des Écoles normales, se confondent. Comme le résume Jacques Pommatau : « Être instit’, c’était en même temps être au SNI. Le SNI c’était notre maison, notre syndicat, presque notre parti politique ». Dans son cas, l’entrée dans ce milieu est particulièrement précoce. Petit-fils, neveu et fils d’instituteurs militants (son père a créé la MAIF dans l’Ain), on voit mal comment il aurait pu échapper à son destin1, même si, comme il l’avoue, il n’avait rien d’un bon élève. C’est ainsi parce qu’il est le fils de son père qu’il est coopté comme secrétaire de la section du SNI du canton de Belley à son arrivée dans l’Ain en 1957. La suite est affaire de travail et de mérites personnels. Cet « instituteur rural » franchit une à une les étapes du cursus honorum syndical : conseiller syndical (1962), secrétaire départemental (1965), il se retrouve membre du bureau national du SNI en 1969 et pour la première fois permanent. Jusqu’alors il n’avait cessé d’enseigner : « l’idée même de revendiquer une décharge syndicale n’existait pas », écrit-il. Même si le travail syndical était avant 68 de son aveu moins lourd, car concentré en fin d’année scolaire au moment de la gestion des mutations, il n’en était pas moins chronophage quand on habitait loin du chef-lieu du département comme c’était son cas.

La « montée à Paris » coïncide avec un changement de génération dirigeante à la tête du SNI mais aussi avec une montée en puissance du rôle de la FEN, source de bien des tensions, le tout dans un contexte de rivalités accrues entre le SNI-PEGC et le SNES passé sous le contrôle des militants communistes de la tendance Unité et Action. Le témoignage de Jacques Pommatau apporte un éclairage sur cette période cruciale de l’histoire politique et syndicale que sont les années 1970. On comprend mieux à le lire que le déclin relatif du SNI-PECG, qui conduira in fine à l’éclatement de la FEN, résulte de la combinaison de facteurs sociologiques (l’augmentation du nombre des enseignants du secondaire, mais aussi de la part des instituteurs recrutés en dehors des Écoles normales), institutionnels (renforcement du rôle de la FEN comme interlocuteur de l’État dans les négociations dans la fonction publique à partir de 1968 prélude à l’obtention du label d’organisation représentative en 1976, lequel s’accompagne de la dotation de postes de permanents au titre de la formation) et politiques (les rivalités entre socialistes et communistes), même si on peut regretter que Jacques Pommatau soit peu disert sur ce dernier point.

Nommé secrétaire général de la FEN en 1981, en partie parce qu’il s’occupait des questions statutaires au sein du SNI, Jacques Pommatau s’efforce alors tant bien que mal de gérer toutes les tensions qui traversent le monde enseignant et le milieu laïque dans un contexte radicalement nouveau où beaucoup de ceux qui gouvernent l’État sont des camarades de combat desquels on attend beaucoup : la revalorisation de la condition des instituteurs mais surtout le changement de statut de l’enseignement privé. Le livre confirme la proximité et la fréquence des échanges tant avec Pierre Mauroy qu’avec François Mitterrand, mais aussi les hésitations de ce dernier à l’égard du dossier laïque : « Je l’ai toujours senti hésitant sur ce problème, non profondément convaincu du bien-fondé de nos perspectives de service public unifié » affirme Jacques Pommatau, qui n’est pas loin de considérer que François Mitterrand a joué la montre et laissé s’enliser ce dossier en le confiant à un ministre duquel il n’était pas proche. Près de trente ans plus tard, sa déception reste vive, tout comme est grande son amertume devant la façon dont, entre 1988 et 1991, Lionel Jospin a renoncé à créer un nouveau corps de professeurs de collège, précipitant l’éclatement de la FEN. Au total, c’est donc plutôt un regard désabusé que porte Jacques Pommatau sur ce qu’est devenu son syndicat et sa fédération, et on le serait à moins.

Frédéric Sawicki
(1) Avec sa femme, institutrice également, ils transmettront d’ailleurs eux-mêmes le flambeau à leurs deux enfants.
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